Dans un univers tel que celui imaginé par Ersan Mondtag pour « La Force du destin » de Verdi, mis en scène à l’Opéra de Lyon, on n’aurait pas envie de vivre. Pourtant, au milieu de bâtiments somptueux en ruine, au cœur d’une iconographie de folie guerrière et de virilité, avec des fresques de martyrs ensanglantés et des têtes fraîchement empalées, la frénésie de l’existence s’épanouit avec d’autant plus de force.Les distances entre le bar, l’hôpital et le monastère sont courtes, leurs frontières poreuses. presque tous les hommes brandissent des armes à feu, et pour que la machine de guerre continue de tourner, il y a non seulement l’entraîneuse Preziosilla (Maria Barakova, sournoise et percutante), mais aussi une industrie d’armement florissante entre les mains des femmes, dans laquelle ce marquis de Calatrava a probablement des parts, lui dont la fin rapide (homicide ou simple négligence ?) déclenche les fatales complications de vengeance et d’expiation de la pièce.
Mondtag conçoit une image cohérente d’un monde déraciné et qui se dévore lui-même, mais il la minimise avec toutes sortes de puérilités (par exemple, une partie des femmes – celles qui sont encore sexuellement disponibles ? – doivent courir sur scène avec des cuillères de lapin transparentes). Le vocabulaire gestuel des protagonistes, qui se démènent le plus souvent parallèlement à la rampe, reste également stéréotypé. Les points forts de cette longue soirée résident plutôt dans l’atmosphère, à laquelle de nombreux petits rôles participent autant que le chœur, souple dans ses voix et plein d’entrain. Daniele Rustioni, avec eux et son orchestre, façonne un son graphiquement précis, énergique et gestuellement très exact.
Une célébration de la curiosité
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Il est difficile de comprendre où trouver, dans le monde dystopique de cette mise en scène, la devise du festival d’opéra de cette année, « Se saisir de l’avenir ». La réflexion sur ce que l’avenir pourrait apporter semble beaucoup plus proche dans la pièce d’une heure de Diana Soh, « L’avenir nous le dira », créée en collaboration avec le Théâtre National Populaire et interprétée – à l’exception du coordinateur musical Louis Gal – exclusivement par des enfants. La structure scénique montée par Jane Joyet à partir de centaines d’engrenages, de manivelles, de bielles et de toboggans, avec son technicisme ludique et futuriste – à la fois espace d’action et source des bandes de sons de percussion mécaniques de Soh, sur lesquelles on chante parfois aussi – les costumes joyeux et imaginatifs (Maya-Lune Thiéblemont) et les chorégraphies, disputes et auto-affirmations stimulantes entre les enfants, qui jaillissent au début de boîtes en carton éclatées comme de coquilles d’œufs (Alice Laloy) : tout semble ici tendre vers une célébration de la curiosité, de la joie de la découverte et du plaisir du jeu.
Mais lorsque l’agitation carnavalesque prend fin, que les costumes colourés sont enlevés et que les incertitudes et les craintes face à ce qui pourrait arriver sont formulées, la pièce prend une autre dimension, plus profonde : les filles et les garçons pressentent peut-être déjà les espaces de vie, vingt ans plus tard, dans lesquels les acteurs de l’opéra de Giorgio Battistelli, « Sept minutes », évoluent et s’usent déjà depuis longtemps. Onze ouvrières du textile doivent sacrifier une partie de leurs pauses pour maintenir l’entreprise à flot, et dans la dispute à ce sujet, des caractères, des rêves et des parcours de vie se révèlent : une pièce de conversation sur la lutte des classes. Cela ne se fait pas sans effort – même pour les auditeurs – d’autant plus que la conception sonore de Battistelli, plutôt parcimonieuse sur le plan orchestral (et mise en œuvre de manière très vocale sous la direction de Miguel Pérez Iñesta), mise entièrement sur le situationnel, sur les changements de discours, les densités discursives et les états de conscience qui se déroulent en temps réel : les femmes ont exactement deux heures pour se décider pour ou contre l’« offre ».
Photoréalisme sonore
Ainsi se développe une sorte de photoréalisme sonore qui,bien qu’il soit étonnant de voir comment le compositeur parvient à inscrire une souplesse vocale presque belcantiste dans sa poursuite de la parole presque toujours syllabique,a également besoin d’un certain temps pour que des profils individuels se développent. La mise en scène sobre et intelligente (Pauline Bayle dans le décor de Lisetta Buccellato, fait de déchets de chiffons, et avec les costumes pleins de caractère de Pétronille Salomé) fait beaucoup pour différencier les gestes et les modes de réaction – mais comme tout le monde est toujours sur scène en même temps, beaucoup de choses tombent dans le vide. Les chanteuses ont agi avec beaucoup d’engagement et toujours à un bon niveau.Sur le plan dramaturgique, Blanche, la fonctionnaire syndicale qui doit négocier directement avec les chefs et qui est donc dénoncée, est mise en avant – dans l’incarnation de Natascha Petrinsky, l’image d’une femme âgée, aguerrie et sans illusions face à ses collègues, dans une lutte épuisante entre l’optimisme et l’amertume. Jenny Daviet, sensible et fragile, Mireille, à la fois méchante et empathique, dessine une typologie particulièrement marquante parmi les nombreuses typologies impressionnantes de cette mise en scène.Là où l’espoir en l’avenir naît de l’action sociale féminine, que ce soit dans l’entente ou dans l’opposition, on peut peut-être le trouver chez Verdi surtout dans les rêves spirituels ou érotiques du couple d’amoureux qui marque la pièce. Hulkar Sabirova, dans le rôle de Leonora, après un début incolore, atteint au moins, dans le grand duo avec le Père (la basse doucement vibrante de Michele Pertusi se combine avec l’aspect visuel d’une icône devenue vivante), des tons d’un ardent désir de rédemption. Son partenaire Riccardo Massi est plus impressionnant, de plus en plus intense dans le belcanto passionné et en fait le seul personnage ayant la possibilité d’un développement intérieur. Au début, comme son adversaire Carlo, un macho égomaniaque avec des épaules rembourrées de manière grotesque – l’un valant dix pfennigs et l’autre un groschen – il cherche plus tard des voies vers la réflexion et le renoncement. Néanmoins, ce n’est pas lui, mais le rejeton noble au sang chaud avec ses désirs ataviques de vengeance sanglante, qui, grâce à Ariunbaatar ganbaatar, gagne la plus forte présence scénique et fait de son rôle de baryton – sombre et brutalement puissant dans sa voix, ludiquement masqué par une perfidie presque élégante et sportive – le center de l’action.
