Brandon Gignac raconté par son plus grand complice

Brandon Gignac raconté par son plus grand complice

Samedi, 3 février.

Brandon Gignac se rend à la Place Bell de Laval où il doit disputer un match contre les Americans de Rochester.

L’attaquant de 26 ans franchit les portes de l’amphithéâtre, domicile du Rocket, en tant que premier buteur et pointeur du club. Il vient d’ailleurs de récolter six points à ses trois derniers matchs.

La veille, il a appris l’échange de Sean Monahan, que le Canadien a envoyé aux Jets en retour d’un choix de première ronde et d’une sélection de troisième tour conditionnelle.

Le départ de Monahan, s’est immédiatement dit Gignac, allait laisser un trou à combler dans la formation du CH. Un trou au centre. Et cette position, c’était aussi la sienne.

Mais il y a un petit bémol : Gignac n’a qu’un contrat dans la Ligue américaine en poche. Dans ce contexte, un rappel le concernant est impossible.

Le match de samedi, disputé en après-midi, débute. Toute la famille Gignac assiste à l’affrontement. Le clan doit se rendre au restaurant au terme du duel.

Toujours pas de contrat pour Brandon au moment où la rondelle tombe sur la glace.

2h27 et trois périodes plus tard, le Rocket est vaincu 3-1. Seul… Gignac a marqué pour Laval. Et il n’a pas fait les choses à moitié.

«Après le match, toute la famille était en attente de savoir s’il allait avoir des nouvelles positives à transmettre. Il est sorti de l’aréna en nous disant qu’il n’y avait rien de nouveau. On était un peu déçus.

«On a ensuite pris la route vers le restaurant, mais dès son arrivée dans le bâtiment, il a lancé tout sourire : “je pense que je vous paye la tournée, ce soir!”.

«Tout le monde a alors éclaté de joie. Ma mère est très expressive. Elle s’est mise à pleurer. Mon père était aussi ému. Toute la famille faisait la file pour lui faire un câlin. Dans le restaurant, plusieurs personnes se demandaient ce qui se passait!»

La vedette du hockey mineur repentinois

L’émotive réaction de la famille Gignac s’explique plutôt facilement dans le contexte où le parcours de Brandon vers ce contrat tant attendu fut tout, sauf typique.

Nés à Repentigny, Brandon et son frère William (d’un an son aîné) sont rapidement catapultés dans le monde du hockey par leur paternel.

«Notre père nous a mis des patins dans les pieds à trois ans, raconte William. Quelques mois plus tard, on commençait à jouer au sein de l’Association de hockey mineur de Repentigny. Honnêtement, mon frère était dès le départ très talentueux. En fait, il était carrément le meilleur de sa cuvée.»

Quiconque a déjà vu Brandon Gignac en action sur une patinoire ne serait-ce que deux minutes sait pertinemment que le jeune homme est rapide comme l’éclair. En fait, la vitesse est carrément l’élément central de son jeu.

Dimanche, Rafaël Harvey-Pinard confiait d’ailleurs que Gignac était «assurément l’un des joueurs les plus rapides à avoir évolué dans son équipe, toutes catégories confondues.»

Et figurez-vous que cette qualité, Gignac l’a juste naturellement en lui.

«Il a toujours été très rapide. Mon père nous a fait essayer les patins à roues alignées quand nous étions très jeunes. À trois ans, je crois. Et Brandon avançait déjà comme une fusée. Il tournait facilement et tout. C’était juste naturel. Que ce soit à la course ou en patins, il a toujours été l’un des plus vites.»

Gravir les échelons… avec son frère

Les années passent et les frères Gignac, qui n’ont qu’une petite année de différence on le rappelle, développent une chimie à toute épreuve. Une chimie que plusieurs frères et sœurs envient assurément.

«On est vraiment chanceux, affirme William, le sourire dans la voix. On a tout fait ensemble! J’allais jouer au hockey dehors et il me suivait toujours. J’avais toujours un partenaire de hockey à mes côtés. Le nombre d’heures passées à jouer au roller-hockey est juste immense, honnêtement!

«On a aussi détruit le sous-sol de la maison familiale à force de décocher des lancers avec des rondelles (rires). D’ailleurs, nos parents méritent de grands remerciements pour ça. Ils nous ont laissé nous amuser en masse!»

Crédit photo : Courtoisie: famille Gignac

Et comme Brandon et son frère sont sensiblement du même calibre, ils ont aussi la chance d’évoluer au sein de la même équipe une année sur deux.

«On a pu jouer ensemble pee-wee, bantam et même midget AAA, où nous étions sur le même trio. Tout était plus motivant à deux.»

En 2013, les deux garçons sont repêchés dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ).

Brandon, sélectionné en deuxième ronde, prend le chemin de Shawinigan. William, lui, trouve preneur en 12e ronde via l’organisation des Saguenéens de Chicoutimi.

