Cienciaes.com : L’extraordinaire voyage de la belle dame. Nous avons discuté avec Gérard Talavera.

2024-09-02 12:58:57

Il est impressionnant de penser que quelques papillons fragiles, découverts sur une plage de Guyane française, ont révélé qu’ils y étaient arrivés après un voyage d’au moins 4 200 km depuis l’Afrique, en survolant les eaux de l’océan Atlantique. Et il est possible que la distance parcourue ait été encore plus grande, sachant que ces insectes commencent leur longue migration en Europe, traversent la Méditerranée et survolent le Sahara, sur un voyage d’au moins 7 000 km. Cette incroyable odyssée a été réalisée par le papillon « dame peinte » (Vanessa Cardui), également connu sous le nom de « papillon en carton ». Mais il n’est peut-être pas moins surprenant de découvrir comment une équipe internationale de chercheurs, dirigée par Gerard Talavera, chercheur à l’Institut Botànic de Barcelone (SCCICMCNB), a réussi, après dix années d’études, à démêler l’extraordinaire voyage effectué par ces quelques papillons trouvés en Guyane française.

L’histoire commence le 28 octobre 2013, lorsqu’un membre de l’équipe de recherche découvre une dizaine de papillons éparpillés sur une plage de Guyane française. Les papillons avaient les ailes endommagées et étaient épuisés ; certains n’ont pas pu fuir, comme s’ils avaient effectué un vol long et épuisant. Les insectes appartenaient à l’espèce Vanessa Carduiun papillon commun en Europe et en Amérique du Nord, mais inconnu en Amérique du Sud. Les chercheurs ont capturé trois spécimens et, après avoir vérifié que l’espèce n’était pas un habitant de la zone, ils se sont demandé comment ils étaient arrivés là.

Gérard Talavera a déclaré lors de l’interview qu’il y avait deux origines possibles à ces papillons. L’une d’elles était que son point de départ était l’Amérique du Nord, où il est courant. La deuxième hypothèse était que ces papillons avaient traversé l’océan Atlantique depuis l’Afrique de l’Ouest, parcourant une distance minimale de 4 200 kilomètres et peut-être jusqu’à 7 000 kilomètres s’ils étaient originaires d’Europe.

Pour confirmer cet étonnant voyage, les scientifiques ont utilisé une combinaison de méthodes innovantes.

Tout d’abord, ils ont analysé les trajectoires du vent à l’aide du modèle HYSPLIT de la NOAAce qui leur a permis de reconstituer le parcours possible des papillons de l’Afrique vers l’Amérique du Sud. Les résultats ont montré que pendant les 48 heures précédant la capture des papillons, les vents étaient exceptionnellement favorables pour faciliter leur dispersion transatlantique depuis l’Afrique de l’Ouest.

Des analyses génétiques ont été réalisées sur les papillons capturés, comparant leur ADN avec des échantillons de Vanessa Cardui d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Afrique. Les résultats génétiques ont indiqué que les papillons sud-américains étaient génétiquement liés aux populations euro-africaines, excluant ainsi une origine nord-américaine. Cette découverte a été étayée par l’analyse des grains de pollen trouvés sur les papillons, qui ont révélé la présence d’espèces végétales endémiques du Sahel en Afrique de l’Ouest, renforçant l’hypothèse d’une origine africaine.

Les chercheurs ont également analysé les isotopes stables de l’hydrogène et du strontium présents dans les ailes des papillons pour géolocaliser leur origine natale. On sait que les chenilles des papillons se nourrissent de plantes qui poussent au sol et que celles-ci fournissent à leur corps les proportions d’isotopes présentes dans l’environnement. En analysant ces signatures isotopiques, les chercheurs ont découvert que les papillons pourraient être originaires d’Europe occidentale ou d’Afrique de l’Ouest, où ils se sont développés avant d’être emportés par les vents vers l’Atlantique et éventuellement l’Amérique du Sud.

Cette étude documente non seulement l’un des vols transocéaniques les plus longs enregistrés pour les insectes, mais permet également de mieux comprendre la capacité de dispersion des insectes. On estime que les papillons ont bouclé leur voyage transatlantique en 5 à 8 jours, aidés par les alizés d’est. Sans cette aide, le voyage aurait été impossible, car les réserves d’énergie des papillons ne leur auraient permis de parcourir qu’un maximum de 780 kilomètres sans faire le plein.

Gerard Talavera commente qu’à mesure que nous continuons à explorer ces événements, il est probable que nous découvrirons davantage d’exemples de la manière dont les insectes, malgré leur taille, ont un impact profond sur l’écologie mondiale et la répartition des espèces.

Je vous invite à écouter Gérard Talavera, chercheur à l’Institut Botànic de Barcelone (IBB), SCCICMCNBBarcelone.

Références :

Suchan, T., Bataille, C.P., Reich, MS et al. Un vol transocéanique de plus de 4200 km de papillons peints. Nat Commun 15, 5205 (2024).



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