Florentina a été stérilisée de force à l’âge de 19 ans. Trente ans plus tard, cette femme autochtone réclame justice, comme des milliers d’autres Péruviennes, victimes d’une pratique officielle et « systématique » dénoncée par l’ONU.
À l’époque, le pays était en proie à un conflit entre le gouvernement du président Alberto Fujimori (1990-2000) et les guérillas d’extrême gauche. Fujimori est décédé en septembre 2024, après avoir été gracié alors qu’il purgeait 16 de ses 25 ans de prison pour violation des droits humains.
Durant son mandat, dans plusieurs régions du Pérou, des femmes sans ressources ni éducation, souvent des indigènes quechuas, ont été stérilisées sans leur consentement.
Il s’agissait d’une pratique « systématique », qui a touché « 300 000 femmes » ; une « forme de violence » de genre constituant un crime contre l’humanité, a dénoncé en octobre le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations unies, exigeant du Pérou une indemnisation et une réparation pour les victimes.
« C’était plus qu’un programme de planification familiale visant à empêcher “les femmes les plus pauvres de se reproduire” »,
explique Leticia Bonifaz, qui a fait partie de cette commission jusqu’en 2024.
« Il s’agit du plus grand cas de stérilisations forcées documenté en Amérique latine »,
a affirmé Bonifaz.
« Séchant de l’intérieur »
À 46 ans, Florentina loayza est une militante de sa propre cause. Elle sourit rarement. Elle porte un chapeau et arbore sur un t-shirt blanc son cri de justice.
Accompagnée de quelques femmes, elle s’est postée en janvier 2025 devant le ministère de la Justice, à Lima, pour exiger des « réparations intégrales maintenant ».
En 1997, elle vivait dans une communauté rurale à 3 500 mètres d’altitude dans la région de Huancavelica, au sud-est du Pérou. Elle avait accouché de son premier enfant depuis moins d’un an lorsqu’elle a accepté de se rendre au center de santé pour récupérer des « provisions » offertes par des fonctionnaires de l’État.
Elle se souvient qu’elle et d’autres indigènes ont été entassées comme des « moutons » dans un camion. À leur arrivée, « les infirmières nous ont attrapées et attachées à la civière. Elles nous ont mis une perfusion et je ne me souviens de rien d’autre ».À son réveil, avec une blessure, on lui a dit qu’elle avait été opérée « pour ne pas avoir d’enfants ».Ni sa communauté, ni son compagnon n’ont cru qu’elle avait été opérée contre son gré. On lui a dit qu’elle avait subi une stérilisation « parce qu’elle voulait être avec plusieurs hommes ». Elle a été quittée par son mari et a dû émigrer à Lima,où elle gagne sa vie en faisant des ménages. Aujourd’hui, elle assure souffrir de douleurs intenses au ventre.
Fujimori a toujours qualifié ces accusations de « fausses ». En 2023, la justice péruvienne a reconnu que les « stérilisations involontaires étaient une politique publique ».
Elle a ordonné à l’État d’indemniser les victimes et de garantir leur accès aux services de santé, une décision qui n’a pas encore été appliquée.
Plus de 7 000 femmes sont inscrites à ce jour au registre d’État qui identifie les victimes. Selon le ministère public, il n’y a pas encore de condamnés et seulement 3 000 cas font l’objet d’une enquête préliminaire.« Ils m’ont arraché la vie », déplore Florentina. Outre une indemnisation, elle demande à l’État péruvien de lui donner accès à un traitement de santé. « Sur le visage, nous avons l’air bien, mais nous séchons de l’intérieur », sanglote-t-elle.
« Cicatrice interne »
Dans la maison qu’elle partage avec ses quatre enfants, dans les environs de Lima, María Elena Carbajal montre la seule photo qu’elle conserve de sa dernière grossesse avant d’être stérilisée, à 26 ans.
Elle a accouché dans un hôpital public de la ville. Selon son récit, les médecins lui ont dit que si elle voulait revoir son bébé, elle devait subir une « ligature des trompes », car ils lui reprochaient d’avoir « beaucoup d’enfants ». Terrorisée, elle a accepté.
