ÉDITORIAL. Élections européennes : pourquoi Ouest-France ne publiera pas de sondage

Ouest-France ne publiera pas de sondage d’intentions de vote dans les trois derniers mois avant les élections européennes du dimanche 9 juin (1). Comme lors de la dernière élection présidentielle, Ouest-France, en toute indépendance (2), compte faire entendre sa différence en affirmant que l’avalanche quotidienne des projections d’intentions de vote, notamment dans les dernières semaines, est dangereuse et conduit à une manipulation des esprits. Elle nuit à la nécessaire sérénité de la campagne. Elle sème le poison du soupçon en distillant sournoisement l’idée que tout est joué d’avance. Or rien n’est joué.

Ce n’est pas le sérieux des instituts de sondage que nous mettons en cause mais les dérives dans l’utilisation de cette matière sensible que sont les études d’opinion. Trop souvent, les pourcentages sont assénés sans aucun recul par des médias, sans tenir compte des marges d’erreurs, des biais possibles, et surtout en oubliant une chose tellement importante : un sondage ne dit jamais la vérité absolue, il tente de s’en approcher, il apporte une information quantitative objective à un moment précis mais qui nécessite d’être analysée avec finesse et beaucoup de précautions. Devant cette matière si facile à détourner, si addictive dans sa capacité à monopoliser les attentions et à alimenter le « buzz », et alors que la désinformation mine nos sociétés démocratiques, les journalistes doivent faire preuve d’une haute exigence professionnelle. Si eux aussi cèdent à l’emballement, qu’on ne s’étonne plus de la défiance dans les médias.

Ce lien qui se distend

Les responsables politiques sont tout aussi concernés. Beaucoup trop critiquent les sondages mais perdent tout sens de la mesure dès qu’une étude d’opinion va dans leur sens. Trop peinent à s’en détacher. Quand gagne le sentiment que le lien se distend entre les citoyens et leurs représentants élus, le sondage peut donner l’illusion aux personnalités politiques qu’elles comprennent les Français. Or ce lien se distend.

Oublions un peu les intentions de vote et regardons l’enjeu des élections européennes. Il est majeur. La perspective d’une réélection de Donald Trump nous ramène à une évidence : l’Europe va d’abord devoir compter sur elle-même pour sa défense. Comment fait-on ? La crise agricole profonde nous impose de réfléchir sérieusement à notre alimentation, à sa qualité, à la nécessité d’une politique agricole européenne repensée. Comment la mettre en place ? Comment développer une politique industrielle dynamique, notamment face à la Chine ? Les grands acteurs du numérique américains ou chinois, puissants comme des états, voudraient nous imposer l’idée que la régulation freine l’innovation. Mais la régulation par le droit protège les citoyens. Elle doit être renforcée. Seule l’Europe peut l’imposer. Comment lutter contre les mafias internationales de la drogue ? Comment peser face aux grandes puissances qui nous menacent et misent sur une dislocation de l’Union européenne ? Et, au fait, quel est le bilan des eurodéputés sortants? Nous le dirons.

Plutôt que de regarder béatement tomber la pluie claironnant ce que les Français auraient déjà décidé, utilisons ce temps pour débattre des sujets de fond. Chaque personne s’exprimera par le vote, librement, en son âme et conscience, le 9 juin. Pas avant.

(1) Outre-mer et pour les Français de l’étranger, le vote aura lieu le 8 juin.

(2) Ouest-France est totalement indépendant et détenu par une association loi 1901 à but non lucratif.

2024-03-09 11:00:00
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