«Je ne cacherai pas que je lui ai fait la vie dure à plusieurs reprises, quand nous étions plus jeunes. Je ne voulais pas qu’il gagne contre moi. C’était moi, le plus vieux des deux! Et quand il gagnait, ça me mettait en beau fusil (rires). Mais à notre deuxième année junior, il a vraiment pris un étape par rapport à moi. Je me suis alors dit que tout ce que je voulais, c’était de le voir réussir.»

Le rêve d’une vie…

Sans être un incroyable producteur de points, Brendan Gignac se distingue chez les «Cats». Sa vitesse (bien sûr!), mais aussi son niveau de compétition et sa polyvalence incitent les Devils du New Jersey à le sélectionner en troisième ronde de l’encan LNH de 2016.

Deux ans et des poussières plus tard, il dispute son tout premier match dans la Ligue nationale de hockey.

Le 9 mars 2019, il enfile l’uniforme des Devils dans le cadre d’un duel face aux Rangers au Madison Square Garden.

Il joue un peu plus de neuf minutes, décoche un tir et termine sa soirée de travail à -2.

Brandon ne fait pas particulièrement mal, ce soir-là. Mais la vérité, c’est que les Devils ont alors besoin d’un attaquant en raison de leurs nombreux blessés. L’un d’eux est d’ailleurs prêt à revenir lors de la joute suivante et Gignac retourne donc dans la Ligue américaine.

…puis le mur

Gignac est habité de grandes intentions pour la suite. Ce match dans la grande ligue lui a donné faim. Mais pour plusieurs raisons, il ne parvient pas à prendre son envol lors de la saison suivante.

Puis, en 2021, le mur.

En cours de campagne, après deux matchs dans la Ligue américaine, Gignac est envoyé… dans la ECHL chez les Icemens de Jacksonville. Nous sommes alors le 3 mars 2021, soit près de trois ans jour pour jour après la partie du jeune homme dans la LNH.

«Je pense que ça ne fitait pas avec ce que le coach voulait de lui, à ce moment. Peut-être n’était-il pas encore assez mature pour accepter le rôle que l’équipe voulait alors lui donner», lance candidement William en guise d’hypothèse pour expliquer son passage dans la ECHL.

Crédit photo : The Florida Times

Ce qui facilite cette épreuve pour Brandon, aussi difficile soit-elle sur le moral, c’est de retrouver son ami d’enfance Pascal Aquin, un autre Repentignois d’origine avec qui il a évolué dans les rangs mineurs et chez les Cataractes de Shawinigan. La vie fait parfois (malgré tout) bien les choses…

«Quand Brandon est arrivé à Jacksonville, il est rapidement devenu mon co-chambreur. On a passé pas mal de temps ensemble. Dès le début, il avait déjà une bonne attitude. Il se répétait que même s’il était dans la ECHL, ce n’était pas la fin. Qu’il pouvait surmonter cet obstacle en restant positif et en travaillant fort.»

Et ces paroles sont finalement devenues prémonitoires…

«Jamais on n’aurait cru ça possible…»

Au terme de sa saison dans la ECHL où il se distingue sur tous les plans, le Rocket de Laval offre un contrat LAH d’un an à Gignac. Nous sommes alors à l’aube de la saison 2021-2022.

«Je pense justement que le déclic s’est produit à cet instant, avance son frère. Il a pris cette occasion comme une fenêtre pour repartir à zéro. Il a graduellement bâti une très belle relation avec Jean-François Houle. N’oublions pas qu’au début, il n’était même pas dans l’alignement du Rocket! Il a ensuite été utilisé sur le quatrième trio et en désavantage numérique. Mais aujourd’hui, il récolte le fruit de son travail.»

«Brandon est l’exemple parfait de l’adage qui dit que tout est possible. Il a 26 ans et jouera pour le Canadien de Montréal, lance William, rempli de fierté. Jamais on n’aurait cru ça possible. Jamais, jamais.»

«C’est comme irréel»

La famille Gignac ne sera pas en mesure de faire le voyage à Washington, mardi, pour assister au premier match en bleu, blanc et rouge de Brandon.

«Mais nous serons tous là en fin de semaine au Centre Bell!», s’empresse de préciser William.

Crédit photo : Courtoisie: famille Gignac

Plusieurs années après les intenses joutes de roller-hockey, les séances de tirs dans le sous-sol familial et les innombrables matchs passés en tant que coéquipiers, les frères Gignac s’apprêtent à vivre une nouvelle aventure. Une aventure pas piquée des vers.

«Brandon et moi en parlions, hier. Quand on était jeunes, notre père nous achetait des casquettes des Canadiens. On pouvait regarder deux périodes des matchs du CH avant d’aller nous coucher. C’est comme irréel de penser au fait que dorénavant, quand je vais regarder un match des Canadiens, il va être sur la glace… dans leur uniforme! Je ne regarderai plus ça comme un fan, mais comme un frère.»

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