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Article invité Rapport Draghi sur la compétitivité européenne Pas d’orientation convaincante pour la nouvelle Commission

by Nouvelles

2024-09-10 18:04:40

Le rapport Draghi est un document important qui pourrait influencer le programme de la nouvelle Commission européenne. Il contient de nombreuses analyses lisibles et pertinentes sur le statut de l’UE dans la concurrence mondiale. La teneur du rapport sur les performances actuelles de l’Europe dans la concurrence mondiale est très pessimiste. L’analyse contribue ainsi à ébranler la complaisance qui prévaut encore parfois dans le débat de politique économique à Bruxelles. Tout cela est méritoire. Outre de nombreux messages forts et convaincants, le rapport contient également des lacunes et des déséquilibres importants.

Il convient de saluer l’appel selon lequel l’UE devrait enfin exploiter le potentiel des biens publics européens et surmonter la fragmentation du marché intérieur. Les passages sur la responsabilité de l’UE et de la Commission européenne dans la faiblesse du site en matière d’activisme législatif et les charges réglementaires qui en découlent pour les entreprises sont également forts. Draghi appelle non seulement à plus de retenue en ce qui concerne les nouvelles lois, mais aussi à une réduction clairement mesurable des obligations d’information des entreprises. En matière de politique climatique, le rapport se positionne clairement du côté des partisans de la neutralité technologique en plaidant pour une plus grande ouverture vers les carburants alternatifs pour la mobilité.

Le rapport Draghi souffre toutefois de nombreuses faiblesses. Le rapport est imprégné de la conviction du succès d’une politique industrielle européenne et de la capacité des technocrates à identifier les industries prometteuses. Les passages dans lesquels les industries sont différenciées en fonction de leur viabilité future en Europe ressemblent presque à une économie planifiée.

Dans l’ensemble, le rapport manque d’appréciation des instruments de marché dans la politique climatique. L’instrument très efficace qu’est l’échange de quotas d’émission européen est principalement évoqué dans sa fonction de financement ou comme une charge financière pour certaines industries. Cependant, les idées sur la manière dont ces instruments axés sur le marché pourraient être encore élargis font largement défaut. Cependant, de l’avis de nombreux économistes de l’environnement, ce serait la voie idéale vers une politique climatique abordable et garantissant la compétitivité.

En outre, le rapport ignore presque totalement les facteurs de localisation qui expliquent les très mauvaises positions des grands pays de l’UE dans tous les classements. Cela s’applique, par exemple, à la pression fiscale élevée, aux coûts de main-d’œuvre élevés, au manque d’incitations au travail dans l’État-providence et à la stricte réglementation des marchés du travail. La nécessité d’adapter systématiquement les systèmes de sécurité sociale au vieillissement de la population n’est même pas évoquée dans ce contexte. Bien que l’État providence européen soit décrit à juste titre comme indispensable à la gestion du changement structurel, rien n’indique que, sous sa forme actuelle, il génère des impôts et des prélèvements si élevés qu’il détruit la compétitivité de l’Europe.

Comme d’autres avant lui, Draghi alimente également le discours problématique selon lequel les pays dotés de finances publiques solides bénéficient d’un avantage injuste sur le marché intérieur et faussent ainsi le marché intérieur. Cependant, hormis une brève parenthèse, il n’aborde pas les dangers pour le marché intérieur qui découlent d’une dette nationale insoutenable dans les pays très endettés. Il existe un renversement très problématique dans la désignation d’une politique budgétaire responsable et irresponsable.

Malheureusement, la demande de fixer enfin des priorités pour les biens publics européens dans le budget de l’UE est beaucoup trop vague. On aurait pu s’attendre à un rapport courageux appelant par exemple à des coupes dans la politique agricole commune. Malheureusement, rien de tout cela ne peut être trouvé. Les déclarations sur le réalignement de la politique de cohésion restent également beaucoup trop vagues.

En raison du manque de courage pour exiger des réaffectations du budget de l’UE, comme dans tous les rapports importants commandés par la Commission, l’accent est mis sur la demande de programmes européens supplémentaires financés par la dette. Des centaines de milliards d’euros doivent être mobilisés grâce à l’émission régulière d’obligations européennes. Il y a ici un manque de conscience critique du problème, compte tenu du grand précédent du plan de reconstruction Corona Next Generation EU. Celui-ci était également initialement destiné à financer des biens publics européens, puis a été transformé en un instrument de transfert vers les États membres en difficulté financière, dont le succès est remis en question par les évaluations actuelles de la Cour des comptes européenne, par exemple.

Tout comme le rapport Letta sur le marché intérieur, le rapport Draghi plaide en faveur d’émissions régulières d’obligations européennes avec l’argument peu convaincant selon lequel cela créerait un « actif sûr » européen. Ce faisant, il néglige le fait que les obligations européennes présentent sur les marchés une prime de risque importante par rapport aux emprunteurs nationaux de premier ordre comme l’Allemagne ou les Pays-Bas. Cela suggère que les doutes croissants des marchés quant à la capacité de l’UE à rembourser dans les décennies à venir empêchent une UE de plus en plus endettée de constituer un investissement véritablement sûr.

Dans l’ensemble, malgré des recommandations détaillées correctes et importantes pour l’Europe, le rapport Draghi ne fournit pas vraiment d’orientations prometteuses pour la nouvelle Commission. Et cela contribue dans une certaine mesure au fait que des défis très importants – fixer des priorités dans les budgets publics, réformer les systèmes de sécurité sociale, limiter la pression fiscale – continuent d’être négligés dans le programme de réforme européen.

Frédéric Heinemann




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