Cohabitation et interdépendances : quand les animaux sauvages nous aprennent à vivre

2024-09-12 17:09:57

Là où les êtres humains rivalisent de cruauté, d’égoïsme, d’individualisme et de rejet de l’autre, dans une période de grands bouleversements socio-démographiques et climatiques, la vie sauvage offre de surprenants exemples de coopération entre espèces dont on ferait bien de s’inspirer…

Plus nous avançons dans la connaissance de la vie sauvage, plus elle nous en dit sur l’état de notre cohabitation. Aujourd’hui, plus que jamais, le monde sauvage nous offre des exemplespour résoudre une bonne somme de conflits que nous traversons. Longtemps débinée pour rehausser la supériorité de l’intelligence humaine, la vie sauvage est pourtant pleine d’images positives. En termes d’ingénierie de la cohabitation, les humains ont beaucoup à apprendre des modes d’habiter du monde sauvage.

Les loups et les corbeaux : une cohabitation vitale

La cohabitation entre ces deux animaux a nourri beaucoup de légendes et ce n’est pas pour rien. Le loup est un grand prédateur tandis que le corbeau est un charognard qui se contente des restes.

Le loup peut manger le corbeau, mais les deux animaux se retrouvent fréquemment à partager le repas ensemble. Les cris des corbeaux attirent les loups, indiquant qu’il y a soit une proie potentielle que le loup peut chasser, soit qu’il y a de la viande à consommer. Les corbeaux profitent en retour du labeur des loups qui vont chasser et consommer leur proie en laissant des carcasses délicieuses qui seront ensuite récupérées par les charognards.

Ce pacte de non-agression entre les deux espèces est vital pour l’écosystème et assure l’équilibre du milieu. En effet, les cadavres peuvent être vecteurs de maladies s’ils ne sont pas consommés : des bactéries animales dangereuses prolifèrent. Le loup, en laissant le corbeau charognard consommer ses restes, sait peut-être qu’il ne faut pas être trop gourmand. Sa propre survie en dépend. Les charognards jouent ainsi le rôle des culs-de-sacs épidémiques, car ils mangent les bactéries pathogènes des carcasses laissées par d’autres animaux. Les vautours par exemple sont excellents en la matière, car rares sont les bactéries animales qui résistent à leur système de digestion redoutable. Cette relation entre les prédateurs et les charognards limite la propagation des zoonosesc’est à dire des maladies infectieuses qui passent de l’animal à l’homme.

Cet équilibre tend à se rompre. Dans certaines régions du monde, la disparition des charognards à cause des activités humaines (urbanisation incontrôlée, multiplication des activités touristiques, destruction de forêts primaires) a été à l’origine de la propagation de plusieurs maladies. Aujourd’hui, alors que la destruction des équilibres animaliers s’accentuent, les risques de zoonose augmentent, comme en témoigne la menace des maladies comme la variole du singeCovid, Ebola, etc.

La solidarité légendaire des wombats face aux ravages du feu en Australie

Les wombats sont des petits mammifères herbivores, qu’on retrouve en Australie. Comme le kangourou, maman wombat possède une poche dans laquelle elle porte son petit. Ils se caractérisent surtout par leur art de creuser des terriers grâce à ses griffes redoutables.

Lors des incendies qui ont embrasé l’Australie en 2020, ce sont ces terriers, allant jusqu’à 30 mètres de profondeur, qui ont permis à d’autres animaux d’échapper aux feux dévastateurs. Cette année-là, les wombats ont reçu le Nobel de la solidarité pour leur sens élevé de la cohabitation en temps de crise.

Crédit : Steve Burcham – Pexels

Grâce à cette ouverture à la cohabitation avec d’autres animaux en situation de danger, les wombats ont pu sauver la vie de wallabies, d’échidnés et même de kangourous. Ces derniers, qui étaient sur le point d’être ravagés par le feu, ne remercieront jamais assez les wombats pour leur hospitalité. D’ailleurs, en plus d’offrir un abri collectif isolé de la surface en feu, les wombats ont aussi été permis à leurs camarades assoiffés de boire, grâce à leur capacité à creuser des puits.

