Agitation et confusion chez les réfugiés qui se retrouvent sans issue – La santé mentale dans les moments difficiles

Agitation et confusion chez les réfugiés qui se retrouvent sans issue – La santé mentale dans les moments difficiles
22 août 202222 août 2022

Avec l’arrivée des réfugiés de la guerre en Ukraine, nous nous sommes retrouvés devant des personnes qui vivent des situations de stress intense, ce qui est une situation à risque pour leur santé mentale.

Cependant, la prévision que l’on peut faire de la psychologie et de la psychiatrie interculturelle est que les difficultés psychologiques des réfugiés commencent généralement, dans la plupart des cas, après un certain temps, pas dans les premiers instants, dans lesquels le réfugié déploie toutes ses énergies, il est très occupé à organiser sa survie de base : logement, travail, avoir des informations sur les proches restés au pays… Dans cette première étape, la plupart des réfugiés restent actifs, déployant toutes leurs capacités, ont de l’énergie pour se battre. Comme on le sait, dans les premiers stades des situations de stress, nous avons une grande capacité de réaction.

Les problèmes pertinents apparaissent généralement lorsque le stress devient chronique. C’est alors que les énormes difficultés pour aller de l’avant commencent à être perçues, la solitude commence à peser lourdement, l’impuissance se fait sentir face à l’injustice de la situation vécue, les obstacles de la société d’accueil par rapport aux opportunités sont clairement perçus. racisme… Avec le temps d’ailleurs, les forces commencent à faiblir

J’ai traité des cas de réfugiés, en plus de 30 ans d’expérience, issus de différentes guerres (Bosnie, Irak, Libye, Syrie, Afghanistan, Ukraine… pour n’en citer que quelques-uns) ou des cas d’immigrants sans papiers qui se retrouvent sans issue et j’ai observé qu’il y a un moment où ils restent bloqués, confus, ne sachant pas où aller, mais en même temps, comme s’ils attendaient que quelque chose les sauve.

Cette situation m’a toujours rappelé la pièce “En attendant Godot” de Samuel Becket (1952) dans laquelle l’auteur irlandais décrit magistralement la confusion, le désespoir, des gens qui se voient comme n’ayant pas d’issue mais qui en même temps ont confiance dans quelque chose qui les aide

Becket décrit, non seulement dans cette pièce, mais dans son œuvre en général, des personnes dans ce type de situation. Ainsi, des personnages comme Vladimir ou Estragon, comme beaucoup d’immigrés et de réfugiés que nous assistons, semblent vivre dans un temps arrêté, dans lequel ils sentent qu’il ne se passe rien, un temps dont ils ne peuvent s’échapper… Evidemment, ces Cela se produit également dans d’autres situations de stress chronique dans lesquelles les gens se retrouvent sans issue

Je cite ci-dessous quelques textes de “En attendant Godot” qui évoquent ces situations

Estragon : Je suis fatigué. Allons-y

Vladimir : Nous ne pouvons pas.

Estragon : Pourquoi ?

Vladimir : On attend Godot

Estragon : C’est vrai. Alors qu’est-ce qu’on fait ?

Vladimir : Il n’y a rien à faire.

Estragon : Je n’en peux plus (Acte 2)

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Estragon : Nous sommes arrivés trop tôt.

Vladimir : Toujours au crépuscule

Estragon : Mais la nuit ne tombe pas (Acte 2)

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La fin de la pièce arrive et Godot n’est pas venu

Estragon : Quoi, on part ?

Vladimir : Allez !

(ne bouge pas)

Fin de la pièce “En attendant Godot”

Comme le souligne la critique littéraire Ana González Salvador, Becket explore jusqu’aux dernières conséquences comment nommer l’innommable, en utilisant des mots qui, dès qu’ils sont prononcés, s’évanouissent comme de la poussière. Ou comme le souligne Domingo Ródenas, les personnages de Becket attendent pour répéter qu’il n’y a rien à dire et qu’attendre est inutile. becket décrire des personnages qui ne renoncent pas à attendre, n’attendant rien, n’attendant rien. Des personnages qui semblent ignorer s’ils sont encore en vie, des personnages qui constatent une énorme fatigue, une fatigue qui n’est pas de ce monde. C’est l’œuvre de Samuel Becket, un Irlandais lucide et généreux, qui a fait don de tout l’argent qu’il a reçu pour le prix Nobel, affirmant qu’il avait déjà couvert ses besoins personnels.

J’ai vu des cas d’immigrants et de réfugiés qui m’ont rappelé les textes de Becket. L’un des cas qui m’a le plus impressionné est celui d’un réfugié libyen arrivé blessé à Barcelone, victime de l’explosion d’une bombe posée dans une rue de Benghazi. Hamad décrit son pays comme un endroit détruit, dominé par les mafias, dans lequel il ne peut retourner, mais il se retrouve sans la force de recommencer une nouvelle vie, même maintenant qu’il s’est largement remis de ses blessures. Hamad est un homme gentil et instruit qui décrit avoir une belle vie dans son pays d’origine avant la guerre, mais a dû rester ici pendant longtemps, ne sachant pas quoi faire de sa vie. Il semble maintenant que pour Hamad un moment est venu où le temps s’est arrêté. Il se sent ici, loin de son passé et sans avenir.

Évidemment, lorsque nous décrivons ces situations, nous ne parlons pas de symptômes dissociatifs, d’un point de vue psychopathologique, mais plutôt d’états de crise personnelle très profonde liés aux stress chroniques intenses dont ils souffrent. Il s’agit d’images qui dépassent largement, à mon sens, les cadres étroits de la psychopathologie, d’états psychologiques du type de ce que Foucault appelait « les phénomènes humains intégraux ».

L’aide psychologique dans ces cas n’est pas facile. Il existe un consensus sur l’utilité des techniques de type narratif dans la lignée des approches d’Epston et White, soutenant que ces personnes peuvent réinterpréter, restructurer leur propre histoire. Bref, il s’agirait d’aider ces personnes à trouver un récit, une histoire cohérente qui donne un sens à leur vie, après tant de péripéties et de souffrances.

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