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À la mort d’Alice Munro : elle s’est battue pour sa capacité à écrire

by Nouvelles
À la mort d’Alice Munro : elle s’est battue pour sa capacité à écrire

2024-05-15 14:33:00

La machine à écrire se tenait initialement entre la machine à laver et le sèche-linge : dans ses nouvelles, Alice Munro mettait en lumière avec précision les lacunes des relations.

L’expérience de la pénurie a façonné bon nombre de leurs histoires. Alice Munro (1931-2024) Photo : Tchad Hipolito/ap

“Ils parlaient comme des caricatures, c’était insupportable.” C’est une pensée de Meriel, une jeune épouse pas très heureuse qui commence à peine à se douter qu’elle est sur le point de se lancer dans une liaison aujourd’hui. Mais ce qu’elle dit, comment elle bouge, rien de tout cela ne lui semble approprié.

S’observer soi-même et être déçu de soi-même, superposer à l’aventure réelle qui se déroule des fantasmes que la réalité ne peut égaler : nous, lecteurs, entrons directement dans ce cinéma mental de la jeune femme nerveuse du récit « What Remains in Memory » d’Alice Munro.

Il ne lui faut pas beaucoup de phrases pour indiquer l’éventuel malheur de la jeune épouse, mariée à Pierre, qui doit “apprendre” “à se prosterner devant le patron, à brutaliser sa femme”. Alice Munro n’utilise pas l’indignation féministe pour décrire le champ d’action limité des femmes, mais elle en souligne les limites avec quelques traits ironiques. Pour ensuite consacrer toute son attention aux feux follets des pensées de Meriel.

J’ai encore trois volumes d’histoires d’Alice Munro sur mon étagère, d’autres ont évolué et ont été donnés. Parce que partager leurs histoires fait partie du plaisir de lire Munro. C’est ce qui a fait d’elle une auteure à succès commercial.

Avec l’annonce de son décès à l’âge de 92 ans, nombreux sont ceux qui pourraient désormais se tourner vers les livres de l’auteure canadienne, lauréate du prix Nobel de littérature en 2013. Et aussitôt on est à nouveau rattrapé par la précision de l’observation, la mise en lumière précise des écarts entre ce que les protagonistes attendent d’eux-mêmes et ce qu’ils pensent que les autres voient en eux.

Histoire d’un patient atteint de démence

Après l’attribution du prix Nobel, quelques volumes de nouvelles ont été publiés en allemand, mais elle avait déjà pris sa retraite en tant qu’auteur. Elle souffrait de démence et vivait dans une maison de retraite ces dernières années. L’une de ses nouvelles les plus connues était « L’ours a grimpé au-dessus de la montagne », filmée en 2006 par Sarah Polley avec Julie Christie (« À ses côtés »). C’est l’histoire d’une femme atteinte de démence qui ne reconnaît plus son mari (la plupart du temps) et retombe amoureuse.

Les relations jouent un rôle important dans de nombreuses histoires de Munro, tout comme ce que vous en faites dans votre mémoire. Parce que le scénario de la mémoire n’est pas figé. Dans l’histoire « What Remains », Meriel gagne des années de confiance en soi grâce à l’expérience d’être désirée.

Pendant longtemps, elle a cru que l’idée qu’une vie différente aurait été possible rendait la vraie vie plus supportable pour elle. Mais alors, ce que ce précieux secret signifie pour elle prend une tournure. Elle y reconnaît soudain une « vérité inconfortable sur soi-même », « une approche prudente des sentiments », qui place la sécurité sociale au-dessus des grandes passions, sans même un petit profit.

Alice Munro est née en Ontario en 1931, province canadienne et ses paysages qui résistent parfois aux efforts des gens par une cruauté indifférente façonnent de nombreux récits. De même l’expérience du manque.

Les exigences du quotidien

Ses parents avaient échoué avec une ferme de renards argentés, et elle a parlé de l’amertume de son père dans le volume autobiographique “Pourquoi veux-tu savoir ça – Onze histoires de ma famille”. Elle y a également décrit comment, alors qu’elle effectuait des jobs d’été en tant qu’étudiante, elle avait pu percevoir les moyens finement perfectionnés par lesquels les hiérarchies sociales se créent et se consolident, mais elle n’avait pas encore le langage pour cela. Pouvoir en parler plus tard est aussi le signe d’une souveraineté acquise de longue date.

Munro véhicule l’image d’une auteure qui a dû se battre pour ses compétences en écriture, libérée des exigences que lui imposaient quatre enfants et la vie quotidienne avec son mari. Notez rapidement les pensées qui vous sont venues en épluchant des pommes de terre dans le salon. Dans des interviews, elle a parlé de la machine à écrire qui se trouvait entre la machine à laver et le sèche-linge.

La persévérance avec laquelle elle a persisté à écrire malgré des circonstances difficiles se retrouve souvent dans les histoires elles-mêmes. Le lire et en parler aide ses personnages à traverser les crises. Ses déclarations d’amour pour la narration ont ému d’autres auteurs, comme Margaret Atwood et Jonathan Franzen.

Le ton de Munro n’a jamais été héroïque, les victimes et les bourreaux n’étaient pas des catégories dans leur vision du monde. La sape du dramatique et la retenue la font également considérer comme un maître de la sous-estimation.



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