Bientôt de retour ? L’odyssée inachevée du trésor de Lava

Bientôt de retour ? L’odyssée inachevée du trésor de Lava

Le mythique trésor pourrait-il un jour regagner la Corse ? Cette interrogation surgit dans l’actualité à la faveur d’une sollicitation politique. Au-delà de sa valeur de preuve dans un procès qui doit s’ouvrir l’an prochain, son retour pourrait se heurter à des questions de sécurité.

De loin en loin, l’histoire du trésor de Lava refait surface, comme ballottée par une houle capricieuse. Le 16 mai dernier, Laurent Marcangeli a adressé une question écrite au ministère de la Culture. Il est “regrettable que ce véritable joyau pour l’ensemble de la Corse lui ait finalement été retiré”estime le député d’Ajaccio, qui “souhaiterait savoir si un retour du trésor dans son lieu d’origine serait envisageable une fois les derniers contentieux clôturés”.

Car si, selon les spécialistes, 90 % de cet exceptionnel ensemble de monnaies romaines a été disséminé dans le monde au gré des ventes – aux enchères ou sous le manteau -, une infime partie se trouve aujourd’hui sous scellés. Plusieurs dizaines de pièces et un rare plat en or datant du IIIe siècle de notre ère reposent ainsi dans les coffres du Département des recherches archéologiques sous-marines (Drassm) de Marseille, une antenne du ministère de la Culture. Ils y attendent patiemment le procès de leur découvreur. Félix Biancamaria et son complice présumé doivent être jugés en janvier 2024 par le tribunal correctionnel de Marseille pour “détention sans document justificatif d’un bien culturel maritime présentant le caractère d’un trésor national”.

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Déchargé de sa valeur de preuve, le trésor regagnera-t-il un jour son île ? Contactés, le ministère de la Culture et la direction du Drassm n’ont pas donné suite. “Le Drassm a toujours plaidé pour une dévolution locale lorsque les conditions de sécurité sont réunies. Le dépôt est systématiquement privilégié et je n’ai jamais gelé les collections comme un Harpagon”explique de son côté Michel L’Hour, archéologue spécialiste du trésor de Lava et directeur de l’institution phocéenne de 2006 à 2021. “Je pense qu’il n’y aurait aucun problème à ce que le trésor aille en Corse, à condition que n’importe quel mec qui se pointe avec une cagoule et un couteau ne puisse pas le récupérer. Au Drassm, même menacé de mort, je n’aurais pas pu ouvrir le coffre. Il faut être deux pour cela”explique-t-il.

“Le trésor de Lava sera un jour exposé dans un musée en Corse”augure de son côté le directeur régional des affaires culturelles (Drac), Franck Leandri, qui fait montre des mêmes préoccupations : “lorsque les conditions de sécurité le permettront. Je parle des mobiliers et des chaînes d’alarme et de gardiennage. Je sais que la CdC y travaille. Pour l’État, nous appelons de nos vœux qu’une solution soit trouvée”confie-t-il.

Le précédent sartenais

Échaudé, le fonctionnaire ? Le 22 mai 2014, une mission d’inspection du patrimoine se rend au musée de Sartène. Dépêché par le ministère de la Culture, un conseiller sûreté vient contrôler les conditions de conservation de la portion de trésor de Lava que le Drassm y a placée en dépôt, en 1987. Soit 33 pièces d’or, dont quatre multiples figurant les empereurs Gallien et Claude II, et pesant chacun “plus de 100 000 euros”.

Les conclusions sont accablantes. “Une pénétration dans les lieux la nuit ne serait pas détectée”conclut l’émissaire de la rue de Valois, qui relève entre autres l’état défectueux de l’alarme. “Ils demandaient des conditions de sécurité que je ne pouvais pas respecter. Il aurait fallu acheter des vitrines à 10 000 euros. À l’époque, le Département ne voyait pas l’intérêt”relate l’ancien conservateur Paul Nebbia. Le conseiller recommande de transférer le trésor au musée d’Aleria, “avec des mesures de sécurité supplémentaires”. Mais les précieuses monnaies romaines ne rejoindront jamais la plaine orientale.

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Où sont-elles allées ? D’après Michel L’Hour, elles n’ont pas regagné Marseille. De son côté, Paul Nebbia se souvient les avoir vues prendre la route d’Ajaccio. Y sont-elles encore ? “Ces objets sont aujourd’hui déposés en lieu sûr et tenu secret, en Corse ou sur le continent”déclare le directeur de la Drac, Franck Leandri. En 2017, elles réapparaissent quelques mois à l’occasion de l’exposition Secrets d’épavesau musée de Bastia, avant de sombrer de nouveau dans l’oubli.

L’heure de leur mise en lumière sonnera-t-elle bientôt ? Sans surprise, l’ancien maire d’Ajaccio verrait bien le trésor en majesté dans la cité impériale, au musée Fesch. “J’ai évoqué Ajaccio parce que le trésor vient de Lava et que je suis certain que le maire Stéphane Sbraggia serait content de pouvoir l’exposer”justifie Laurent Marcangeli, joint par Corse-Matin. “Où on le mettrait ?”s’interroge le conservateur du Palais Fesch, Philippe Costamagna. “Il serait peut-être plus logique de le mettre dans le futur antiquarium plutôt qu’au musée, où nous n’avons pas d’archéo”considère-t-il.

Quelles pistes ?

La vocation scientifique du musée candidat à l’accueil du trésor antique est loin de constituer un point de détail. “Cette problématique peut représenter une difficulté”prévient l’ancien conservateur du patrimoine, Michel L’Hour. Traduction : s’il devait revenir, le trésor devra s’intégrer dans un ensemble muséal cohérent, et donc probablement un corpus archéologique. Or, la Corse compte trois musées d’archéologie : celui d’Aleria, celui de Levie, et… celui de Sartène. L’histoire bégaie.

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Étudiées ces dernières années, quelques pistes permettraient sans doute de dépasser l’écueil scientifique. Au-delà de l’antiquarium qui doit voir le jour dans le quartier Saint-Jean à Ajaccio, l’idée d’un musée de la mer installé sur le grand site de la Parata ou à Bonifacio a fait son chemin quelque temps, sans jamais trouver la voie de la concrétisation.

“Une chose est sûre, nous n’avons jamais enregistré de demande de dépôt venant de la Corse”assure Michel L’Hour, qui s’étonne de ce jaillissement dans l’actualité. “À l’époque, personne n’en voulait, ça n’était pas jugé intéressant”confirme Paul Nebbia. De son côté, le député Marcangeli explique avoir été alerté à ce sujet via une lettre adressée par “un simple citoyen”. “Ce que je souhaitelance le parlementaire ajaccien, c’est surtout qu’on ouvre le débat et que le sujet soit évoqué”. Avant qu’il ne s’abîme de nouveau dans les mémoires.

Retrouvez l’intégralité du dossier dans l’édition Corse-Matin du lundi 22 mai 2023.

2023-05-21 18:50:00
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