Dimanche 6 janvier, plusieurs publications sur les réseaux sociaux ont pointé du doigt la mairie écolo de Grenoble en partageant une affiche. Celle-ci décrit visiblement un événement censé se tenir le mardi 8 janvier, intitulé «Les copains d’en bas». En dessous, une phrase de description indique : «Comment vivre au quotidien à proximité d’un point de deal ?» L’internaute à l’origine de ce partage sur X (ex-Twitter) constate : «De l’argent public pour nous inviter à apprendre à vivre à côté d’un point de deal…»
Depuis, la polémique, portée majoritairement par des opposants à EE-LV, a enflé : cette affiche a fait l’objet d’une chronique sur Europe 1 et d’une interview sur BFMTV, où l’ancien maire divers droite de Grenoble Alain Carignon, désormais conseiller de l’opposition, déplore une «nouvelle provocation de la municipalité».
De nombreux commentaires critiquent un «truc de bobo gauchiste déconnecté». Le syndicat policier SCSI-CFDT a également ajouté sur X : «Lunaire… Tous les jours les policiers luttent contre le fléau de la drogue qui décime notre jeunesse. Mais à Grenoble, la municipalité propose un petit spectacle pédagogique pour apprendre à vivre près d’un point de deal.»
Une militante engagée auprès du mouvement anti-Hidalgo «Saccage Paris» assure même, sur X, que la ville de Grenoble fait par cette affiche la promotion de «la drogue avec l’argent du contribuable».
«Guerre de gangs»
Cette affiche est bien visible sur le site de Gremagle magazine édité par la ville de Grenoble. A la rubrique agenda, on apprend que les Copains d’en bas est donc une pièce de théâtre organisée par la maison des habitant-es Chorier-Berriat, qui sera suivie, mardi, d’un temps d’échanges. Le quartier Chorier-Berriat connaît, selon la presse localeune «guerre des gangs» depuis le mois d’août, après «la reprise du très lucratif point de deal» autour de la place Saint-Bruno. En septembre, la ville organisait en urgence une réunion publique avec des habitants sur ces questions de sécurité.
Le spectacle est décrit par la municipalité comme un ensemble de «chroniques d’un quotidien rythmé par les dealers dans la cage d’escalier». Et est résumé ainsi : «Ben et Charlotte ont décidé d’aller habiter dans une cité HLM pour vivre la mixité sociale. On les suit dans leur rencontre avec Assia, la voisine qui leur apporte des couscous, avec des jeunes qui s’installent dans leur cage d’escalier, avec Idriss, un éducateur épris de liberté… Jour après jour, Ben et Charlotte sont ballotés entre de forts moments porteurs de sens, et l’immersion de la violence dans le quotidien de la cité. Le récit de ces rencontres dessine une vérité autre que celle souvent entendue dans les médias, et vient faire écho aux paroles du poète Guimarães Rosa. “Raconter, c’est résister”.»
Pas la première représentation
Sollicitée, la ville de Grenoble se défend de toute promotion du trafic de drogue et indique que le spectacle en question a été programmé avec le soutien de l’Etat via la Mildeca, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Elle assure que la pièce «permet de libérer la parole sur les impacts négatifs du trafic dans un quartier». D’ailleurs, elle précise que ce n’est pas la première fois que le spectacle se tient à Grenoble : «Des habitant-es du quartier Saint-Bruno l’ayant vu se sont dits satisfaits de voir leur quotidien reconnu et exprimé. La ville l’a donc reprogrammé avec la Mildeca.»
Enfin, la mairie de Grenoble précise que «ce spectacle intervient dans le cadre d’une action globale de lutte contre les trafics de drogues. La ville, en collaboration avec les services de l’Etat et la justice, travaille pour y mettre fin et retrouver de la sérénité sur l’espace public».
Lundi soir, la troupe de théâtre a fait savoir sa volonté de «reporter la représentation au vu de la cristallisation des tensions et incompréhensions exprimées ces derniers jours sur les réseaux sociaux». «A ce stade, jouer nous semblerait contre-productif par rapport au projet initial et à notre désir de créer un dialogue serein dans le quartier» indique encore l’équipe qui précise ne pas être «à l’origine du bandeau apposé sous l’affiche par l’organisateur». Et de poursuivre : «Le spectacle témoigne d’un quotidien (…). Il ne cherche évidemment pas à dire aux habitants ‘comment vivre’ leur quartier!»
clarification
EDIT lundi 8 janvier 21h30 : ajout de la décision de la troupe de théâtre de reporter la représentation
2024-01-08 23:24:26
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