Affaires de négligence en prison : les cas de Skander Vogt et Mohamed K.

Affaires de négligence en prison : les cas de Skander Vogt et Mohamed K.

Un incident similaire à celui de Skander Vogt s’est produit à la prison régionale de Bienne en mai 2021, tel que rapporté par le Journal du Jura en avril 2023. Pour obtenir des clarifications, nous avons interviewé l’avocate de la personne détenue, Me Kathrin Gruber.

Retour sur les faits. Un étranger, Mohamed K., en situation irrégulière, avait incendié la cellule de sûreté où il avait été placé par la police, menotté. Cette cellule est la seule à être constamment sous vidéosurveillance. Il a mis le feu au matelas à 17h36, exhibant un lambeau enflammé devant la caméra. Il a ensuite mis le feu à l’ensemble du matelas à 17h43, le feu prenant réellement à 17h48. Le personnel a remarqué l’incendie à 17h49 et les pompiers sont arrivés sur place à 18h. Mohamed K. a été grièvement brûlé et est resté dans le coma pendant plusieurs semaines.

Sa plainte pour lésions corporelles graves par négligence à l’encontre de la prison n’a pas abouti, seules les déclarations de la directrice de la prison ayant été prises en compte par le Ministère public bernois. Par contre, la procédure intentée contre lui pour incendie volontaire a abouti à sa condamnation à 9 mois de prison ferme et à 20 ans d’expulsion du territoire suisse par la cour suprême cantonale. Il a fait appel de cette condamnation au Tribunal fédéral (TF).

Ce procès a permis d’entendre trois agents en service ce jour-là à la prison expliquer comment un tel incident avait pu se produire. Tous ont invoqué le règlement intérieur qui interdit d’ouvrir les portes des cellules en cas d’incendie, pour éviter la propagation du sinistre. Ils ont également mentionné des raisons de sécurité, Mohamed K. étant connu pour son “comportement rebelle”.

Kathrin Gruber, quelles similitudes et différences voyez-vous avec le drame de Skander Vogt?

En termes de similitudes, les deux personnes souffrent de troubles mentaux et auraient dû être traitées en conséquence par les autorités pénitentiaires. Le cas de mon client est encore plus choquant que celui de Skander Vogt. Ce dernier voulait se suicider et a agi dans sa cellule non surveillée, durant la nuit, alors qu’il savait qu’il n’y avait personne. On peut reprocher aux autorités de ne pas être intervenues immédiatement et d’avoir appelé l’unité d’intervention d’élite de la gendarmerie vaudoise avant d’ouvrir la cellule. Le cas de Bienne est plus choquant car mon client ne voulait pas se suicider. Il a agi parce qu’il voulait discuter avec les gardiens au sujet de sa mise au cachot qu’il estimait injuste, voulant ainsi attirer leur attention sachant qu’il était surveillé par une caméra de surveillance. Il a agi pendant les heures de service du personnel et sous leur surveillance, qui aurait dû être continue étant donné qu’il avait été menotté préalablement dans une cellule sécurisée, ce qui est normalement interdit. Si cela avait été fait pour protéger la personne, cela impliquait une surveillance accrue de sa part.

Est-ce que la situation personnelle du prévenu, étranger considéré comme rebelle, joue un rôle dans le silence entourant son affaire?

Je pense que oui, mais je n’en ai pas de preuve formelle. Tout ce que je sais c’est que les autorités bernoises (Justice et Ministère public) font tout pour classer cette affaire. Elles ont sévèrement condamné mon client pour incendie volontaire afin de pouvoir ensuite classer sa plainte. Le Ministère public m’a annoncé son intention de classer la plainte de mon client. Je me suis opposée en demandant une enquête par un magistrat neutre choisi hors du canton, comme cela a été fait dans l’affaire Skander Vogt. Je n’ai reçu aucune réponse depuis lors.

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