Les étiologies principales selon l’évolution (aiguë ou chronique) sont indiquées dans l’encadré 2.
La presbyphagie est à l’origine d’une atrophie de la muqueuse, d’une diminution de la force musculaire mais aussi du tonus et de l’élasticité, d’une édentation, d’une perte de goût, de troubles de l’insalivation, d’une invagination des lèvres avec incontinence labiale possible, d’une articulation temporo-mandibulaire moins mobile, d’une ossification des cartilages laryngés, ce qui va freiner l’élévation du larynx et donc entraver la protection des voies aériennes supérieures mais aussi diminuer, de fait, l’ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage pouvant être à l’origine de blocage. C’est un diagnostic d’élimination.
Les causes infectieuses – d’origine virale, bactérienne ou mycosique – sont fréquentes : caries, abcès dentaires, angines, abcès périamygdaliens/rétropharyngés/parapharyngés, épiglottite, œsophagite. Les processus infectieux neurologiques sont plus rares : atteinte des paires crâniennes dans les otites externes malignes par exemple, abcès cérébraux, poliomyélite, syphilis, méningite, Lyme, VIH, botulisme. L’angine diphtérique est très rare.
Parmi les causes tumorales, on distingue :
- cancers ORL (fig. 4) : le terrain alcoolique-tabagique est favorisant mais il ne faut pas oublier les cancers HPV-induits dont le nombre croît depuis quelques années (+ 200 % depuis les années 1960) ; ils sont à évoquer devant des douleurs pharyngées s’apparentant à une symptomatologie d’angine traînante et réfractaire aux antibiotiques. Bilan d’imagerie à réaliser : IRM + scanner cervicothoracique. La prévention se fait par le vaccin Gardasil 9 qui est étendu aux patients de sexe masculin depuis 2021 (encadré 3) ;
- tumeur des nerfs crâniens impliqués dans la déglutition ;
- tumeur cérébrale ;
- syndrome paranéoplasique.
Le diverticule de Zenker est un diverticule pharyngo-œsophagien à évoquer devant un patient âgé ayant un trouble de déglutition avec des régurgitations d’aliments non digérés après le repas pouvant s’associer à une altération de l’état général important. Un TOGD (transit œsogastroduodénal) en fait le diagnostic. Le traitement est chirurgical.
Les causes obstructives les plus fréquentes sont les corps étrangers (terrain psychiatrique ou dentier chez le patient âgé) et les ostéophytes cervicaux chez la personne âgée mis en évidence par une radiographie cervicale simple de profil ; étiologies plus rares : goitre, lipome cervical, arc aortique.
Les pathologies neurologiques en cause sont multiples :
- par atteinte des paires crâniennes autres qu’infectieuses et/ou tumorales et/ou métaboliques : syndrome de Guillain-Barré ;
- infirmité cérébrale et syndromes malformatifs comme la malformation d’Arnold Chiari ou la syringobulbie ;
- AVC : troubles de la déglutition retrouvés dans 60 à 80 % des patients ayant subi un AVC hémisphérique unique à type principalement de retard de déclenchement de la phase pharyngée. Ces troubles sont dans la plupart des cas résolutifs en quelques mois ; dans 20 % des cas on retrouve des inhalations dont 25 % vont entraîner des pneumopathies engageant le pronostic vital ;
- le traumatisé crânien peut regrouper un ensemble de troubles responsable de troubles de la déglutition sévères : on peut retrouver une hypotonie labio-glosso-pharyngée responsable de bavage ou au contraire une hypertonie responsable de trismus, des réflexes archaïques (succion, mâchonnement), des troubles du comportement alimentaire et de l’image du corps avec des postures inadaptées à une déglutition qualitative. Les troubles sont souvent majorés par la présence d’une trachéotomie et souvent d’une sonde nasogastrique ou d’une neuropathie de réanimation ;
- démence neurodégénérative comme la maladie d’Alzheimer ;
- SEP : les troubles de déglutition sont constants dans la phase terminale de la maladie ;
- SLA : la forme bulbaire survenant dans 25 % des cas est caractérisée par une dysarthrie et/ou dysphagie apparaissant au début de la maladie. Les autres signes cliniques devant faire évoquer cette pathologie en cas de troubles de déglutition chez un patient de 45 – 75 ans jusqu’alors sain sont : des crampes, une amyotrophie associée à un déficit musculaire, des fasciculations (à rechercher au niveau lingual, vidéo ici), un syndrome pyramidal (réflexes très vifs) et un syndrome pseudobulbaire (rire ou pleur spasmodique) ;
- maladie de Parkinson : les troubles de déglutition sont systématiques lors de l’évolution de la maladie ; le « rolling » (déplacement répété antériopostérieur du bol alimentaire) est spécifique.
Les maladies musculaires peuvent être en cause, qu’elles soient acquises comme les polymyosites et myosites dans lesquelles l’apparition de troubles de déglutition est un facteur de gravité, ou héréditaires comme la dystrophie myotonique de Steinert et la dystrophie oculopharyngée dans lesquelles les troubles de déglutition sont constants.
Autres causes :
- dysfonctionnement du sphincter supérieur de l’œsophage par défaut de relaxation de cause centrale, par compression mécanique de cause tumorale ou par hypertonie musculaire ;
- iatrogénie avec en chef de file la radiothérapie (prise en charge des cancers ORL) mais aussi la chirurgie des néoplasies des VADS, le port de SNG et/ou sonde d’intubation pendant une longue durée, certains médicaments (psychotropes, neuroleptiques, anticholinergiques, antipsychotiques)
- maladie de système : syndrome de Behçet (aphtes buccaux), syndrome de Gougerot-Sjögren (xérostomie), sclérodermie (trouble de la motricité œsophagienne) ;
- pathologies métaboliques comme le diabète pouvant être responsable de multineuropathie, maladie de Wilson, amylose.
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2024-01-08 17:53:25