Il y a un peu moins d’un an, Thérémie naissait, grâce à une rencontre entre Chloé Geoffroy et Iris Maréchal. Le premier a une formation de pharmacien et d’ingénieur chimiste. Elle a réalisé une thèse combinant neurosciences, intelligence artificielle et pharmacologie. La seconde, quant à elle, étudiait les mathématiques et la santé publique. “Mon premier travail a été de travailler aux États-Unis sur la crise des opioïdes, pour essayer de comprendre les différences de dépendance entre les populations.“, explique Iris Maréchal. Là, elle a remarqué qu’il y avait une différence entre les noirs et les blancs. “Les populations noires vont métaboliser plus rapidement la codéine en morphine, ce qui signifie que pour elles, l’addiction est directement plus forte lorsqu’elles en prennent.“.
Lorsqu’elle parle de son travail à Chloé, cette dernière lui confie qu’il existe aussi des différences selon le sexe. Elle lui explique : «Aujourd’hui, les médicaments sont développés selon une stratégie standardisée, c’est-à-dire : un médicament = une dose = une fréquence pour tous les patients, quelles que soient les différences interindividuelles, ce qui est particulièrement problématique en neurologie.” Fortes de ce constat, les deux femmes décident de lancer Theremia, dont l’acronyme signifie : “amélioration et renforcement des médicaments existants grâce à l’IA*”.
“Theremia est une entreprise qui utilise l’intelligence artificielle pour mieux comprendre les différences [entre les] populations dans les traitements médicaux, et permettre notamment à l’industrie pharmaceutique, mais aussi aux praticiens de soigner avec cette approche“, résume Iris Maréchal. Dans un premier temps, les deux fondateurs se sont limités aux pathologies liées au système nerveux central, notamment Parkinson et Alzheimer. “Nous sommes en train de lancer les maladies psychiatriques, la migraine, l’oncologie gériatrique, qui est un nouveau sujet dont nous avons besoin pour comprendre les différences dans l’évolution des maladies avec l’âge, et la sclérose en plaques.“, explique-t-elle.
Dans ces pathologies neurologiques, il existe des différences selon les populations.par exemple via le sexe, l’âge, l’origine ethnique, le stade de la pathologie, etc. Ils sont essentiels [à repérer] comprendre quel est le bon traitement pour la bonne population“, poursuit-elle. L’environnement est également un facteur important : . “Si on prend des triplés tous atteints de la maladie de Parkinson, et qu’on en met un en Chine, un aux Etats-Unis et un en France, ils ne développeront pas le même type de Parkinson car ils n’ont pas le même mode de vie, le même régime alimentaire, le même environnement…“
60% des patients n’ont pas la bonne dose de médicament
Si leurs travaux sont si essentiels, c’est parce que selon eux, toutes les populations ne sont pas incluses dans le cadre des essais cliniques, comme “les femmes en âge de procréer, les personnes trop âgées, etc., car c’est trop risqué“Sauf que ces personnes peuvent aussi tomber malades et finir par avoir besoin de soins.”Mais ils n’auront jamais été testés lors d’essais cliniques.“. « Cela entraîne des effets secondaires, voire un manque d’efficacité pour la plupart des patients. Il y a 40 % des patients qui prennent le médicament à la bonne dose, mais pour les 60 % restant**, ils ont soit des effets secondaires, soit un manque d’efficacité. efficacité“, note Iris Maréchal.
Face à un pourcentage aussi élevé, les deux fondateurs ont voulu comprendre “les différences [d’effets du médicament entre les personnes, NDLR] pouvoir donner le bon médicament à la bonne personne“. Pour cela, ils se sont d’abord concentrés sur les différences de population. Avec leur plateforme, ils reçoivent des données anonymisées des patients pour les « regrouper », c’est-à-dire les classer par catégories, à l’aide d’un algorithme.Par exemple pour la maladie d’Alzheimer, nous verrons que pour un type de médicament particulier, le sexe et le stade de la maladie sont des sujets importants.“, indique Iris Maréchal.
