Une fois sa décision annoncée à la presse, de manière chaotique une fois de plus, les réactions ne se sont pas fait attendre. En coulisses, une source européenne résume : “Personne n’y croyait et tout le monde riait”. Des fonctionnaires échangent des messages privés ironisant sur le “talent” de Charles Michel pour continuer à faire parler de lui. Marie-Agnes Strack-Zimmermann, tête de liste des libéraux allemands du FDP pour les élections européennes, issue de la même famille politique que M. Michel, s’indigne publiquement : “Un nouveau demi-tour qui sème la confusion”. Elle affirme également : “Son rôle n’est pas de se mettre en avant, mais de représenter les États membres et de les coordonner. Il ne fait rien de tout cela.”
Or, cette critique est en partie injuste si l’on considère les décisions adoptées à l’unanimité par les chefs d’État et de gouvernement depuis que Charles Michel a été chargé de piloter leurs discussions en 2019. Parmi ces décisions, on peut citer un accord pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, un accord sur le budget européen 2021-2027, un plan de relance de 750 milliards d’euros pour relancer l’économie européenne après la crise du Covid, des sanctions contre la Russie et un soutien inédit à l’Ukraine, ainsi qu’une position pour appeler à des “pauses humanitaires” dans la guerre entre Israël et le Hamas. Sur ce sujet, l’un des plus clivants au sein de l’UE, Charles Michel a su manœuvrer avec plus de subtilité que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
Il serait exagéré d’attribuer à Charles Michel la paternité de ces accords. La Commission propose les mesures et les États membres, en particulier la France et l’Allemagne, ont un poids politique important. Cependant, il serait également erroné de dire qu’il n’a pas joué de rôle dans ces négociations. Néanmoins, il lui est reproché son organisation chaotique et confuse des sommets européens, comme souligné dans un long article critique de Politico publié en mars 2023.
Le grand drame de Charles Michel aura surtout été de vouloir exister dans un rôle qui lui imposait de s’effacer, pour bâtir en coulisses le consensus. Cette obsession l’a conduit à se forger un costume géopolitique, se projetant en bâtisseur de dialogues avec la Chine ou de la paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Cependant, cette volonté de se mettre en avant a été critiquée. Au niveau de l’UE, Charles Michel a été perçu comme un homme pressé, et les prochains mois risquent de sembler bien longs pour lui.