Ce Marcovaldo de Nanni Loy

Ce Marcovaldo de Nanni Loy

2023-04-26 18:56:10

Il ressemblait à un grizzly amical, enveloppé dans une épaisse écharpe de laine et se dandinant un peu. C’était Nanni Loy dans le rôle de Marcovaldo. Le drame Rai de 1970, réalisé par Giuseppe Bennati, s’est lancé dans la tâche difficile de porter l’intelligence florissante de la page de Calvin sur le petit écran. Pari gagné en faisant du quotidien de Marcovaldo une narration audiovisuelle. Lui, employé de la société SBAV, tout pris par un va-et-vient mouvementé et désordonné dans le brouillard. Lui qui rêvait la campagne comme l’Eden perdu et dans la ville il poursuivait les traces fugitives d’une nature qui reculait de plus en plus. Franc et aigu, ce TV Marcovaldo est toujours tombé sur ses pieds. Il a tenté des jeux de prix, défilé dans les allées du supermarché en poussant un chariot plein, jonglé avec les séductions du boom. Tiraillé entre enthousiasme et scepticisme, il poursuit le mirage fallacieux de la société de consommation tout en gardant une grâce intime, un regard serein qui raccommode, défroisse, cicatrise. Il a trouvé le nœud des situations déséquilibrées en espionnant le monde avec des yeux curieux.

Les intermittences de la contemporanéité la caressaient sans la compromettre. Ils n’ont pas affecté son optimisme sous-jacent. Son essence est restée désorganisée et constructive, foirée et très raisonnable. Pour se rendre au travail, Marcovaldo a traversé la ville comme s’il glissait le long d’un itinéraire préétabli, presque celui qui serpente le long d’une piste pour petites voitures. L’aimant invisible de la routine l’attire irrésistiblement, du matin au soir, il compose sa vie avec des rituels intégrés, assimilés. Malgré les ennuis, malgré les malentendus, malgré les intermèdes comiques de Laurel et Hardy. L’astuce de Marcovaldo était de toujours recommencer avec la précision et l’obstination d’une habitude toujours renouvelée. Marcovaldo nous ressemble beaucoup dans cette nouvelle proposition de la vie de chaque aube. Dans ce renaît à la monotonie. Le scénario avait capturé le code secret de la routine du protagoniste. Il en avait fait une clé de lecture essentielle. Sec, net, rigoureux à sa façon. Travailleur Marcovaldo et épouse et père était somptueusement logé dans un sous-sol, il a lutté avec la vie légère et mélancolique. Il se jetait tête baissée dans la mêlée et s’en retirait invariablement hébété et émerveillé, incrédule d’un tel fracas, d’une animation aussi bruyante et ininterrompue.

Marcovaldo tâtonne en vain à la recherche d’un peu d’air pur, d’un segment de ciel clair. D’une oasis de paix et de liberté. Son angoisse pouvait aussi devenir aiguë, suffocante, presque primitive. Et le spectateur était infecté par son affliction claustrophobe. Il se sentit, tout à coup, prisonnier avec lui. Et avec lui, de la vitre des fenêtres, il scruta le ciel indifférent et lointain et interrogea lugubrement les nuages ​​gris. Ceux qui suivaient le scénario se perdaient avec Marcovaldo dans le miracle d’une branche fleurie ou d’un petit groupe de champignons clandestins. Il était étonné et reconnaissant du prodige des petites choses. Nanni Loy a montré son visage large, rugueux, enchanté, perplexe et a construit le personnage en en faisant bien plus qu’un rôle auquel adhérer. Il a utilisé des coups courts et bien choisis. D’accents qui s’échappent, de gestes interrompus, d’émerveillement sans paroles. Un essoufflement communicatif qui parfois, tragiquement, restait sans issue. C’était un travail intérieur qu’il ne pouvait qu’entraîner dans un mouvement d’empathie sincère, d’amitié sincère, dans un élan de participation aux faits et gestes tragi-comiques de ce pauvre gros, gros et trompé, perpétuellement pris au piège d’étranges et parfois surréalistes angoisses. , perdu dans un labyrinthe de trébuchements et de malentendus, de gaffes et de dérapages. L’affaire Marcovaldo était un microcosme du discours sous-jacent plus large. De la vaste critique de la société dans son ensemble. C’était connu et transpiré dans cette petite histoire qui semblait ne concerner que lui. Marcovaldo secouant sa grosse tête d’un air désolé et s’enveloppant dans son écharpe pour commencer une autre journée.



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