“Le Tao Te Ching de Lao Tseu peut guider l’humanité vers une nouvelle culture planétaire.”
– William Irwin Thompson
L’Occident prospère souvent grâce à la polarisation. Les nations sont classées en démocraties ou en dictatures, alliées ou adversaires. Les individus sont qualifiés de libéraux ou conservateurs, mondialistes ou nationalistes, multiculturalistes ou nativistes. Le juste milieu est devenu terre inconnueun espace oublié et inexploré.
Le philosophe social américain William Irwin Thompson, dans son livre « Coming into Being », a proposé une voie à suivre à travers l’ancien système chinois yin-yang. Il a soutenu que cette vision du monde holistique offre un moyen de transcender les idéologies de division de la modernité et de favoriser une philosophie mondiale ancrée dans l’équilibre et la réciprocité.
Origines de dualisme
À mesure que les civilisations émergeaient, l’animisme holistique a cédé la place à des paradigmes dualistes. Les proto-indo-européens, par exemple, ont développé des dichotomies telles que le chaos et l’ordre, la lumière et l’obscurité.
Zoroastre, fondateur de la première religion monothéiste, a introduit une cosmologie dualiste. Il a décrit une lutte éternelle entre Ahura Mazda, le sage seigneur de la lumière, de la vérité et de l’ordre, et Angra Mainyu, l’esprit destructeur des ténèbres, de la tromperie et du chaos. Ce cadre religieux a influencé les traditions monothéistes ultérieures et renforcé la pensée dualiste.
Mais les Chinois ont suivi une voie différente. Ils envisageaient le dualisme non pas comme une opposition mais comme une complémentarité. Leur système yin-yang mettait l’accent sur l’interaction dynamique des opposés – des forces mutuellement dépendantes qui forment ensemble un tout unifié. Cette perspective imprègne la cosmologie, la culture chinoise et leur compréhension de la création.
La vision chinoise de la Création : « Lorsque le yin et le yang, initialement unis, se séparèrent pour toujours, les montagnes déversèrent de l’eau. »
La langue chinoise reflète les liens profonds entre le yin et le yang et les phénomènes naturels, notamment le magnétisme. Le caractère yin englobe des significations telles que charge ombragée, nuageuse, lunaire et négative (magnétique). Le caractère yang signifie lumière, soleil, montagne et charge positive.
Durant la dynastie Zhou, les Chinois ont découvert des pierres magnétiques, ou magnétites, et les ont utilisées pour créer les premiers compas magnétiques. Ces « indicateurs du sud » consistaient en une cuillère en magnétite posée sur une assiette marquée des quatre points cardinaux. Cette première boussole reflète le principe yin-yang : le nord est le yin et le sud est le yang.
La première version de la boussole chinoise ou « pointeur sud ». La cuillère était en magnétite. Le nord est le yin, le sud est le yang.
Le concept de qi (ou ch’i) illustre davantage ce lien. Le Qi représente la tension et l’interaction entre le yin et le yang, souvent traduit par « pouvoir cosmique », « force vitale » ou « matière-énergie ». Influencé par la physique quantique, le sinologue Joseph Needham a décrit le qi comme une interaction entre la matière et l’énergie.
Les Chinois utilisent le radical qi dans le caractère composé du mot moderne électricité. Le même radical est utilisé dans les caractères composés du Tai Chi et du Qigong. Les Huit Trigrammes, base du Yi Ching, font également allusion aux phénomènes électromagnétiques.
Le trigramme Zhen représente la foudre et est associé à une énergie soudaine et dynamique. Le trigramme Li symbolise le feu et la luminosité et est associé à la chaleur. Li représente les qualités de chaleur, d’éclairage et de transformation.
Le Huit Trigramme et leurs attributs, huit phénomènes naturels et leurs caractéristiques ou tendances.
Systématiser le yin et le yang
Après avoir déterminé que la polarité yin-yang était fondamentale pour le cosmos, les Chinois ont estimé qu’ils devraient appliquer ce principe dans le développement de leur culture. Cela garantirait que leur civilisation serait alignée sur le Tao, la source de la « source » du yin et du yang.