Courbée de douleur, encore à l’hôpital, avec son nouveau-né dans les bras, elle a raconté ce qui s’était passé à son mari. Lui non plus ne l’a pas crue quand elle a dit qu’elle avait été opérée contre son gré. « Je me sentais coupable de ce qui s’était passé ; (du fait) que mon mari m’ait quittée ».
Elle a continué seule avec ses quatre enfants. Comme florentina, elle a gagné sa vie en nettoyant des maisons. Des années plus tard, elle a dû se faire soigner pour un déficit hormonal provoqué par la stérilisation.
Outre la cicatrice visible, « il y a la cicatrice interne », celle de « l’abandon de nos familles ».
À 55 ans, elle dirige une organisation de femmes victimes de la « politique publique ». En 2021, alors qu’elle participait à un acte de protestation, elle a été agressée par un groupe d’extrême droite aligné sur le fujimorisme identifié par le pouvoir judiciaire.
depuis lors, elle vit avec une douloureuse lésion à la colonne vertébrale, pour laquelle elle attend d’être opérée depuis deux ans.
« Ce silence (…) commence par l’État, qui n’a jamais demandé pardon à ces femmes »,
María Esther Mogollón, conseillère d’une organisation qui rassemble environ 3 000 victimes à l’échelle du Pérou.
Stérilisations Forcées au Pérou : L’Appel à la Justice de Florentina et des Milliers de Femmes
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Des milliers de femmes péruviennes, principalement autochtones, réclament justice après avoir subi des stérilisations forcées sous le régime d’Alberto Fujimori (1990-2000).ce programme, qualifié de « systématique » par l’ONU, a touché près de 300 000 femmes, constituant un crime contre l’humanité. Le témoignage poignant de Florentina Loayza, stérilisée à 19 ans, illustre la souffrance endurée par ces victimes.
Le Programme de Stérilisations Forcées : Une Violence de Genre
Le programme de stérilisations, présenté initialement comme un programme de planification familiale, visait en réalité à empêcher les femmes les plus pauvres, souvent indigènes Quechuas, de se reproduire. Ce programme, mené dans plusieurs régions du Pérou, a utilisé la manipulation, la tromperie et la contrainte. Les femmes étaient souvent attirées avec la promesse de fournitures ou de soins médicaux, puis stérilisées sans leur consentement éclairé.
Les Conséquences Dévastatrices sur les Victimes
les conséquences de ces stérilisations forcées sont multiples et dévastatrices : douleurs physiques intenses, problèmes hormonaux, abandon conjugal, pauvreté accrue et séquelles psychologiques profondes. Les témoignages de Florentina et María Elena Carbajal, une autre victime à 55 ans, mettent en lumière la souffrance physique et émotionnelle à long terme.
| Nom | Âge à la stérilisation | Conséquences | Situation actuelle |
|————–|———————–|—————|——————————————————-|
| Florentina | 19 | Douleurs abdominales intenses, abandon, pauvreté | Militante, demande réparation et soins médicaux |
| María Elena | 26 | Problèmes hormonaux, abandon, pauvreté, lésion vertébrale | Dirige une organisation de victimes, attend une opération|
La Lutte pour la justice et les Réparations
Malgré la reconnaissance par la justice péruvienne des stérilisations involontaires comme une politique publique et l’ordre d’indemniser les victimes, la mise en œuvre tarde. Seules 3 000 affaires font l’objet d’une enquête préliminaire parmi 7 000 victimes enregistrées.Les femmes demandent non seulement une indemnisation financière, mais aussi un accès aux soins médicaux et des excuses de la part de l’État.
FAQ : Stérilisations forcées au Pérou
Q : Quand ont eu lieu ces stérilisations forcées ?
R : Sous le régime du président Alberto Fujimori (1990-2000).
Q : Combien de femmes ont été affectées ?
R : Environ 300 000 femmes.
Q : Quel est le statut actuel des poursuites judiciaires ?
R : Il n’y a pas encore de condamnés, et seules 3 000 affaires font l’objet d’une enquête préliminaire.
Q : Quelles sont les demandes des victimes ?
R : indemnisation financière, accès aux soins médicaux et des excuses officielles.
Q : Qu’a dit l’ONU sur cette affaire ?
R : L’ONU a qualifié ces stérilisations de crime contre l’humanité et exige du Pérou une indemnisation et une réparation pour les victimes.