2024-11-13 02:11:00
Nicola Cocco, Federico Nicoli, Valentina Marchese, Jacopo Testa et Leonardo Mammana
Le projet de loi Sécurité introduit treize nouveaux délits, ainsi que de nombreuses circonstances aggravantes et alourdissements des peines, dans un plan global qui semble viser à criminaliser les personnes en situation de marginalisation sociale (immigrés, prisonniers, sans-abri, minorités) et à interdire et punir toute forme de manifestation et dissidence, même pacifiques et non violentes
Le 19 septembre dernier, la Chambre des députés a approuvé le projet de loi contenant «Dispositions concernant la sécurité publique, la protection du personnel en service, ainsi que des victimes de l’usure et la réglementation pénitentiaire» (AC. 1660-A). Le texte, actuellement examiné par le Sénat, prévoit plusieurs modifications du Code pénal et a été très critiqué en raison de son caractère hautement répressif, suscitant également de graves inquiétudes dans le domaine de la santé des migrants.
À cet égard, parmi les 13 nouveaux crimes et 24 interventions introduits par le projet de loi, nous soulignons :
- les articles 26 et 27, introduisent les crimes de « révolte » dans les établissements pénitentiaires, dans les Centres Permanents de Rapatriement (CPR) et dans les Centres d’Accueil Extraordinaires (CAS), sans décrire les caractéristiques de la révolte. Par ailleurs, les crimes font également référence à des formes de résistance passive ainsi qu’à « l’incitation à la révolte », punies d’une peine de prison de 2 à 8 ans (de 1 à 6 ans s’ils se produisent dans des centres pour migrants), sous réserve de circonstances aggravantes qui multiplier la peine jusqu’à 20 ans d’emprisonnement en cas de blessures graves infligées aux représentants de la police, quelles que soient les raisons d’une éventuelle protestation et/ou révolte, parfois déclenchée par les conditions de résidence précaires. À cet égard, il convient d’attirer l’attention sur les conditions déjà critiques des prisons italiennes, étouffées par une surpopulation chronique, avec un taux national de surpopulation en 2024 de 119,3% [1]entre autres choses, s’est considérablement aggravé précisément à cause de l’approche pan-criminelle des gouvernements, même au niveau des institutions pénales pour mineurs (dans lesquelles le pourcentage d’étrangers dépasse souvent 50 %)[2]. En outre, il convient de rappeler que les migrants détenus dans les CPR pour le délit administratif de manque de permis de séjour régulier ne comprennent souvent pas la nature de leur détention et que les manifestations représentent le seul exutoire à la souffrance et au désespoir.[3]. Ces protestations se manifestent souvent par des actes d’automutilation et/ou de tentatives de suicide, avec une utilisation de son corps qui, au-delà des risques de pathologisation, revendique une valeur politique plutôt que médicale.[4] Par conséquent, ces articles du projet de loi « sécurité » limitent encore davantage la liberté d’expression des migrants détenus, déjà critique en raison du manque quasi structurel d’inclusion linguistique et/ou d’outils de médiation.
- L’art. 10 prévoit une peine d’emprisonnement de 2 à 7 ans pour quiconque, par violences ou menaces, occupe ou détient sans titre un bien destiné au domicile de l’État.trui, ou empêche le retour du propriétaire ou de la personne qui le détient légitimement, d’une manière totalement redondante du point de vue pénal (ce délit est déjà prévu par l’art. 633 du Code pénal). Dans ce cas également, nous pouvons entrevoir une répression répressive envers les couches de la population les plus pauvres et les moins protégées, comme les migrants sans papiers et ceux en situation de précarité économique.[5]et envers ceux qui, incapables d’avoir un logement et un logement, ont recours à l’occupation de bâtiments désaffectés, abandonnés ou en tout cas non habités par les propriétaires, risquant d’alimenter davantage les situations déjà graves de marginalité et de précarité existentielle et de logement.
