Depuis qu’elle a revêtu le costume de présidente de l’Académie de médecine, en janvier 2024, la pédopsychiatre Catherine Barthélémy se partage entre Paris et Tours.
Vous êtes la première femme à présider l’Académie de médecine. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
« Ça marque l’évolution de la médecine dans notre pays, qui est de plus en plus féminine, y compris au niveau de l’enseignement universitaire. Cette féminisation est aussi représentative des évolutions de notre société en général. C’est un souhait de tous les académiciens qu’il y ait de plus en plus de femmes dans les instances. Je suis la première, je suppose d’une longue série ! »
Quand vous avez commencé vos études de médecine, vous étiez une des rares femmes. C’était un défi supplémentaire ?
« C’est toujours un défi. C’est très important de faire entendre sa voix, et aussi d’éclairer nos collègues hommes sur les capacités des femmes à assumer des responsabilités. Par exemple, c’était un défi pour moi quand je suis devenue professeure de faire cours aux étudiants de 1concernant année de médecine : il y avait 1.300 étudiants dans l’amphithéâtre de la faculté de sciences de Tours. Il fallait que je tienne bon, que les étudiants entendent, comprennent, et surtout acceptent que je sois une femme, c’était quelque chose de nouveau. À l’époque les garçons étaient très nombreux ; aujourd’hui, ils sont minoritaires. »
Qu’est-ce qui vous a poussé à faire médecine, alors que vous n’étiez pas issue du milieu médical, et que les femmes étaient encore rares dans cette profession ?
« Je suis d’un milieu d’enseignants. C’était dans ma famille une profession qui n’était pas envisagée. J’ai eu un modèle, une rencontre dans ma très jeune enfance, avec une amie de la famille qui était pédiatre et qui pratiquait la médecine scolaire. Elle m’a raconté non seulement comment elle était devenue médecin, mais aussi sa pratique, la prévention, par les vaccins, l’éducation sanitaire : la visite médicale annuelle dans les écoles, à l’époque, permettait de prévenir certaines maladies graves. »
Une pratique de la médecine qui n’est pas que technique… Qui vous est restée.
« Je suis restée attachée à cette pratique de la médecine près de notre société. Déjà pendant ma formation de pédiatre, j’ai été amenée à aller dans des centres de protection maternelle et infantile (PMI), c’était hors de l’hôpital, dans la ville. J’étais déjà intéressée par tout ce qui peut handicaper le développement de l’enfant. J’avais organisé des réunions avec les mamans, dans les quartiers du Sanitas à Tours, au Morier à Joué-lès-Tours, pour faire de la prévention. »
Pendant votre présidence, qu’est-ce que vous souhaiteriez imprimer ?
« L’académie a pour mission d’éclairer le gouvernement sur des sujets, des priorités qui concernent la santé et la prévention. Le développement global de l’enfant au sein de cet écosystème qu’est la famille, et plus largement la société est pour moi un sujet central. Il est dans la majeure partie de cas facile, mais pour tous les enfants qui ont des vulnérabilités, il faut que l’on diffuse dans notre clinique du très jeune enfant une culture du dépistage précoce, particulièrement dans toutes les difficultés liées à la communication, à l’interaction. »
Avec vous, c’est aussi la psychiatrie qui est représentée à la présidence de l’Académie de médecine. L’occasion de donner plus de visibilité à la discipline parfois mal aimée du grand public et des futurs médecins ?
« La psychiatrie est une discipline médicale extraordinaire, qui s’adresse à des personnes en souffrance, et dont la maladie nécessite pour être comprise une relation très respectueuse de l’autre, dans le secret et l’intimité de la personne. C’est une spécialité extrêmement noble. Je ferai tout pour la soutenir. »
Vous avez raccroché la blouse en 2014, mais vous restez en lien avec le terrain…
« J’accompagne des équipes qui ne sont pas hospitalières auprès d’un Institut médico-éducatif à Paris, d’un Service d’éducation spéciale et de soins à domicile pour les tout-petits à Nantes, et bien sûr je reste aussi présidente honoraire de l’Association pour la recherche sur l’autisme et la prévention des inadaptations (Arapi), l’association de familles qui a été créée à Tours en 1983. Ce lien est indispensable pour moi. »
Dans votre parcours, les familles ont toujours beaucoup compté.
« Les familles ont toujours été très porteuses. J’avais confiance en elles. Elles étaient d’ailleurs mes invitées lors la séance inaugurale à l’Académie de médecine. Je les ai en quelque sorte emmenées avec moi. »
biographie
> 1946 : naissance à Adriers (Vienne).
> 1972 : thèse de médecine à Tours (Indre-et-Loire).
> 1978-1979 : entrée dans un laboratoire du Collège de France.
> 1983 : participe à la création de l’Association pour la recherche sur l’autisme et la prévention des inadaptations (Arapi).
> 1990 : thèse de sciences, « Comportements, neurophysiologie et biochimie de l’autisme ».
> 1992 : devient Professeure de médecine et prend la direction de l’équipe autisme au sein de l’unité Inserm 930 Imagerie et Cerveau à Tours.
> 1994-1998 : vice-doyenne de l’Université de médecine de Tours.
> 2023 : élue vice-présidente de l’Académie nationale de médecine. Elle en prendra la présidence en 2024.
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2024-02-10 22:00:00