C’est pourquoi les Chinois ont classé tous les aspects de l’existence selon des polarités yin ou yang : Ciel (le soleil) et Terre, mâle et femelle, croissance et décadence, haut et bas, espace et temps, avançant et reculant, quelque chose et rien, actif et réceptif, mouvement et repos.
De plus, presque tous les aspects de la culture chinoise étaient basés sur le principe yin-yang : l’architecture, l’art, la philosophie, l’art de gouverner, les habitudes alimentaires et la médecine et, de manière plus répandue, sa structure sociale confucéenne.
Confucius a ajouté les huit membres de la famille comme attributs aux Huit Trigrammes, intégrant la vie humaine dans la cosmologie yin-yang.
Confucius, qui a étudié le Yi King toute sa vie, a basé sa construction sociale sur le Yi King. Il a ajouté les huit membres de la famille comme attributs aux Huit Trigrammes. Cette société « enchâssée » dans la cosmologie yin-yang du I Ching. Sa Voie du Milieu est devenue la norme dans tous les aspects de la société chinoise, publique et privée :
Vie personnelle :
Intérêt personnel (Yin) : Se donner la priorité peut nuire aux relations et à l’harmonie sociale.
Altruisme (Yang) : Un sacrifice de soi excessif peut conduire à la négligence des besoins personnels et à l’épuisement professionnel.
Voie du milieu : La voie du milieu confucéenne est basée sur la réciprocité (shu), où l’on recherche le bénéfice mutuel et l’équité.
Continuité:
Tradition (Yin) : Une adhésion rigide à la tradition peut entraver le progrès.
Innovation (Yang) : Une innovation excessive sans respect de la tradition pourrait conduire au chaos ou à la perte d’identité.
Voie du milieu : Confucius préconise le maintien des valeurs éthiques fondamentales de la tradition tout en étant adaptable et ouvert aux changements nécessaires.
Gouvernance :
Bienveillance (Yang) : Un leadership trop indulgent peut conduire au désordre ou à la perte de respect.
Voie du milieu : un dirigeant doit faire preuve d’un équilibre entre fermeté et compassion, garantissant la justice tout en préservant la confiance et le bien-être du peuple.
La Voie du Milieu Confucianiste est la voie du qi, le chemin entre les polarités yin et yang. Lorsque les polarités sont équilibrées, la société est en équilibre et les pertes par friction seront minimes.
Rapprocher les visions du monde
Dans « Coming into Being », William Irwin Thompson a défendu la vision du monde yin-yang, notamment telle qu’elle est articulée par Lao Tseu, comme voie permettant de transcender le dualisme moderne. Il y voyait un élément essentiel pour guider l’humanité vers une nouvelle culture planétaire :
– Les enseignements de Lao Tzu mettent l’accent sur l’unité des opposés (par exemple, le yin et le yang). Ceci est crucial pour surmonter la pensée binaire et conflictuelle qui caractérise souvent le discours politique, économique et culturel moderne.
– La vision de Lao Tzu d’un leadership non coercitif, humble et au service du bien commun offre un modèle de gouvernance dans une culture planétaire basée sur une philosophie mondiale décentralisée et coopérative.
– L’humanité est à l’aube d’une phase de transformation de l’évolution culturelle, évoluant vers une civilisation mondiale. Le Tao Te Ching offre un cadre spirituel et philosophique pour naviguer dans cette transition.
– Une nouvelle culture planétaire nécessite d’intégrer les meilleurs aspects des traditions orientales et occidentales. Le Tao Te Ching, avec sa profonde simplicité et son attrait universel, pourrait servir de pont entre ces visions du monde.
Thompson a souligné la nécessité de réconcilier les opposés dans tous les aspects de la vie : le cœur et l’esprit, l’Orient et l’Occident, l’esprit et la matière, le personnel et le social. Comme le diraient Lao Tseu et Confucius :
Ne soyez pas progressiste ou conservateur ; soyez les deux ;
Ne soyez pas matérialiste ou spirituel ; soyez les deux ;
Ne soyez pas idéaliste ou réaliste ; être les deux.
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