« C’est un projet que je mûrissais secrètement depuis longtemps. Le titre qu’il porte, Aïta, mon amour, résume ma passion pour l’art rural marocain qui m’a littéralement happée ». Jointe au téléphone chez elle à Montpellier, la chanteuse Widad Mjama, installée en France depuis une vingtaine d’années, raconte ce qui sous-tend sa dernière création, qui donnera lieu à un album en septembre.
Conçue avec le musicien tunisien Khalil Epi (machines, mandole et loutar, un instrument à cordes), Aïta mon amour a été créé en 2022 à Alès (Gard), puis présenté sur plusieurs scènes. Le spectacle, qui sera repris, le 16 février au festival Les Suds, en hiver, à Arles (Bouches-du-Rhône), est une relecture audacieuse de l’aïta, « la forme de chant populaire la plus écoutée et la plus présente au Maroc »selon Brahim El Mazned, créateur au Maroc du Festival timitar, à Agadir, et du marché professionnel et festival Visa for Music, à Rabat, à l’origine d’une anthologie Chikhates et Chioukhs de l’aïta (coffret de 10 CD, 2018, Atlas Azawan).
« L’aïta – cri, complainte en darija, l’arabe dialectal marocain –, c’est une tradition vocale d’origine rurale, dont la genèse remonte aux XIIe et 13e siècles et qui s’est développée à la fin du XIXe siècle. Les chikhates [chanteuses et danseuses populaires] ont joué un rôle déterminant dans sa transmission oraleexplique Widad Mjama, la voix frémissante d’enthousiasme.
Scène alternative
Née à Casablanca le 28 juin 1983, elle a été la première fille sur la scène rap naissante marocaine à la fin des années 1990, ouvrant la voie à celles qui feront parler d’elles ensuite dans ce registre (Tigresse Flow, Krtas Nssa, Frizzy, Minerva, Tendresse, Khtek…). Son groupe s’appelle alors Thug Gang, il se produit au Tremplin des jeunes musiciens, organisé à Casablanca par le bouillonnant tandem Mohamed Merhari « Momo » et Hicham Bahou, créé en 1999, rebaptisé ensuite « le Boulevard des jeunes musiciens », un événement qui va provoquer et accompagner au Maroc l’émergence d’une scène alternative.
« Nous avons remporté le prix de la catégorie rap – hip-hop, c’était la première fois que je prenais un micro sur scène pour dire mes textes »se souvient-elle. Amoureuse du verbe, elle continuera à rapper ensuite en France en créant en 2014 avec le chanteur et slameur Walid Ben Selim, l’un des garçons de Thug Gang, le groupe N3rdistan. Quand Khalil Hentati (Epi) rejoint ce nouveau collectif, Widad Mjama ne tarde pas à lui parler du projet qu’elle a en tête. Aïta mon amour est en marche.
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