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Cédric Jubillar, ce suspect qui en dit trop ou pas assez

Cédric Jubillar, ce suspect qui en dit trop ou pas assez

Menteur, manipulateur, il faisait peur, il ne parlait pas beaucoup… Lorsque vous interrogez celles et ceux qui ont côtoyé ou croisé le chemin de Cédric Jubillar, à Cagnac-les-Mines (Tarn), les commentaires positifs sont plutôt rares. Rien d’étonnant à cela, selon l’un de ses avocats, Me Jean-Baptiste Alary : On entend rarement du bien d’une personne qui est poursuivie dans une affaire criminelle. À tort ou à raison, c’est ainsi. Ce genre de critiques me laissent toujours perplexebalaie l’avocat.

Pour autant, depuis près de deux ans, tous les regards sont tournés vers Cédric Jubillar, un plaquiste de 35 ans, soupçonné d’avoir tué sa femme Delphine, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. Beaucoup s’interrogent sur cet homme, à commencer par les juges d’instruction qui l’ont mis en examen puis incarcéré en juin 2021.

La reconstitution de ce qui a pu se passer dans la maison du couple, cette nuit-là, apportera peut-être des éclaircissements à ce mystère. Elle aura lieu le 13 décembre, soit près de deux ans jour pour jour après la disparition de Delphine Jubillar, infirmière de nuit, âgée de 33 ans au moment de sa disparition. Mais si certains témoignages et expertises font planer le doute sur son mari, il n’y a jusqu’à présent, ni aveux ni corps ni preuve matérielle irréfutable.

Jean-Baptiste Alary, l’un des trois avocats de Cédric Jubillar, avec Alexandre Martin et Emmanuelle Franck. © AFP

« Des indices graves et concordants »

Chaque élément pris isolément ne constitue pas une preuve, c’est vrai. Mais tous, lorsque vous les mettez bout à bout, représentent des indices graves et concordantsn’en démord pas Me Philippe Pressecq, avocat d’une cousine de Delphine Jubillar.

Le récit de Louis, le fils aîné du couple, qui a vu ses parents se disputer ce soir-là ; le témoignage de deux voisines qui assurent avoir entendu crier en provenance de la maison du couple ; une expertise qui atteste que le téléphone de Delphine Jubillar (qui n’a pas été retrouvé), n’aurait pas quitté la maison ou sa proximité cette nuit-là… Sans oublier le contexte conjugal : la volonté de Delphine de quitter son mari qu’elle ne supportait visiblement plus et qui avait rencontré un autre homme.

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Alors ? Alors, en attendant que l’enquête tente d’éclairer le drame de la nuit du 15 au 16 décembre 2020, rue Yves-Montant, à Cagnac-les-Mines, c’est la personnalité de Cédric Jubillar qui interroge. À plusieurs reprises, cet homme a tenu des propos ambigus, énigmatiques, à l’emporte-pièce et menaçants vis-à-vis de Delphine.

Soupçonnant sa femme d’avoir rencontré un autre homme, il n’hésite pas à « l’espionner » : surveille les dépenses qu’elle effectue à partir de sa carte bleue, la géolocalise lorsqu’elle s’absente trop longtemps… A une amie de Delphine qui avait fini par lui demander : C’est toi qui l’as tuée ?il avait répondu : Oui ’a pas de preuves !rapporte Me Pressecq.

« Je vais l’enterrer »

Début novembre 2020, alors que le couple partait déjà à vau-l’eau, Cédric Jubillar avait lâché à sa mère : « J’en ai marre de Delphineje vais la tuer, je vais l’enterrer et personne ne la retrouvera (1). Plus tard, en mai 2021, Cédric Jubillar, qui n’a pas encore été placé en détention provisoire, discute avec sa petite sœur.

Or, cette conversation débridée est interceptée par les enquêteurs : N’oublie pas, j’ai commis le crime parfait. Si tu as besoin de conseils parce qu’il y en a au bahut qui t’emmerdent, tu me le dis, je vais le régler […] Tu le regardes et tu lui dis : Tu sais qui c’est mon frère ? C’est Jubillar !lui dit-il. Seulement une fanfaronnade de mauvais goût ?

photo me philippe pressecq, avocat d’une cousine de delphine jubillar.  ©  ouest france

Me Philippe Pressecq, avocat d’une cousine de Delphine Jubillar. © OUEST FRANCE

Plus troublant encore. Au printemps 2021, Cédric Jubillar, qui est inscrit sur des sites de rencontres depuis de longs mois, fait la connaissance de Séverine, une quadragénaire qui réside à quelques kilomètres de Cagnac-les-Mines. Le nouveau couple va vivre ensemble, chez l’un, chez l’autre, durant plusieurs semaines. Alors forcément, la question de la culpabilité ou de l’innocence de Cédric Jubillar taraude sa nouvelle compagne, qui finit par l’interroger. Je l’ai enterrée dans la ferme qui a brûlélui répond-il derechef.