- L’art. L’article 15 rend le report de l’exécution de la peine pour les femmes enceintes ou les mères d’enfants de moins d’un an facultatif et n’est plus obligatoire comme auparavant. (peine à purger dans des établissements de détention atténuée pour mères détenues, ICAM), ouvrant au risque grave de violation du droit à une maternité digne et sûre, consacré dans les règles des Nations Unies pour le traitement des femmes détenues (Règles de Bangkok, juillet 2010). Notamment, selon la règle 64 «les peines non privatives de liberté pour les femmes enceintes et les femmes ayant des enfants à charge devraient être préférées lorsque cela est possible», rappelant, entre autres, les intérêts supérieurs du mineur quant à l’exercice du pouvoir punitif. Sans aucun doute, l’introduction de cet article nécessite une réflexion approfondie sur les risques potentiels dans le domaine de la santé maternelle et infantile, et sur l’impact, même à long terme, sur la santé du mineur.
- L’art. 9 établit une augmentation de la possibilité de révocation de la citoyenneté pour les personnes d’origine étrangèreétendant à dix ans, contre trois actuellement, le délai pendant lequel, une fois la condamnation devenue définitive, il est possible d’exercer le pouvoir de révoquer la citoyenneté italienne accordée. L’article introduit une « double peine » (le crime final plus la révocation de la citoyenneté) qui crée des inégalités par rapport à la population autochtone, et préfigure également un usage instrumental de la citoyenneté elle-même. Même dans ce cas, le risque existe d’un déséquilibre entre le crime et la punition, avec un impact potentiellement dévastateur sur les projets de vie et la santé des individus et des familles entières.
- L’art. 16 durcit diverses sanctions liées à la mendicité et à la mendicitépratiques malheureusement au centre des préoccupations des politiques de bienséance, mais dans ce cas vitales surtout en l’absence de mesures de protection sociale adéquates pour ceux qui se trouvent dans des conditions de grave précarité économique et sociale. [6] Ici aussi, le risque est non seulement de pousser ceux qui sont encore en équilibre au-delà de la marge sociale, mais aussi de les punir uniquement parce qu’ils sont coupables de pauvreté, ouvrant ainsi à des réflexions à la fois sur les aspects les plus directs de la santé mais aussi à de nécessaires éthiques. considérations sur le sens et l’objectif de la peine et son objet.
- l’art. L’article 32 prévoit qu’une personne originaire d’un pays n’appartenant pas à l’Union européenne (UE) qui souhaite conclure un contrat de téléphonie mobile doit fournir “une copie du titre de séjour en sa possession”, indiquant les sanctions pour les opérateurs téléphoniques non participants. Cette règle lie le droit de communiquer (inscrit entre autres dans l’art. 15 de la Constitution italienne) à la possession d’un permis de séjour, introduisant un élément discriminatoire dans l’accès à ce qui, selon l’UNESCO, est un outil essentiel du chemin migratoire et du maintenir le contact avec leur pays d’origine. Il va sans dire que cela pourrait avoir des conséquences négatives sur la santé des migrants qui ne sont pas en règle dans leur séjour, qui sont déjà exposés à des situations défavorisées et à de graves risques de santé, et pour qui l’accès à la téléphonie représente une ressource plus qu’essentielle pour accéder aux informations nécessaires à l’orientation dans le pays de séjour, au maintien de relations significatives et à la poursuite du projet migratoire. Les risques, évidents ici, sont d’aggraver les conditions de marginalité déjà critiques, alimentant la discrimination et l’isolement.
