Bobigny : les personnels d’Avicenne chantent la casse de l’hôpital public

Le geste fort témoigne de leur ras-le-bol. Ce lundi midi, une centaine de personnels de l’hôpital Avicenne de Bobigny ont jeté leurs blouses blanches et bleues aux pieds d’un mannequin impassible en costard cravate – symbolisant la direction -, à l’occasion d’une cérémonie des vœux improvisée dans les jardins de l’établissement.

« La direction devait organiser ses propres vœux ce midi, mais elle les a finalement annulés, car elle se doutait qu’on allait faire du grabuge. Du coup, on a décidé d’en faire quand même, mais à notre sauce ! », souffle Carole Soulay, préparatrice en pharmacie et syndicaliste chez Sud Santé.

Les personnels ont jeté leurs blouses pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail. LP/H.H. LP/H.H.

En guise d’ouverture, les participants, regroupant aussi bien des infirmiers, des médecins que des personnels non-médicaux, ont d’abord émis leurs souhaits, à tour de rôle, pour l’année 2020. Notamment l’« arrêt des fermetures de lits et des services », une « hausse de salaire de 300 € » ou encore « l’embauche d’effectifs supplémentaires ».

« La situation va s’aggraver »

« On veut un hôpital qui se gère comme un hôpital et non pas comme une entreprise », a lancé une salariée applaudie par ses collègues. Les employés ont ensuite parodié la chanson « Manu » de Renaud pour interpeller symboliquement le président de la République, Emmanuel Macron : « Eh déconne pas Manu, c’est à nous qu’tu fais d’la peine, les personnels perdus, et les services qui ferment. »

« Avec la fusion qui s’opère entre notre hôpital et celui de Jean-Verdier à Bondy, la situation va s’aggraver. L’offre de soins va être réduite sur le territoire, tempête Maud Gelly, médecin au centre d’interruption volontaire de grossesse de l’hôpital et membre de la CGT. La direction, elle, dira qu’au contraire l’activité va augmenter, alors que le nombre de lits va baisser. En clair : on va tout faire pour garder les patients le moins longtemps possible, ce qui est totalement aberrant. »

Surtout dans un territoire qui concentre les difficultés comme la Seine-Saint-Denis, reconnu comme un désert médical. « La plupart de nos patients viennent de Bobigny, La Courneuve, Aubervilliers… Or, on sait que les difficultés sociales et médicales vont souvent de pair. On ne peut pas sortir aussi rapidement de l’hôpital quand on est mal-logé ou qu’on vit dans une extrême pauvreté », souligne Maud Gelly.

Un thermomètre… pour 44 patients

Au-delà du manque de moyens humains, le personnel a également profité de ses vœux pour dénoncer le manque de moyens matériels. Un cahier de doléances, regroupant plusieurs ordonnances de médecins, a été remis à la direction.

« Chaque service a indiqué ce qui lui manquait : des lève personnes, des arceaux de lits, des couches, des pèse-personnes… », énumère le personnel. « À un moment, on a eu un thermomètre pour 44 patients », décrit Carole Soulay.

Et les mesures annoncées par le Premier ministre Edouard Philippe, fin octobre, pour soutenir le secteur de la santé en Seine-Saint-Denis ne rassurent pas les salariés. Au contraire.

« On aime notre métier, c’est la seule raison pour laquelle on reste »

« Il n’y a rien pour inciter les gens à venir travailler à l’hôpital. Or, même quand on réussit à obtenir des postes en plus, la direction a du mal à les pourvoir, car personne ne veut plus bosser dans ces conditions. Heureusement qu’on aime notre métier, c’est la seule raison pour laquelle on reste », s’accordent les employés. Une partie a participé en novembre et décembre derniers aux deux mouvements de grève lancés à l’appel du Collectif inter-hôpitaux.

Cinq médecins de l’hôpital ont également signé la tribune nationale, où plus d’un millier de médecins annoncent leur intention de démissionner de leurs fonctions administratives s’ils n’obtiennent pas un nouveau plan sur l’avenir de l’hôpital public auprès de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.

Contactée l’AP-HP, l’établissement public en charge de l’hôpital de Bobigny, n’a pas souhaité répondre à nos questions. De son côté, le Collectif inter-hôpitaux appelle à une nouvelle journée de grève nationale le 14 février.

2020-01-20 11:00:00
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