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Au sud de Bordeaux, tous à la recherche du mystérieux inconnu de la route de Toulouse

Au sud de Bordeaux, tous à la recherche du mystérieux inconnu de la route de Toulouse

Tous les habitants de ces communes, et au-delà, sont invités à examiner l’image, à en extraire des indices et à les exploiter. Mais cette quête, toute…

Tous les habitants de ces communes, et au-delà, sont invités à examiner l’image, à en extraire des indices et à les exploiter. Mais cette quête, toute passionnante qu’elle soit, n’est au fond qu’un prétexte.

Tout a commencé dans les archives de Villenave. « En 2019-2021, je menais un projet d’exploration urbaine avec la Maison des enfants à caractère sociale, raconte Sébastien Sindeu. J’espérais trouver des documents montrant l’évolution du quartier. Mais on n’y a découvert ‘‘que’‘ deux boîtes de cartes postales. » Peu pour une ville de 36 000 habitants, s’étonne l’intervenant culturel.

Parmi les clichés, des images du vignoble ou du tram, qui, déjà, passait route de Toulouse. « Et puis, sur une des photos, sans légende au verso, ce type. Et cette question : pourquoi a-t-il fini sur une carte postale ? »

Chapeau, costume, affiches… Tel un calendrier de l’avent, la carte postale propose plusieurs « portes d’entrées » aux enquêteurs amateurs.

Archives municipales de Villenave-d’Ornon.

Des indices

Le QG des enquêteurs, c’est le Café de la Routeà Villenave. Un tiers-lieu cogéré par les centres socioculturels Esty (Bègles) et Saint-Exupéry de (Villenave). Les « tenanciers », Carole Piller et Jean-Claude Savino, ont tout de suite adhéré au projet de Sébastien Sindeu, quand il leur a proposé de lancer le public à la recherche de son inconnu. Angélique Gilibert, du Forum des arts et de la culture à Talence, a rejoint l’aventure.

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« L’idée, c’est de faire participer les habitants en tant qu’acteurs », expose Pedro Busca, médiateur culturel de la Ville de Villenave-d’Ornon. Le mardi 25 octobre, une réunion s’est tenue au café. D’autres sont prévues, mardi 15 novembre et jeudi 15 décembre. Tout le monde est bienvenu. L’enquête est l’occasion de délier les langues. De mener des ateliers d’écriture, de constituer des albums photo. Ou toute autre action née de l’envie du public.

« Le plus bel indice, c’est ce chapeau qu’il tient à la main. C’est une coiffe corrézienne ou auvergnate », analyse Sébastien Sindeu. Notre inconnu est-il un bougnat ? Un paysan venu en ville depuis le haut pays pour une foire ? Tel un calendrier de l’avent, le cliché comporte beaucoup de portes à ouvrir : ces affiches « ouvrières demandées », cette plaque de rue émaillée…

« La route de Toulouse, c’est un carottage archéologique qui représente toutes les strates de l’évolution urbaine. C’est une route mal aimée, mais c’est aussi une mine d’or »

Comme dans un film policier, les indices sont punaisés sur un tableau. Des groupes de travail constitués. Chacun est chargé d’une piste, de tirer le fil et d’en dévider la pelote. Mais aussi de tricoter leur propre histoire à partir de ce matériau.

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Les collégiens du Pont-de-la-Maye imaginent le futur du quartier. Les anciens des Ehpad sont mis à contribution sur son passé.

Une route symbole

Pedro Busca y va de son histoire familiale : « La route de Toulouse, c’est un axe qui fait à la fois lien et frontière. Longtemps, elle a été la voie de passage des émigrés espagnols puis portugais s’installant en France, puis retournant dans la péninsule ibérique pour les vacances. »

Sébastien Sindeu voit dans la route « un carottage archéologique qui représente toutes les strates de l’évolution urbaine. Les couches les plus anciennes se situent au niveau des boulevards et de l’ancienne barrière d’octroi – c’est d’ailleurs sans doute là que la photo a été prise ».

Suivons ce carottage : des échoppes, des maisons années 1930… et puis le bâti qui change au niveau de la Croix de Leysotte. Des commerces et des concessionnaires implantés « en sortie de ville » dans les années 1970-1980, à l’ère du tout bagnole, et qui se retrouvent absorbés par l’étalement urbain. Résultat, une artère réputée moche, bruyante et polluée.

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« C’est une route mal aimée, mais aussi une mine d’or, plaide Sébastien Sindeu. Le condensé d’une histoire qui est en train de se perdre. Pour moi, c’est un objet littéraire, un décor de cinéma américain des années 1950 » – le McDonald’s au bout de la route ne joue d’ailleurs-t-il pas à fond sur cette carte ?

« Mais cette route va basculer dans autre chose avec le réaménagement en coursprévoit le photographe. C’est cette bascule-là que nous voulons saisir en mobilisant tout le monde, sous le prétexte de mettre un nom sur un visage. Après, si on y arrive, je serai ravi ! »

La « mémoire vivante » constituée par tous les témoignages (photos, textes) de cette enquête viendra nourrir les archives de Villenave, où tout a commencé. Et la boucle sera bouclée.

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