Le projet de loi « sécurité » (approuvé à la Chambre et actuellement en discussion au Sénat) met l’accent sur la criminalisation de certaines « figures marginales de la société », dont les migrants.. Le projet de loi décrit semble donc loin d’avoir à voir avec la sécurité sociale, mais plutôt comme un énième durcissement répressif et sécuritaire, qui risque d’alimenter le racisme institutionnel, la fragmentation sociale et les inégalités de santé. En fait, parmi les mesures adoptées, les déterminants sociaux des conditions de privation criminalisées ne sont jamais abordés, abordant tout uniquement par l’introduction de nouveaux délits ou l’aggravation des peines pour d’autres, dans la manifestation propagandiste de ce qui a été défini comme « pancriminalisme ».[7]puisque cette réglementation stricte en matière de sécurité ne répond en effet à aucune « urgence sécuritaire » en Italie, un pays dans lequel la majorité des crimes commis et signalés ne présentent pas de niveaux d’inquiétude.[8];
Cette tendance réglementaire n’est pas nouvelle, il suffit de penser aux soi-disant « décrets de sécurité » de 2018 et 2019 qui ont eu pour effet de supprimer la protection humanitaire.la distorsion du système d’accueil et la criminalisation des organisations non gouvernementales (ONG) impliquées dans le sauvetage en mer.[9] Mais, comme l’a observé Oiza Q. Obasuyi, le projet de loi sur la « sécurité » pousse à l’extrême la pratique consistant à utiliser le renforcement de la réglementation pour chevaucher et confondre le droit pénal et le droit de l’immigration, poursuivant ainsi l’attitude criminalisante et raciste qui a été qualifiée de «immigration».[10] Les mesures répressives et autoritaires visent les êtres humains pour leur prétendu « crime ontologique » d’être « autre que nous », ce que l’anthropologie décrit comme «autre», soulignant les tendances ouvertement discriminatoires et racistes qui conduisent à des inégalités, des affrontements, des violences et des souffrances.[11]
En tant que Société Italienne de Médecine des Migrations (SIMM), nous nous associons aux nombreuses voix critiques et exprimons de vives inquiétudes quant aux conséquences possibles, voire certaines, en termes de sécurité sociale et de protection de la santé publique et individuelle, qui affecteront avant tout les migrants. personnes, dans des conditions de fragilité sociale ou de liberté personnelle limitée.
Nicola Cocco, Federico Nicoli, Valentina Marchese, Jacopo Testa Leonardo Mammana
Groupe de méthodologie de recherche et de bioéthique (MeRiBio), Société italienne de médecine des migrations (SIMM)
Références
[1] https://www.rapportoantigone.it/ventesimo-rapporto-sulle-condizioni-di-detenzione/i-numeri-della-detenzione/
[2] https://www.rapportoantigone.it/ventesimo-rapporto-sulle-condizioni-di-detenzione/minori/
[3] , https://altreconomia.it/il-carcere-sedato-piu-di-due-milioni-di-euro-allanno-spesi-in-psicofarmaci/
[4] Aitchison G, Essex RSAutomutilation en détention pour immigrants : politique, pas (seulement) médicaleJournal of Medical Ethics Publié en ligne en premier : 29 décembre 2022. doi : 10.1136/jme-2022-108366
[5] https://www.internazionale.it/reportage/annalisa-camilli/2017/09/08/roma-case-occupate#:~:text=Come%20si%20vive%20in%20un%20palazzo%20occupato%20e
[6] https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22 :[%22002-13093%22]}
[7] https://www.valigiablu.it/governo-populismo-penale-nuovi-reati/
[8] https://lab24.ilsole24ore.com/indice-della-criminalita/
9 https://www.internazionale.it/reportage/annalisa-camilli/2017/09/08/roma-case-occupate#:~:text=Come%20si%20vive%20in%20un%20palazzo%20occupato%20e
[10] https://www.internazionale.it/opinione/oiza-q-obasuyi/2024/10/02/ddl-sicurezza-migranti
[11] Bhugra D, Smith A, Liebrenz M et al. « Altérité », altérité, discrimination et inégalités de santé : des défis bien ancrés pour les disciplines psychiatriques modernes. Int Rev Psychiatrie. 2023;35(3-4):234-241. est ce que je:10.1080/09540261.2023.2192275
#Punir #toute #forme #protestation
1731526299