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“L’une des situations les plus dramatiques est celle d’une femme enceinte avec son enfant à l’intérieur et son cœur qui ne bat plus”

by Nouvelles

2024-12-22 23:42:00

BarceloneEn 2023, en Catalogne, selon les données de l’Idescat, pour 1 000 naissances, il y a eu 3,73 décès périnatals, c’est-à-dire d’enfants décédés pendant la grossesse, l’accouchement ou le premier mois de la vie. Maria Teresa Pi-Sunyer est docteur en psychologie, spécialisée dans le deuil périnatal, vécu par les familles qui perdent leur enfant très tôt. Entre 1995 et 2020, elle a été psychologue au service d’obstétrique et de néonatalogie de l’hôpital Vall d’Hebron.

Les malformations, les infections et les maladies de la mère – comme le diabète et la prééclampsie – sont les principales causes de décès périnatals. Cela se traduit-il dans de nombreux cas ?

— De nombreux enfants arrivent à Vall d’Hebron de tout le territoire, dans des situations graves et menacés de mort périnatale. En un an environ, une quarantaine d’entre eux meurent.

Comment expliqueriez-vous l’origine de votre intérêt pour l’étude et l’accompagnement du deuil périnatal ?

— Durant mes études en France, j’ai réalisé une thèse de doctorat sur les difficultés liées à une grossesse non désirée. Et combien cela marque grandement la relation que la mère entretiendra avec l’enfant à sa naissance. De retour vivre à Barcelone, grâce à une association, j’ai commencé à travailler dans l’assistance aux femmes qui à la fois souhaitaient interrompre leur grossesse et vivaient l’interruption de grossesse contre leur gré.

Pourquoi était-il si intéressé ?

— J’ai toujours été très intéressé par les origines de la vie. La vie d’une personne ne commence pas le jour de sa naissance mais avec toute l’histoire antérieure, celle des parents, le jour de la conception, lorsque commence l’histoire psychologique de la personne qui naîtra neuf mois plus tard. Lorsque les parents commencent à parler de l’enfant qu’ils auront, la vie de l’enfant a, en quelque sorte, déjà commencé.

L’enfant commence-t-il selon la volonté des parents ?

— Oui, cela a à voir avec l’histoire vécue de ses parents. À mesure que la grossesse avance, l’identité de l’enfant prend de plus en plus de dimensions. Nous y projetons un avenir, des désirs, des espoirs, une illusion. Avec le souhait que tout ira mieux à sa naissance. Toute la famille connaît déjà l’enfant par son nom et tous l’attendent avec impatience.

Trop d’illusions, on s’y habitue ?

— Eh bien, c’est la lutte habituelle entre les rêves et la réalité, entre ce que nous voulons et ce que nous trouvons. C’est une distorsion qui existe tout au long de la vie ; les souhaits des parents ne correspondent presque jamais à 100% à la réalité de l’enfant qu’ils auront finalement.

Mais…

— Oui, il y a des moments où ce point n’est pas atteint. L’enfant meurt avant la naissance. Déjà intégrée comme psychologue dans la Vall d’Hebron, j’ai commencé à réaliser combien il était compliqué, surtout pour la mère, de pouvoir accepter cette perte.

Que se passe-t-il à l’intérieur ?

— C’est l’une des situations les plus dramatiques qui soient : la femme enceinte avec son enfant à l’intérieur et son cœur qui ne bat plus. Tout le corps et l’esprit de la mère sont préparés à une arrivée qui n’arrivera pas. L’enfant n’est ni dedans ni dehors.

Comment pouvez-vous l’aider ?

— Tout d’abord, vous devez respecter l’intimité de la femme et, si elle est là, de son partenaire. Que le chagrin soit le leur. Il pense qu’ils doivent de toute façon passer par une partie. Elle se sent très seule ; peu importe à quel point tout le monde veut l’aider, personne ne peut comprendre ce qu’elle ressent et il lui est impossible de le décrire.

Quelle doit être l’attention des professionnels ?

— Cela a une relation directe avec la façon dont la femme ou le partenaire avancera. De bons soins peuvent garantir qu’ils quittent l’hôpital avec un deuil avancé et sain. Ils doivent se sentir accompagnés et pris en charge. Les mauvaises nouvelles doivent être communiquées, tout doit être dit et les parents doivent être écoutés et réconfortés. Le savoir-faire est essentiel.

Quels résultats cela donne-t-il ?

