(Ottawa) Soyons clairs. L’armée russe ne débarquera pas sur la terre de Baffin demain matin parce que Donald Trump lui a livré en pâture les mauvais payeurs de l’OTAN comme le Canada. Il n’en demeure pas moins que la récente charge du candidat à l’investiture républicaine devrait faire retentir un nouveau signal d’alarme au gouvernement canadien, où l’on ne dépense toujours pas l’équivalent de 2 % du PIB en défense.
Le Kremlin peut bien envahir les pays membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) qui ne consacrent pas 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense si ça lui chante, selon Donald Trump, probable candidat républicain à la présidentielle de novembre. « En fait, je les encourage à faire ce que bon leur semble », a-t-il récemment lâché lors d’un rassemblement en Caroline du Sud.
Même si le Congrès américain a adopté en décembre dernier une loi visant à empêcher tout président de se retirer unilatéralement de l’alliance, celle-ci ne suffirait pas à limiter les dégâts d’un retour du magnat de l’immobilier à la Maison-Blanche, croit Justin Massie, professeur titulaire au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
La crainte la plus probable, c’est que les adversaires du Canada – on pense à la Russie ou à la Chine – veuillent essayer de voir : c’est quoi la réaction américaine si on tente de pénétrer l’espace aérien canadien ? C’est quoi la réaction si on envoie des sous-marins ou des navires de combat dans les eaux territoriales canadiennes ?
Justin Massie, professeur titulaire au département de science politique de l’UQAM
« C’est ce que les Chinois font à Taïwan sur une base quotidienne. Ils mettent à l’épreuve les défenses antiaériennes taïwanaises. Et rien n’indique qu’ils ne pourraient pas faire la même chose avec les alliés de l’OTAN », souligne celui qui est également codirecteur du Réseau d’analyse stratégique.
Ce n’est pas la première fois que le 45e président des États-Unis fait le coup : en 2018, l’animateur Tucker Carlson et lui se demandaient à voix haute sur les ondes de Fox News s’il faudrait se porter à la défense du « tout petit » Monténégro en cas d’agression russe.
En cause : l’article 5 du traité fondateur de l’OTAN sur la protection mutuelle. C’est cet article qui dit qu’une attaque contre un seul pays de l’Organisation sera considérée comme une attaque contre l’ensemble des pays membres.
« Déjà, ça a causé des dommages parce que l’OTAN repose sur un principe de dissuasion, et les États hostiles comprennent le fait qu’une attaque contre un allié, c’est une attaque contre l’alliance », relève à l’autre bout du fil Kerry Buck, ex-ambassadrice et représentante permanente du Canada auprès de l’OTAN de 2015 à 2018.
Mais encourager la Russie à attaquer les mauvais payeurs, je n’ai jamais entendu ça de toute l’histoire de l’OTAN.
Kerry Buck, ex-ambassadrice et représentante permanente du Canada auprès de l’OTAN
Un plan… en « temps opportun »
La bonne nouvelle (si on veut) est que, pour 2024, les bons payeurs sont désormais au nombre de 18 pays sur un total de 311. Le secrétaire général de l’organisation, Jens Stoltenberg, en a fait l’annonce à la mi-février. « C’est un nouveau record », s’est-il réjoui à Bruxelles.
La mauvaise nouvelle (si on veut, bis), c’est que le Canada reste loin de la cible : en 2023, les dépenses en défense ont représenté 1,38 % du PIB2. Et encore une fois, le Norvégien a été contraint de demander des comptes au Canada.
Sur les ondes de CTV, il y a un peu moins de deux semaines, il a reconnu n’avoir aucune idée de l’échéancier du Canada en ce qui a trait à l’atteinte de la cible de 2 % – qui a été déterminée en juillet dernier à Vilnius3 comme un plancher, et non un plafond.
La réponse du premier ministre Justin Trudeau ?
Un plan viendra « en temps opportun ».
Il y a près de deux ans, alors qu’elle tenait les rênes de la Défense nationale, Anita Anand disait avoir proposé à ses collègues du Cabinet des « options agressives » qui verraient le Canada « potentiellement atteindre le niveau de 2 % », voire « le dépasser ».
Son successeur, Bill Blair, n’a toujours pas présenté de feuille de route à cet effet. Pire, il s’est retrouvé dans la posture inconfortable de justifier des compressions de l’ordre de près de 1 milliard au poste budgétaire de la défense.
Ce serrage de ceinture n’est pas passé inaperçu, confirme la libérale Julie Dzerowicz, présidente de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN. « Les présidents des associations des États-Unis et du Royaume-Uni étaient inquiets, ils m’en ont parlé. »
La députée, qui était récemment au siège bruxellois de l’OTAN, a assuré ses vis-à-vis que les investissements en défense étaient « en croissance exponentielle » au Canada.
« [N’empêche]si vous me demandez à moi ce que je veux voir, je vous répondrai que je veux que la tendance à la hausse des dépenses se poursuive, et que j’aimerais voir un plan d’action pour l’atteinte du 2 % », réclame l’élue torontoise.
Du sable dans l’engrenage
Un gouvernement Poilievre poursuivrait le même objectif. « Le bémol qu’on a, c’est que oui, on veut aller vers ça, mais actuellement, avec la situation financière du pays, il faut trouver l’argent ailleurs », indique Pierre Paul-Hus, lieutenant québécois du chef conservateur.
Ailleurs comme dans les coffres de l’aide internationale4 qui va à « des pays corrompus », affirme-t-il. « Ça, c’est une place pour aller récupérer de l