Coyotes et blaireaux : l’union fait la force

Voici un autre exemple d’alliance surprenante entre les animaux. Il y a quatre ans, une caméra de surveillance permettait au monde de se rendre compte une fois de plus de la symbiose qui peut exister entre deux espèces.

Dans un écotunnel en Californie, sous une autoroute, deux animaux sauvages sont observés dans une rare communion. Un coyote attend un blaireau avant de prendre ensemble le chemin du tunnel, tous les deux apparemment très enjoués par cette aventure.

Cette image qui a étonné le monde est loin d’être anecdotique. En effet, blaireaux et coyotes se nourrissent des mêmes proies. Ils sont tous les deux carnivores. Ils chassent quasiment dans les mêmes endroits, rôdent autour des mêmes cibles.

Leurs proies peuvent courir soit très vite ou se terrer pour se cacher. La logique humaine aurait voulu qu’ils se fassent une guerre de territoire afin que le plus fort s’empare de toutes les proies. Sauf qu’il arrive que certains animaux soient plus intelligents que nous.

Ou, les blaireaux ne sont pas doués pour la course et les coyotes ne savent pas creuser des trous que les blaireaux. Plutôt que d’exploiter les faiblesses de l’autre pour s’imposer, les deux animaux vont mutualiser leurs compétences. L’un est en difficulté face aux proies qui se terrent et l’autre face aux proies qui courent vite. L’idée ingénieuse qu’ils vont développer, c’est donc de chasser ensemble, conscients de leur complémentarité. Quelle belle idée !

Deux cerveaux valent mieux qu’un. Les bamilékés du Cameroun disent qu’un doigt seul ne peut attraper des puces. Oui ! Les citations ne manquent pas en la matière, mais les exemples sont devenus rares ! Coyotes et blaireaux nous rappellent que ça marche mieux ainsi. L’union fait la force. Leur travail d’équipe et les défis relevés ensemble ont même inspiré des jeux de société !

Une leçon pour les humains

Dans un monde en panne d’humanité, gangréné par l’individualisme, il est nécessaire de se souvenir que nous faisons aussi partie d’un écosystème où tout est interdépendant. Les animaux sauvages nous en donnent de nombreux exemples.

À l’heure où le sort des migrants climatiques s’assombrit à cause des politiques de rejet, je veux à travers ce billet que nous puissions jeter un regard sur ce qui se passe dans le monde sauvage, où les relations d’interdépendance peuvent être édifiantes. À l’inverse, le manque de solidarité, notamment en temps de crise, conduit souvent à des catastrophes planétaires.

Pendant la Covid par exemple, les pays africains étaient abandonnés à leur sort, ce qui a eu d’énormes conséquences en termes de propagation de la maladie de relations entre le Nord et le Sud. Aujourd’hui, les mêmes schémas semblent se dessiner avec la variole du singe. Plusieurs pays baignent dans des catastrophes humanitaires dans un silence collectif assourdissant. En Afrique, on sait qu’un malheur qui frappe à la porte du voisin ne nous est pas étranger.

Ces exemples de relations animales peuvent donc servir aux humains. Ces animaux ne sont peut-être pas conscients du caractère solidaire et profondément humain de leur façon de vivre. Les wombats ne sont certainement pas conscients d’avoir sauvé la vie aux kangourous en Australie. Les blaireaux et les coyotes ne sont probablement pas conscients que leur stratégie de vie commune illustre bien l’idée de l’union qui fait la force. Les charognards ne sont sûrement pas conscients qu’ils limitent la propagation des maladies. Mais une chose est sûre : ces êtres sauvages réussissent souvent mieux que nous dans l’exercice de la cohabitation et de la solidarité. Ils n’attendent pas le 19 août pour célébrer la Journée internationale de l’aide humanitaire, mais la vivent au quotidien.

Le symbolisme de leurs interrelations nous dit beaucoup sur la meilleure manière d’habiter la planète, de réagir en temps de crise et comment rester en équilibre avec nos semblables, ainsi qu’avec ces êtres que nous détruisons à un rythme effrayant, sans véritablement connaître.

Yves-Landry Kouamé



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