— Si cela est bien fait, les parents repartent très reconnaissants et peut-être avec une perspective renouvelée sur la vie. Grâce à cette mort, ils ont peut-être découvert beaucoup de choses sur la vie, comment y faire face maintenant, ce qui est important et ce qui est frivole ou accessoire. Elles sont même en mesure d’apprécier de l’avoir rencontré et d’avoir vécu avec lui pendant sa grossesse.

C’est très différent de le perdre à douze semaines qu’à huit mois, n’est-ce pas ?

— Oui, et ne disons pas s’ils le perdent à l’accouchement, alors que toute l’étape précédente s’est bien passée.

Et la gestion émotionnelle ultérieure ?

— C’est aussi très important. Faites-leur savoir ce qu’ils peuvent faire à partir de maintenant. Que faire et que surveiller en cas de grossesse imminente, par exemple. Prévention.

La Vall d’Hebron et vous-même avez-vous été des pionniers dans ce domaine ?

— Je dirais oui. Au début, j’étais assez seul, tout cela n’existait pas. Et j’étais autonome au sein de l’hôpital, j’étais tout à fait libre d’apporter des idées, dont beaucoup m’avaient été apprises lors de mon séjour en France. Il a fallu beaucoup de temps, au sein du système, pour prendre conscience de cette nécessité. Et ces derniers temps, heureusement, ce type d’assistance s’est répandu au sein du système de santé au sein des services de néonatalogie.

Était-ce tabou ?

– Totalement. Pour tout le monde. C’était caché, on n’en parlait pas. Il y avait toujours des sages-femmes de grande qualité qui savaient agir presque de femme à femme, comprenant, accompagnant et conseillant.

Y a-t-il encore trop de tabous, trop de silence ?

— Nous vivons dans une société où la mort n’existe pas, nous lui tournons le dos, nous la rejetons. Et toutes les choses difficiles de la vie aussi. Quoi de plus confortable que de le cacher, de ne pas en parler ? Mais la souffrance des mères était là, totalement silencieuse.

Qu’est-ce qui est le plus important dans la formation professionnelle ?

— C’est un deuil très particulier, très différent pour une personne que personne n’a rencontrée. Mais les parents sont profondément touchés par cette perte. La formation a lieu afin de bien comprendre quel type d’événement se déroule et ainsi pouvoir bien comprendre et accompagner les parents. Il est difficile de concevoir et d’accepter que l’acte d’accoucher ne se déroulera pas comme vous l’aviez prévu et qu’il s’agira plutôt d’un voyage dans les ténèbres.

Que ne faut-il pas dire aux parents qui en font l’expérience ?

— “Tu en auras un autre.” Ils ont besoin d’autre chose.

Y a-t-il un protocole ?

— Cela dépend toujours de chaque personne. Après la naissance, les parents ont la possibilité de passer autant de temps qu’ils le souhaitent avec leur enfant. Quelque chose qui fait grandement avancer le deuil et qui ne peut se faire qu’avec l’aide et le soutien d’une équipe consciencieuse et soudée.

Est-ce que beaucoup de parents le demandent ?

— La majorité. Et il y a ceux qui ne demandent pas mais reviennent au bout de quelques jours pour demander s’il reste une photo, une trace de l’enfant qu’ils n’ont pas pu voir.

La souffrance des professionnels est-elle prise en compte ?

— Nous avons vu qu’il fallait en tenir compte. Et il faut dire que c’est un cachet identitaire très typique de la Vall d’Hebron. Cela ne semblait pas important de le garder à l’esprit, mais il était très courant que le professionnel s’enferme dans les toilettes pour pleurer. Des images très dures qui sont restées dans leur mémoire. Des pensées de culpabilité, d’avoir laissé tomber les parents. Interrogatoire très professionnel et plein d’entrain. Ils pleurent aussi. Nous avons pu créer un groupe de réflexion pour nous réunir une fois par mois et parler de tout ce qui a été vécu. L’idée d’équipe, de partage, est très importante.

Le deuil des parents peut être long.

— Oui, il faut continuer à le soigner. Et c’est pourquoi il est très important que les hôpitaux disposent d’une bonne équipe de psychologues.

Et le corps des enfants ?

— Pendant longtemps, ils ont été enterrés de manière négligente. Heureusement, la Vall d’Hebron a pu conclure un accord avec le cimetière de Montjuïc pour libérer un espace spécifique et s’occuper de ce détail de mémoire.



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