Les données sont toutes anonymisées et proviennent d’instituts de recherche ou médicaux. La cofondatrice précise avoir signé un partenariat de trois ans avec le Brain Institute pour étudier la maladie de Parkinson. D’autres partenariats seront bientôt formalisés, confie-t-elle. « Nous sommes en train de créer la plus grande base de données sur le système nerveux central qui puisse exister. Pour chaque pathologie, nous récupérons en moyenne les données cliniques de 100 000 patients suivis pendant cinq ans“.
Dans un deuxième temps, les fondateurs, aidés de leur équipe d’une dizaine de membres, tenteront, à l’aide d’un autre algorithme, de comprendre comment scientifiquement ces différences peuvent avoir une influence. “Si l’on prend le cas des somnifères, comme le zolpidem, on constate qu’il a une structure chimique lipophile. Il s’avère qu’en moyenne les femmes ont plus de tissu adipeux que les hommes. Le médicament restera donc plus longtemps dans le corps des femmes que dans celui des hommes.“, poursuit le co-fondateur. Administration des aliments et des médicaments a également tiré la conclusion : si l’on donne la même dose de somnifère à un homme et à une femme, les deux personnes ne verront pas les mêmes effets. Pour les femmes, la durée d’action sera plus longue.
Optimiser les médicaments
Ces deux étapes ne sont pas encore totalement achevées. Mais lorsque tel sera le cas, le dernier algorithme de Theremia permettra de proposer des ajustements des doses de médicaments, rendant ainsi «optimisation des médicaments“. “Nous travaillons avec Inria*** à Paris et avec de nombreux instituts de recherche en statistiques et mathématiques pour compléter nos algorithmes“, explique Iris Maréchal.
Ainsi, avec une dose de médicament parfaitement adaptée au patient, Theremia espère voir une diminution du nombre d’effets secondaires et de l’inefficacité. “Si l’on parvient à trouver le bon moment pour le prendre et le bon type de médicament, les patients seront évidemment moins susceptibles d’abandonner leur traitement. » ajoute le co-fondateur. Ce travail n’est pas seulement bénéfique pour les patients, il est également utile aux groupes pharmaceutiques. “Le grand défi pour eux est de comprendre quelle est la meilleure indication, la meilleure population… à partir d’une molécule donnée.continue-t-elle. Il y a aussi ceux qui souhaitent modifier une molécule avant de la mettre sur le marché.“.
Côté praticien, il est également primordial d’avoir le bon traitement à la bonne dose pour voir les effets chez votre patient. “Ils chercheront s’il existe des données prouvant que, par exemple, pour ce patient qui ne répond pas à cet antidépresseur spécifique, il existe une alternative, comme un autre antidépresseur qui fonctionnerait mieux en fonction de son phénotype de population.“, indique Iris Maréchal. Leur objectif est donc d’obtenir “tendances dans les populations sur lesquelles le médicament semble le plus efficace. Ce sont des informations que nous avons la capacité de donner“Les médecins sont aussi d’une grande aide à Theremia, car ce sont eux qui vont valider ou non les algorithmes.”Nous travaillons main dans la main avec eux“, assure-t-elle.
Un impact écologique
Theremia a aussi un impact écologique, car la start-up peut réduire l’errance thérapeutique. “Au lieu de tester différents médicaments, ce qui coûte en termes de production de boîtes et de médicaments… nous montrons qu’en donnant le bon traitement à la bonne personne dès le départ, nous réduisons directement les conséquences écologiques.“, explique Iris Maréchal.
Si aujourd’hui la start-up se concentre sur les pathologies du SNC, peut-on imaginer une généralisation à tous les médicaments ? A cette question, Iris Maréchal se montre plutôt optimiste. “A terme, nous pouvons étendre ce modèle à de nombreux médicaments. Cependant, pour nous, il y a un problème de gravité pour le patient et peu de personnes travaillent sur les maladies neurologiques.“.
*De l’anglais : Amélioration thérapeutique et renforcement des médicaments existants avec l’IA.
**Marion Nordt. « Améliorer l’observance thérapeutique des patients chroniques : une utopie ? Sciences pharmaceutiques. 2019. ffdumas-02147810f
***L’Institut National de Recherche en Sciences et Technologies du Numérique.
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