Inconscient, Woody est allongé dans son lit, immobile, les poings serrés, la bouche entre-ouverte, l’œil gauche fermé. A 22 ans, il est en « état végétatif chronique ». Sa vie a été fauchée il y a « 41 mois et cinq jours », compte son père Jean-Claude. Il a été traîné, par un train sur 13 m.
Depuis trente-trois mois, il est hospitalisé au Centre de médecine physique et de réadaptation (CMPR) de Bobigny géré par l’association COS. Il serait victime d’actes de maltraitance depuis « environ treize mois », selon son père, ingénieur en informatique, présent chaque après-midi dans la chambre de son fils.
Bobigny. Du sang a été retrouvé sur les draps après une coupure survenue dans des conditions inexpliquées au niveau de la cuisse gauche du patient. DR
Il a déposé plainte, le 9 août, pour « violence sur personne vulnérable ». La veille, les médecins avaient découvert les draps de Woody tachés de sang à cause d’une coupure à la cuisse. « C’était net, fait au ciseau ou au couteau. Woody ne peut pas bouger. Vu son état, il est incapable de s’infliger cela tout seul. Alors qui d’autre à part le personnel ? », s’interroge Jean-Claude, très ému.
Pas de nouvelles du médecin expert
« Un médecin expert est venu, après la plainte dans l’établissement. Nous n’avons pas de nouvelles », souligne Raphaël Diaz, directeur général de l’association COS. Qui minimise l’incident en évoquant « une égratignure ». « Elle serait due à une protection que le personnel installe dans son lit », clame-t-il.
Bobigny. Du sang a été retrouvé sur les draps après une coupure survenue dans des conditions inexpliquées au niveau de la cuisse gauche du patient. DR
Mais le père a aussi, photos à l’appui, repéré des plaies ouvertes, griffures, bosses sur les chevilles, les jambes, le ventre ou le front de son fils à de multiples reprises. « Des douches ne sont pas assurées également, j’ai déjà retrouvé Woody dans ses selles… Personne ne donne d’explication. Ils nous renvoient notre douleur en pleine figure », s’emporte Jean-Claude.
A chaque fois, Jean-Claude a alerté la direction de l’établissement. Raphaël Diaz affirme que « plusieurs enquêtes internes » ont été lancées après les signalements de la famille. « Aucun élément probant ne nous a permis de confirmer les accusations », évacue-t-il.
L’agence régionale de santé et le défenseur des droits saisis
Jean-Claude a également saisi le défenseur des droits et transmis un signalement à l’agence régionale de santé (ARS). Une enquête est en cours. « Nous étudions le cas de près et prendrons les mesures nécessaires si les faits sont avérés », prévient-on à l’ARS.
Une personne de l’équipe soignante confirme sous couvert d’anonymat « des dérives ». « Tout le monde sait ce qu’il se passe mais il y a une omerta, confie-t-il. Certains ne veulent plus s’en occuper car ils pensent qu’il n’y a plus rien à faire pour lui. Mais notre métier, c’est de l’aider. »
Raphaël Diaz « n’exclut pas des erreurs » de l’équipe soignante. « Personne n’est parfait, plaide-t-il. Mais, encore une fois, rien ne nous permet de le confirmer et aucun personnel ne nous l’a signalé. Notre préoccupation, c’est l’accueil de nos patients. »
Bobigny. Des douches quotidiennes ne seraient pas assurées par le personnel soignant. DR
DES ENREGISTREMENTS VIDÉO AFFLIGEANTS
Dans plusieurs vidéos tournées dans l’établissement par un membre du personnel, dont la direction n’a pas eu connaissance et que nous avons pu consulter, des aides soignantes et infirmières tiennent des propos édifiants. A propos de Woody, en « état végétatif chronique » et son père Jean-Claude.
« Woody, c’est quoi son avenir ? C’est la mort », balance une salariée. Une autre répond : « il ne faut pas qu’il meure ici, il va faire sauter mon diplôme direct ». A propos des signalements du père, une salariée lance : « il n’a qu’à le prendre chez lui son fils, pourquoi il vient nous saouler ».
Quant à la plainte déposée par Jean-Claude pour « violence sur personne vulnérable », elle semble réjouir une aide soignante, qui espère en tirer profit. « C’est sa parole contre la mienne […] Moi, je l’attaque en diffamation. C’est de l’argent gratuit, tu peux gagner beaucoup, en plus il a les moyens. »
D’autres termes, tous plus choquants que les autres, sont tenus tout au long des enregistrements, d’une vingtaine de minutes au total. Jean-Claude, qui a pu les écouter, est effaré. « Voilà comment on traite les familles qui sont déjà dans une douleur atroce, souffle-t-il. C’est inacceptable. »
Droit de réponse
L’Association COS – transformée en Fondation selon décret en Conseil d’État du 26 octobre 2018 – qui est, avec son établissement de Bobigny et son personnel, mise en cause dans cet article, entend user de son droit de réponse afin d’apporter les précisions suivantes •
II est rappelé que le patient concerné a été accueilli au sein du CMPR de Bobigny en aout 2015 suite à un accident grave et qu’il est en état végétatif chronique.
Ce patient fait l’objet dune prise en charge pluriprofessionnelle complète regroupant des soins médicaux internes et externes, des soins infirmiers et de nursing ainsi que des soins réguliers de rééducation et de stimulation.
La préoccupation première du COS est une prise en charge respectueuse du bien-être et de la dignité des patients et aucun acte de maltraitance ne saurait être traité à la légère ou laissé impuni comme l’article semble le suggérer.
Contrairement à ce que l’article laisse entendre, la Direction Générale du COS ne cherche ni à minimiser, ni à évacuer les actes de maltraitance allégués par la famille du patient.
Dès que la famille a alerté la directrice du CMPR de ce que leur fils serait victime d’actes maltraitants, une enquête interne a immédiatement été menée au sein du CMPR et un signalement a été fait par le CMPR à l’ARS.
Un médecin expert a également été diligenté par le commissariat de police de Bobigny suite à la plainte déposée en aout 2018 par la famille, sans qu’aucun élément à ce jour ne soit venu confirmer ces soupçons. L’Agence Régionale de Santé a été régulièrement informée de cette situation et de son évolution par le COS.
L’article remet par ailleurs en cause la probité et le professionnalisme de l’équipe de soignants de l’établissement qui auraient tenu des « propos édifiants » au sujet du jeune Woody aux termes d’enregistrements ou vidéos pris à leur insu.
Or la fondation COS n’a pas eu accès à ces enregistrements et/ ou vidéos dont elle a découvert l’existence à l’occasion de l’article et de ce fait est impuissante à prendre les mesures correctives qui s’imposeraient ; elle a ainsi décidé de porter plainte contre X pour avoir accès aux informations dont elle ne dispose pas aujourd’hui.
En conclusion, en l’état actuel des informations dont elle dispose, et sans qu’aucun élément à ce jour ne soit venu confirmer les soupçons de maltraitances allégués, le COS exprime sa confiance dans ses équipes qui œuvrent au quotidien pour la meilleure prise en charge possible de personnes et de familles en situation extrêmement difficile et en souffrance.
2018-10-11 10:00:00
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