ENTRETIEN – Du 29 au 31 octobre, Dassault Systèmes rassemble la communauté scientifique mondiale à l’Institut Pasteur pour vulgariser les Sciences Génératives. Patrick Johnson, directeur général adjoint Recherche et Sciences chez Dassault Systèmes, présente leur potentiel pour repenser l’innovation, les nouveaux modes de vie et les enjeux environnementaux.
Comment définir les sciences génératives ?
Patrick Johnson : Les Sciences Génératives visent à servir une économie plus durable, qui réponde aux défis de demain : envisager une nouvelle génération d’innovations, contribuant à la préservation du climat et des ressources naturelles, ainsi que de nouveaux comportements de vie. En cela, ils font écho à la volonté de Dassault Systèmes : « Harmoniser la nature, les produits, la vie. » Inspirées par le vivant et la capacité de régénération de la nature, les Sciences Génératives permettent de modéliser un sujet (un objet, un organe, un groupe de personnes, etc.) sous la forme d’un « jumeau virtuel », et d’en fournir une représentation scientifique. le comportement de ce sujet dans différents futurs possibles, et des usages circulaires vertueux.
Pour cela, les Sciences Génératives nécessitent une expertise en modélisation de données et de nouvelles théories d’observation du vivant, à l’image notamment de la chaire Fondements Théoriques de la Biologie créée par Dassault Systèmes avec l’ENS en 2023. Elle propose de combiner ces connaissances scientifiques avec une variété de nouvelles technologies. – comme la modélisation, la simulation, l’intelligence artificielle, la réalité augmentée – pour permettre à chacun de comprendre, anticiper et orienter les conséquences d’un usage envisagé.
Patrick Johnson Olivier VIGERIE
Quelles sont les applications concrètes des Sciences Génératives ?
PJ : Les Sciences Génératives permettent de synthétiser des objets de manière vivante : développer des matériaux qui « guérissent », par exemple une carrosserie de voiture se reconstituant lorsqu’elle est rayée, ou encore « faire pousser » des pièces comme des organes. Avec plusieurs partenaires (Inria, CHU), nous pourrions les mobiliser pour imaginer des prothèses médicales qui s’adapteraient au corps, afin d’éviter de réopérer un jeune patient comme un adulte par exemple.
Les entreprises de tous secteurs économiques peuvent utiliser ces Sciences Génératives pour atteindre de nouveaux sommets dans la conception d’un produit et anticiper son recyclage ou sa seconde vie. Ainsi, nous avons mené une étude en Asie sur les multiples durées de vie d’une batterie de véhicule électrique. Selon les matériaux choisis par les constructeurs automobiles, certaines batteries devenues insuffisamment performantes pour leur usage premier peuvent connaître une seconde vie différente : alimenter les équipements domestiques ou être recyclées en récupérant la matière première valorisable.
Ce qu’elles démontrent déjà dans l’industrie manufacturière, les Sciences Génératives peuvent le déployer à l’échelle d’un bâtiment, d’une ville ou d’un territoire. Par exemple, un jumeau urbain virtuel peut contribuer à optimiser la distance moyenne entre un citoyen et un centre de santé ou une école. Ces simulations visent à régénérer les configurations urbaines pour améliorer le confort de vie des habitants, en ajoutant des bancs sur des itinéraires fréquemment empruntés par les seniors par exemple.
Comment les sciences génératives construisent-elles la médecine de demain ?
PJ : Le jumeau virtuel deviendra un compagnon thérapeutique pour le suivi de la santé et du bien-être. Il sera personnalisable et capable de conserver la mémoire des contextes d’examens passés, en complément du dossier médical. Nous avons déjà créé des jumeaux virtuels de cœur et de cerveau pour optimiser le traitement des patients atteints d’épilepsie pharmacorésistante (dont les crises persistent malgré un suivi thérapeutique correct, NDLR). Nous utilisons des jumeaux cardiaques virtuels en pédiatrie à Boston pour les enfants souffrant d’insuffisance valvulaire cardiaque. Reconstruire entièrement le modèle de l’enfant lui-même présente deux avantages : concevoir un patch cardiaque sur mesure, et permettre au chirurgien de découvrir la configuration anatomique du patient avant l’opération.
Grâce aux représentations scientifiques et expérientielles 3D qu’elles produisent, les Sciences Génératives facilitent le dialogue entre un soignant et son patient ou encore l’enseignement dans les universités de médecine. Ils peuvent également être appliqués à des groupes d’individus pour mener des essais cliniques virtuels, simplifier la commercialisation de nouveaux médicaments conçus par des laboratoires ou envisager des procédures médicales efficaces qui n’existent pas encore. Ce sont par exemple les objectifs de notre programme Living Heart, en partenariat avec la FDA. (Food and Drug Administration des États-Unis, NDLR).
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