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Alain Delon : Le tigre est mort – nécrologie pour un étranger

by Nouvelles

2024-08-18 10:32:47

Il était l’homme le plus beau du monde et parfois aussi le plus difficile : une nécrologie pour Alain Delon, qui a été renvoyé six fois de l’école, a été renvoyé de l’armée pour déshonneur, est devenu l’ange glacial du cinéma français et a vécu l’un des les grandes histoires d’amour avec Romy Schneider.

Maintenant il y aura beaucoup à lire et à écrire sur sa beauté, sur cette beauté « froide », « parfaite », « marbrée » du jeune Alain Delon, qui n’est vraiment pas facile à comprendre, et les gens s’étonneront de vieillir à nouveau. , que certains contemporains considèrent comme ayant échoué d’une manière ou d’une autre, comme si lui, le beau jeune homme, n’avait pas tenu sa promesse.

Une partie de la légende entourant la stature juvénile d’Alain Delon est que cette apparence parfaite a été attribuée à plusieurs reprises à une froideur absolue. Son visage, du moins lorsqu’il était jeune, était soumis à une tension paradoxale : celle entre engagement et indifférence, peut-être semblable à celle de Brigitte Bardot, dont on le décrivait autrefois comme l’homologue masculin.

Ce mélange de sentiments nous obligeait à regarder encore et encore : la ligne courbe mais figée de la bouche contredisait la ligne du contour des yeux avec leurs larmes légèrement agitées, qui semblaient toujours être il y a longtemps. Des rides du lion, toujours évasives, les surplombaient d’une manière dédaigneuse, mais il y avait toujours la faible possibilité qu’elles s’éclaircissent. Delon sème ainsi un espoir vibrant, une attente de voir si quelque chose de velouté, de seul valable, pourrait émerger de la fraîcheur justement ciselée.

“J’ai toujours été un outsider”

Quiconque a encore des rides du lion dans la vieillesse, des rides irréversibles, et qui semble jeter son dévolu sur le monde avec un désaccord fondamental, ne croira plus à la variabilité chatoyante de la rébellion juvénile, ne séduira plus de manière aussi mystérieuse et perdront leur secret. Le fait que la légende n’est plus la légende a souvent été écrit à propos d’Alain Delon ces dernières années ; le rôle plutôt rude de Jules César dans « Astérix aux Jeux Olympiques » (2008) s’inscrit parfaitement dans ce tableau. D’une manière ou d’une autre, les gens semblaient de plus en plus en colère contre Alain Delon à mesure qu’il vieillissait, et bien sûr, c’est aussi méchant que stupide, car qui veut prédire à quoi ils ressembleront, penseront ou ressembleront en vieillissant ?

Les choses devenaient plus solitaires autour de lui, avait déclaré Delon vieillissant dans des interviews et ne semblait pas vieux du tout. De plus en plus d’amis meurent, il pense souvent au suicide, et non, il ne pourra plus jamais regarder “La Piscine” (de 1969), trop de personnes qui y figurent sont désormais mortes, comme son ancienne fiancée Romy Schneider, ou comme le réalisateur Jacques Deray. Les légendes peuvent faire beaucoup de choses, mais il y a une chose qu’elles ne peuvent pas faire : être explicites. Les humeurs dépressives peuvent donner à un jeune homme une « touche de mort » chic, comme l’a dit un jour un réalisateur à propos d’Alain Delon. Mais ils donnent de l’amertume au vieil homme.

« Droits de l’âge », c’est ainsi qu’ont été récemment qualifiées les déclarations d’Alain Delon sur la peine de mort (pour), le droit à l’adoption des homosexuels (contre) et le Front national (amis de Jean-Marie Le Pen). A la télévision française, il a affronté tout cela avec une volonté d’information presque impuissante : “J’ai toujours été un étranger et on m’a accusé de tant de choses dans ma vie”, a-t-il dit en haussant à moitié les épaules. , à moitié accusateur. Et il fallait encore chercher et chercher le type divin de l’époque dans ses traits.

Une nouvelle masculinité

Les origines éparses de Delon fournissent quelques éléments pour reconstituer la genèse d’un « ange glacial » plutôt fragile en termes de psychologie de la cuisine. Le 8 novembre 1935, il naît Alain Fabien Maurice Marcel Delon à Sceaux, au sud de Paris, où son père dirigeait un petit cinéma et sa mère travaillait dans une pharmacie. Il n’a que quatre ans lorsque ses parents se séparent, Alain n’est plus désiré ni supportable et est envoyé chez des parents adoptifs, un gardien de prison peut-être peu sensible et sa femme. Ils l’ont envoyé dans un internat catholique et il a été expulsé de l’école à six reprises. À 17 ans, il s’engage dans la marine, apprend à tuer en Indochine, est renvoyé de l’armée pour cause de déshonneur et se promène un jour dans Rome.

