Borges, Proust et Paul Celan. Le pape François fait l’éloge de la littérature – Corriere.it

2024-08-05 13:13:21

De Gian Guido Vecchi

La « Lettre » du Pontife sur le rôle du roman et de la poésie dans la formation des chrétiens a été rendue publique. Les grands livres ouvrent l’esprit et le cœur, aident à “sortir de soi” et à s’immerger “dans l’existence concrète et intérieure” des personnages.

La lettre apostolique était initialement destinée uniquement aux séminaristes, mais en l’écrivant François a ensuite décidé de l’adresser à tous les chrétiens. Un texte dans lequel le Pape cite Proust et Borges pour invoquer un “changement radical de rythme” dans la formation et dire que la littérature est un élément essentiel à la fois de la “paideia sacerdotale”, de l’éducation des futurs prêtres, et du regard que les croyants ont sur le monde : “Comment pouvons-nous parler au cœur des hommes si nous ignorons, reléguons ou ne valorisons pas les mots avec lesquels ils ont voulu manifester et, pourquoi pas, révéler le drame de leur vie et de leurs sentiments à travers des romans et des poèmes ?”.

En fin de compte, c’est un aspect décisif de cette « Église en sortie » dont Bergoglio a été témoin depuis le début de son pontificat. Francesco explique que les romanciers, comme l’écrivait Proust au début de Recherche, «déchaîne en nous, en l’espace d’une heure, toutes les joies et tous les malheurs possibles dont, dans la vie, il nous faudrait des années entières pour connaître ne serait-ce qu’une petite partie». Les grands livres ouvrent l’esprit et le cœur, ils aident à “sortir de soi” et s’immerger « dans l’existence concrète et intérieure » des personnages, « le marchand de légumes, la prostituée, l’enfant qui grandit sans ses parents », et surtout ils permettent de le faire « avec empathie, et parfois avec tolérance et compréhension”.

En ce sens, c’est aussi un antidote à la rigidité et au fondamentalisme: le bien et le mal s’incarnent dans les existences individuelles, et cela « ne neutralise pas le jugement moral mais l’empêche de devenir aveugle ou superficiellement condamnatoire ». Après tout, rappelle Paul Celan, « celui qui apprend réellement à voir se rapproche de l’invisible ». L’Église primitive avait compris cela, comment Saint Paul qui citait les poètes grecs dans l’Aréopage, et bien souvent “elle s’est enracinée dans la littérature sans craindre de s’impliquer et d’extraire le meilleur de ce qu’elle a trouvé”. C’est une attitude qui, tout au long de l’histoire, l’a libéré de la « tentation d’un solipsisme assourdissant et fondamentaliste », de la prétention de « réduire la Révélation » à ses propres « structures mentales ».

Aujourd’hui encore, “de nombreuses prophéties catastrophiques qui tentent de semer le désespoir” dépendent de cette “surdité spirituelle”, de cette incapacité à “écouter l’autre”, et plus encore : à “reconnaître la présence de l’Esprit dans la réalité humaine bigarrée”. , les graines que Dieu a « déjà plantées » dans des expériences qui semblent lointaines. Il y a un an, à Lisbonne, Francesco a parlé de Saramago aux jeunes des JMJ, avec de nombreux égards aux polémiques ecclésiastiques contre le grand écrivain portugais: «Ce qui donne le vrai sens à la rencontre, c’est la recherche, et il faut parcourir un long chemin pour atteindre ce qui est proche». Le poète TS Eliot avait raison de décrire « la crise religieuse moderne » comme « une incapacité émotionnelle généralisée ». Un livre éduque le regard « à la lenteur de la compréhension, à l’humilité de la non-simplification, à la douceur de ne pas prétendre contrôler la réalité et la condition humaine par le jugement ».

François il rappelle de grands auteurs, mais ne propose pas de conseils. Il se souvient de l’époque où il avait 28 ans, entre 1964 et 1965, et où il enseignait la littérature au lycée jésuite de Santa Fe : « Je devais m’assurer que mes élèves étudiaient El Cid, mais les enfants n’aimaient pas ça. Ils ont demandé à lire García Lorca.” Il leur faisait donc étudier chez eux la poésie médiévale, dit-il, et en classe il discutait des auteurs qu’ils aimaient le plus : « En lisant les choses qui les attiraient à ce moment-là, ils acquéraient un goût plus général pour la littérature, la poésie, puis se déplaçaient à d’autres auteurs. Finalement, le cœur cherche plus, et chacun trouve sa voie dans la littérature. »

Pour tout cela, le pape François il considère “avec regret” le fait que la littérature n’ait pas une “place adéquate” dans les séminaires, et est parfois considéré comme « une forme de divertissement » ou « une expression mineure de la culture », bref, quelque chose d’inessentiel : « Cette approche n’est pas bonne. Elle est à l’origine d’une forme de paupérisation intellectuelle et spirituelle grave des futurs prêtres, qui sont ainsi privés d’un accès privilégié au cœur de la culture humaine et plus spécifiquement au cœur de l’être humain.

5 août 2024 (modifié le 5 août 2024 | 12:13)



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