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Si la solitude est un exploit

by Nouvelles

2024-09-09 09:48:51

Même les sommets s’inclinent devant les hommes, devant leur volonté, inrayables comme le hard rock. Cela s’est produit le lundi 22 août 1955, à 16 h 37, lorsque Walter Bonatti conquit le sommet du Dru, dans la partie nord du massif du Mont Blanc. Sa Majesté Walter et Sa Majesté Dru avaient affronté des coups de neige et des vents terribles, des clous et des ascensions, des peurs et des descentes aux enfers. Une mêlée violente, très longue et presque inhumaine que Diego Alverà raconte, mètre après mètre, dans Seul. Walter Bonatti du K2 au Dru, ascension physique vers le sommet et mots utilisés comme marches vers le ciel.

L’année précédente, l’alpinisme italien avait célébré la conquête du K2. Non sans polémique cependant, au centre de laquelle se trouvait également un jeune Walter Bonatti, 24 ans. Selon les plans d’Ardito Desio, Bonatti et Pino Gallotti étaient descendus au Camp VII, à une altitude de 7345, pour récupérer leurs réserves d’oxygène, puis avaient retrouvé Erich Abram et les Hunza Isakhan et Amir Mahdi. Ils devaient atteindre les 7627 mètres du Camp VIII. Mais seuls Mahdi et Walter, alourdis par la charge et la fatigue des pentes glacées, montent vers le Camp IX, celui d’où Lino Lacedelli et Achille Compagnoni feront l’attaque finale sur le sommet. Ils font quatre pas et s’arrêtent, le manque d’oxygène les étouffe. Les heures passent, lentement et douloureusement. Ils cherchent la tente de Linus et Achille sans la trouver, il fait nuit et le vent est furieux. Amir est ivre de fatigue, Walter, plus lucide, se creuse un abri dans la glace à -50°. Ils n’ont ni nourriture, ni tente, juste un corps battu par la tempête et Walter chante la berceuse, compte et raconte pour tenir son compagnon éveillé. Compagnoni et Lacedelli arrivent sur le K2, Amir Mahdi est sauvé mais avec de graves engelures aux mains et aux pieds. Une affaire diplomatique a éclaté sur la façon dont, selon la presse pakistanaise, le porteur avait été traité et Bonatti a ressenti le poids d’accusations injustes.

Après les polémiques, la nuit maudite à 8100 mètres et ces heures, surplombant le rocher et la peur, accroché à la glace et au vide, l’alpiniste revient en Italie, il a besoin de se retrouver et de rompre avec les excès rhétoriques avec lesquels le L’Italie d’après-guerre avait célébré le K2. Bonatti est un homme de pierre et de vent, d’action et de silence, avec une éthique personnelle de la montagne : « Grimper, ce n’est pas arriver mais plutôt grimper, peut-être de la manière la plus difficile, pour se tester, expérimenter et comprendre. Grimper, c’est apprendre à se connaître, ressentir des émotions, faire la paix avec ses émotions et sa fragilité. C’est pleurer de joie et de douleur, c’est se sentir vivant et plein, reconnaissant pour l’extraordinaire intensité de ce voyage.” En 1955, il s’installe à Bardonecchia, tombe amoureux, mais le K2 est un cauchemar récurrent. Il commence à penser aux Dru, «hautains et pâles, caressés par une traînée d’étoiles brillantes et inconnues», grâce aussi au livre de Roger Frison-Roche, Premier en ligneparce qu’il veut d’abord se prouver qu’il est toujours en vie.

Il y a des amis autour de Bonatti, ils lui donnent l’émetteur-récepteur pour affronter ce monstre de pierre et de surplombs. Dix jours pour tout préparer et récupérer ce qui reste de son existence et l’emmener là-haut : elle a avec sa nourriture et ses provisions pour cinq jours, un réchaud de camping avec une bouteille d’alcool, des vêtements de rechange et le nécessaire pour les premiers secours, 79 pitons , deux marteaux, 15 mousquetons, un piolet et un appareil photo. Au total 30 kilos : « L’escalade n’est certes pas une joie qui se mesure en applaudissements et en acclamations, mais une conquête intime et personnelle, un pas après l’autre vers un état intérieur différent, une manière de tester et d’élargir ses capacités. Grimper, c’est expérimenter des sensations profondes, atteindre une nouvelle conscience.” Alverà accompagne les pas de Bonatti comme un reporter sur un drone qui suscite vertige et participation. Les murs sont en verre, le chemin est introuvable. Bonatti échoue une première fois, une deuxième fois. Il est plus seul que jamais, aussi parce qu’il choisit de grimper à l’ancienne, uniquement avec des cordes, des clous et des marteaux, car «pour lui, grimper signifie se mettre en difficulté, cela signifie trouver des solutions même lorsqu’elles n’existent pas, juste comme maintenant, ici accroché à rien cet océan de roche.” Ces 3700 mètres semblent inaccessibles, une balade épique.

Bonatti cherche des fissures pour y insérer ses doigts et passe la quatrième nuit parmi la glace en forme d’échelle. Puis à l’aube, tel un nouveau Sisyphe, il doit descendre pour remonter et sur les Plaques Rouges il défie la gravité, avec un doigt brisé par le marteau et la douleur. Il pend de quelques centimètres, comme sur K2. Mais il sait être lucide. Il réfléchit, retrouve force et confiance. Il aperçoit des rochers au dessus de lui et lance une corde pour les apprivoiser. Il s’accroche et il est là. Il n’est pas intéressé à planter un drapeau mais, accompagné de solitude, il a retrouvé une partie de son cœur. Surtout, il a enfin fait la paix avec sa fragilité.



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