Brics : monnaie commune ? L’euro devrait être plus dissuasif qu’un modèle

Publié le 31 août 2023 | Temps de lecture : 4 minutes

DLe 15e sommet des Brics à Johannesburg a exprimé le mécontentement croissant de nombreux pays à l’égard du rôle de leadership économique et politique des pays industrialisés occidentaux. Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud ont largement rattrapé leur retard économique par rapport aux pays du G7 et contestent désormais le dollar en tant que monnaie mondiale. Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a parlé d’une monnaie commerciale sur le modèle de l’euro. Les jours du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale sont-ils comptés ?

La revendication des Brics est dirigée contre le privilège exorbitant du dollar, qui remonte au système de Bretton Woods. En 1944, la monnaie américaine était rattachée à l’or et les autres pays membres durent stabiliser leur monnaie par rapport au dollar. Comme ils avaient besoin de réserves de dollars pour ce faire, le dollar est devenu la monnaie de réserve mondiale. Lorsque les États-Unis ont financé la guerre du Vietnam et les dépenses sociales croissantes grâce à la planche à billets à partir de la seconde moitié des années 1960, les pays partenaires ont été contraints d’acheter des dollars et de contribuer ainsi au financement des États-Unis.

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Alliance historique des Brics

Après que les États-Unis ont mis fin à l’ancrage du dollar sur l’or au début des années 1970 et que le système de Bretton Woods s’est effondré, le mark allemand s’est imposé comme monnaie de réserve en Europe occidentale. Cependant, le reste du monde n’a pas réussi à se détacher du dollar. À partir du tournant du millénaire, les dépenses du gouvernement américain ont fortement augmenté en raison de la guerre et des opérations de sauvetage du marché financier – et la Chine, la Russie, l’Inde et de nombreux autres pays ont à nouveau contribué à financer ces dépenses. Dans les conflits politiques avec l’Iran et la Russie, les États-Unis ont utilisé le système de paiement mondial SWIFT, basé sur le dollar, comme moyen de pression.

Monnaies locales et systèmes de paiement alternatifs

Une raison suffisante pour se désolidariser du dollar ! Le président sud-africain Cyril Ramaphosa souhaite des monnaies locales et des systèmes de paiement alternatifs. La Chine et la Russie effectuent désormais une grande partie de leurs échanges commerciaux en yuans ou en roubles plutôt qu’en dollars. L’Inde paie le pétrole des Émirats arabes unis en roupies. Le système Brics Pay se veut une alternative à SWIFT.

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Les États Brics ont fondé la Nouvelle Banque de Développement pour concurrencer la Banque mondiale et le FMI. La forte augmentation des réserves d’or pourrait indiquer que les Brics souhaitent créer une nouvelle monnaie liée à l’or qui résistera à la faiblesse du dollar.

Néanmoins, les chances qu’un club Brics Plus, même élargi, détrône le dollar sont minces. Le commerce international se fait encore majoritairement en dollars. Les marchés financiers des Brics sont des nains comparés au marché financier américain. Derrière une monnaie internationale se cache toujours un marché financier très développé. Si le yuan chinois voulait devenir la monnaie d’ancrage des autres monnaies des Brics, la Chine devrait alors libéraliser ses marchés financiers et rendre le yuan librement convertible. C’est actuellement impossible.

L’euro sera probablement plus dissuasif qu’un modèle. Près de 30 ans se sont écoulés depuis le premier projet concret jusqu’à sa naissance le 1er janvier 1999. Une zone monétaire commune est stable lorsque les pays membres suivent un cycle économique commun. Comme cela n’a pas été le cas avec l’euro, des turbulences coûteuses ont eu lieu sous la forme de la crise financière et de la dette européenne. L’euro ne pourra être stable à long terme que s’il existe un jour une union politique comprenant une politique financière et sociale commune.

Brics Plus rend le chemin vers une monnaie commune encore plus compliqué

Même si cet objectif est inaccessible dans l’Union européenne économiquement hautement intégrée, il est totalement impossible pour les États Brics, encore plus hétérogènes sur le plan économique. L’ajout de six États supplémentaires aux Brics Plus est une démonstration de force géopolitique, mais cela rend le chemin vers une monnaie commune encore plus compliqué. Et la Chine ou les Émirats arabes unis seraient-ils prêts à aider l’Argentine ou la Russie avec de généreux plans de sauvetage en cas de crise ?

L’ancien économiste en chef de Goldman Sachs, Jim O’Neil, qui a inventé l’acronyme Brics, a même qualifié les plans monétaires des Brics de « ridicules ». Mais il ne faut pas être arrogant, car les critiques à l’égard du dollar sont justifiées. Cela ne devrait pas être un instrument visant à faire payer les pays pauvres pour stabiliser le marché financier américain. La domination économique ne devrait pas non plus être utilisée pour exporter des valeurs, comme l’UE tente de le faire. Les deux pourraient conduire à un éloignement du dollar qui prend de l’ampleur en dehors de la communauté de valeurs occidentale.

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Déclin de la monnaie de réserve américaine

Mais comme la dédollarisation constitue un risque sérieux pour le privilège exorbitant des États-Unis, les dernières augmentations des taux d’intérêt de la banque centrale américaine, la Fed, pourraient également avoir pour objectif de garantir au dollar le statut de monnaie de réserve mondiale. Plus la Fed augmente ses taux d’intérêt, plus elle stabilise le dollar. Et plus les monnaies des pays Brics subissent des pressions de dévaluation, car davantage de capitaux affluent vers les États-Unis.

Une bulle immobilière semble désormais avoir éclaté en Chine, ce qui signifie qu’il existe un risque de stagnation dévastatrice à l’instar du Japon. La Chine a peut-être déjà dépassé son apogée, de sorte que les projets monétaires des Brics ne resteront probablement rien de plus qu’une chimère.

Gunther Schnabl est économiste et occupe depuis 2006 la chaire de politique économique et de relations économiques internationales à l’Université de Leipzig. Il dirige également l’Institut de politique économique.