S’il n’avait pas attiré l’attention du producteur David O. Selznick, qui l’a d’abord amené à Hollywood (mais que Delon a vite tourné le dos), le cinéma français des années 1960 et 1970 aurait eu un autre visage. La masculinité était ici représentée sous ses formes les plus noueuses et les plus brusques (de Jean-Paul Belmondo au modèle de Delon Jean Gabin en passant par Gérard Depardieu), tandis que la beauté était un concept réservé à la sphère féminine. Avec Alain Delon, la beauté est devenue masculine. Avec « Rocco et ses frères » de Visconti, « Seul le soleil était témoin » de René Clément (tous deux en 1960) et « L’amour 1962 » d’Antonioni, il devient une star mondiale, une véritable icône. Et enfin, avec le chef-d’œuvre de Melville de 1967, « Ice Cold Angel ».

C’est ainsi qu’il s’est gravé dans la mémoire collective : avec son chapeau à bande noire de deuil soigneusement posé sur son front d’enfant, le col de son trench beige pâle replié, Alain Delon était le tueur froidement renfermé, solitaire et presque silencieux de Le thriller très stylisé de Jean-Pierre Melville a forgé son image durable. La légende de l’homme insensible s’est répandue de manière effrénée dans la vie privée : la presse tabloïd a émis l’hypothèse que Delon lui-même appartenait à la pègre (deux de ses gardes du corps sont morts de manière mystérieuse). Le fait qu’il ait volé la douce Sissi, Romy Schneider, aux Allemands ou aux Autrichiens, pour l’abandonner pour un autre, était tout aussi approprié à cette infidélité que l’insulte qu’il a faite aux Français : en 2000, il est devenu citoyen suisse et économisé des impôts inélégants.

Romy Schneider et une sorte d’éternité

Lorsque Romy Schneider rencontre Alain Delon sur le tournage de « Christine » (1958), elle aussi a d’abord presque glissé de la surface parfaite. Elle le trouvait « trop beau, trop bien coiffé, habillé en gentleman ». Il pensait juste qu’elle était une « oie blonde ». Plus tard, il se tenait sur son lit de mort. Et lui a ensuite dédié son prix Bambi. Malgré toutes les badinades et mariages, notamment avec le chanteur Nico, l’amour du couple de rêve Romy-Alain semblait encore destiné à une sorte d’éternité.

La clarté des héros semi-trash comme « Zorro », qu’incarnait Alain Delon dans les années 1970, ne faisait pas que du bien à son image. Dans les années 1980, il se plaint de la mauvaise qualité des scénarios, fait ses débuts en tant que réalisateur avec « Save Your Skin, Killer » en 1981, qui ne reçoit pas un très bon accueil, et entame, avec beaucoup de succès, une deuxième carrière de chanteur pop : il chante avec « Comme au Cinéma » en 1987 dans les charts. Le tournage de la vidéo lui a donné un nouvel amour (le mannequin Rosalie van Breemen). Et le cinéma sophistiqué lui revient aussi : en 1990, Jean-Luc Godard lui confie le premier rôle de « Nouvelle Vague ».

Il continue de cultiver la réputation de la demi-soie hors du paravent : il réalise par exemple un travail pionnier dans le domaine du marketing de nom propre, prêtant son nom encore mélodieux aux parfums, au cognac et au champagne. Il organisait des matchs de boxe et dirigeait une équipe de courses. Mais dans les années 2000, il était envahi par une « certaine fatigue », comme il disait, une tristesse face « au temps qui passe, aux amis qui sont morts, à la famille qui s’est brisée. Son cœur avait des problèmes ». Plus récemment, il vivait avec de nombreux animaux dans le village de Douchy, dans le département français du Loiret, qui compte 1 000 habitants.

Peut-être même lorsqu’il était jeune homme, il avait connu la solitude qui l’attendait, et cette connaissance avait donné à sa beauté une certaine élégance. Dans une interview télévisée en 1967 au début de « The Ice Cold Angel », il déclara que le film marquait déjà un tournant dans sa carrière. Il justifie cela étrangement avec les derniers mots du film : c’est « l’histoire d’un tigre dans la jungle qui est pourchassé et qui se sent seul ».

Comme ses enfants Alain Fabien, Anouchka et Anthony l’ont annoncé au monde le 18 août 2024, Alain Delon est décédé paisiblement à son domicile de Douchy, au sud de Paris. Il avait 88 ans.



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