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Instant de vérité ou énième provocation ? Quelques semaines plus tard, il tient des propos approchants à un codétenu corse qu’il missionne auprès de Séverine pour cacher le corps dans un meilleur endroit. La encore, les enquêteurs veillent. Les gendarmes ont fouillé et refouillé l’endroit. Ils ont passé les lieux au peigne fin et n’ont rien trouvérappelle son avocat Me Alary.

« Comme une provocation »

Selon lui, les réponses troublantes de son client, par ailleurs grand consommateur de cannabis, s’expliquent très aisément : À force d’être questionné, interrogé, c’est normal, il a fini par répondre n’importe quoi. Ce qu’il a dit à sa compagne, au printemps 2021, il l’a lancé à la cantonade, un peu comme une provocation.

Un voisin du couple Jubillar que nous avons rencontré, ne croit pas non plus à l’hypothèse du corps de Delphine qui aurait été enterré près de la ferme brûlée, soit non loin du lotissement où il résidait. Vous avez essayé de vous rendre sur place ?, nous demande-t-il. Essayez donc ! L’occupant des lieux va immédiatement venir et ses chiens avec. Je doute que Cédric Jubillar ait pu venir y enterrer sa femme la nuit en toute tranquilliténote-t-il.

Mais si ce n’est pas lui, pourquoi alors avoir tenu ces propos troublants voire menaçants ? Cela témoigne d’une personnalité immature qui réagit parfois par la provocation ou par des termes excessifsestime Me Alary. Immature, égocentrique, parfois arrogant et sûr de lui, figurent effectivement dans les conclusions de l’expertise psychiatrique de Cédric Jubillar, dévoilée par Le Parisien.

Menteur, nous ont ajouté plusieurs voisins. Lors de ses premières déclarations aux enquêteurs, Cédric Jubillar avait émis l’hypothèse que sa femme avait pu sortir la nuit afin de promener les chiens du couple. C’est lui qui promenait les chiens. Pas elle. C’était ses chiensassure l’un d’eux, qui admet ne pas le porter dans son cœur.

Il se souvient encore de cette fois où Louis, le fils de Cédric Jubillar, avait demandé à sa femme s’il pouvait venir jouer du piano chez eux. Il était encore petit et s’était parfaitement exprimé. Ma femme l’avait alors fait remarquer à son père. Mais sa réponse l’avait mise mal à l’aise. Il lui avait fait comprendre qu’il valait mieux que son fils se tienne correctement…

photo de nombreuses personnes ont rendu hommage à delphine jubillar devant la maison du couple, à cagnac-les-mines.  ©  ouest france

De nombreuses personnes ont rendu hommage à Delphine Jubillar devant la maison du couple, à Cagnac-les-Mines. © OUEST FRANCE

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« Il la rabaissait »

Des propos comme celui-là, son avocat en a entendu des dizaines. Cédric Jubillar n’était pas non plus, dit-on, quelqu’un de très courageux. L’état de sa maison, encore inachevée de l’extérieur, ne plaide pas, il est vrai, en faveur de cet homme du bâtiment.

Mais ces traits de caractère ou ces comportements ne signent pas un meurtreinsiste Me Alary qui rappelle que Delphine Jubillar n’a jamais été violentée. Il lui parlait mal, il la rabaissaitnuance Me Pressecq, avocat d’une cousine de Delphine Jubillar.

Ce dernier a la formule cinglante lorsqu’il évoque la personnalité du suspect : Cédric Jubillar, c’est un nul, mais ce n’est pas un con. Il en est persuadé : cet homme à l’enfance difficile, ballotté entre un beau-père violent et des placements en foyers, n’a pas supporté qu’elle veuille le quitter. Delphine le tenait à bout de bras ». Les emplois fluctuants du peintre plaquiste avaient fini par être une source de tension dans le couple. Et Me Pressecq d’ajouter : « Lui, il l’aimait, mais il l’aimait mal. Delphine avait accepté de rester avec lui jusqu’aux fêtes de fin d’année afin de maintenir une dernière fois ce fantasme familial. Malheureusement, le fait de rester aura causé sa perteestime-t-il.

Mais peu importe ce qu’on dit sur lui, Cédric Jubillar continue de clamer son innocence. Me Alary prévient : Dans ce dossier, le doute est trop fort. Le renvoyer aujourd’hui devant une cour d’assisespour l’accusation, c’est prendre un gros risque

(1): Propos cités dans le livre de Ronan Folgoas, « Le mystère Jubillar » Studio fact.

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