comparaison de trois visions de l’avenir à l’Opéra de Lyon
L’Opéra de Lyon présente cette saison trois œuvres offrant des perspectives contrastées sur l’avenir : une dystopie violente, une célébration enfantine de la curiosité et une réflexion réaliste sur la lutte des classes.
La Force du Destin : Dystopie Violente et Décadente
La mise en scène d’Ersan Mondtag de “La Force du Destin” de Verdi propose une vision dystopique saisissante. Le décor, composé de bâtiments somptueux en ruine, d’iconographie guerrière et de symboles de violence (fresques de martyrs, têtes empalées), peint un tableau d’un monde déraciné et autodestructeur. Malgré cette violence omniprésente, la frénésie de la vie persiste, avec une proximité troublante entre le bar, l’hôpital et le monastère. L’industrie de l’armement, dirigée par les femmes, souligne la persistance du conflit.Le meurtre ou la négligence du marquis de Calatrava déclenche une spirale de vengeance et d’expiation.Mondtag, malgré la puissance de son image, minimise cet univers violent par des éléments puérils, comme des femmes courant avec des cuillères de lapin transparentes, et un vocabulaire gestuel stéréotypé. Néanmoins, l’atmosphère oppressante est remarquable grâce au travail du chœur et de l’orchestre sous la direction de Daniele Rustioni. L’espoir pour l’avenir semble absent dans cette représentation.
L’avenir nous le dira : Célébration de la Curiosité Enfant
En contraste frappant avec la dystopie de Verdi, la pièce “L’avenir nous le dira” de Diana Soh, interprétée par des enfants, célèbre la curiosité et la joie de la découverte. la scénographie futuriste et ludique, les costumes imaginatifs et les chorégraphies dynamiques créent une atmosphère joyeuse et pleine d’espoir. L’œuvre commence par une agitation carnavalesque avant de laisser place à des réflexions plus profondes sur l’incertitude de l’avenir.Cette approche optimiste contraste fortement avec le pessimisme de la mise en scène de “La Force du Destin”.
Sept Minutes : Réflexion sur la Lutte des Classes
“Sept Minutes” de Giorgio Battistelli offre une viewpoint réaliste sur l’avenir, focalisée sur la lutte des classes. Onze ouvrières du textile doivent prendre une décision cruciale sur l’avenir de leur emploi,une situation qui met à nu leurs caractères,leurs rêves et leurs parcours de vie. La pièce se distingue par son “photoréalisme sonore”, mettant en lumière les échanges verbaux et les tensions entre les ouvrières. La mise en scène sobre et intelligente met en valeur les individualités des personnages féminins, notamment Blanche, la fonctionnaire syndicale interprétée par Natascha Petrinsky. L’espoir réside dans l’action collective des femmes, qu’il y ait accord ou désaccord entre elles.
Tableau Comparatif des Trois Œuvres
| Œuvre | Thème Principal | Vision de l’Avenir | Style | points forts | Points Faibles |
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| La Force du Destin | Dystopie violente et décadente | Pessimiste | Opéra classique, mise en scène provocatrice | Atmosphère oppressante, interprétations vocales | Mise en scène parfois puérile, manque d’espoir |
| L’avenir nous le dira | Célébration de la curiosité enfantine | Optimiste | Pièce contemporaine | Scénographie inventive, énergie des enfants | Absence de complexité |
| Sept Minutes | Lutte des classes | Réaliste | Opéra contemporain | Photoréalisme sonore, interprétation féminine | Manque de clarté narrative, mise en scène sobre|
FAQ
Q : Quel est le thème principal de chaque œuvre ?
R : “La Force du Destin” explore une dystopie violente ; “L’avenir nous le dira” célèbre la curiosité enfantine ; “Sept Minutes” examine la lutte des classes.
Q : Quelle est la vision de l’avenir proposée par chaque œuvre ?
R : “La Force du destin” offre une vision pessimiste; “L’avenir nous le dira” une vision optimiste; “Sept Minutes” une vision réaliste.
Q : Quel est le style de chaque œuvre ?
R : “La Force du Destin” est un opéra classique avec une mise en scène provocatrice ; “L’avenir nous le dira” est une pièce contemporaine ; “Sept Minutes” est un opéra contemporain.