Coming Out à 65 ans : Le témoignage poignant d’un homme qui a enfin trouvé le bonheur

Coming Out à 65 ans : Le témoignage poignant d’un homme qui a enfin trouvé le bonheur

Masques / Getty Images/Masques Masques / Getty Images/Masques

“J’aimerais tellement pouvoir donner la force à ceux qui ont besoin d’un déclic. Vivre caché, c’est se priver d’un bonheur qui est là, qui existe.”

TÉMOIGNAGE – Je suis veuf, retraité et père de famille. Pendant des décennies, ma vie a semblé parfaitement dans le moule : une carrière en tant que cadre commercial, une famille, un chien, un poisson rouge, un pavillon… Toutes les cases étaient cochées. Pourtant, dans cette vie, je n’étais pas libre d’être qui je suis. Ce n’est que cette année, à 65 ans, que j’ai commencé à pouvoir toucher un bonheur que je croyais inatteignable. Je suis tombé amoureux et j’ai fait mon coming out homosexuel.

Quand j’étais jeune, on ne parlait pas d’homosexualité. J’ai toujours su que j’étais homosexuel. Mais à l’époque où j’ai grandi, ce n’était simplement pas une possibilité. Je savais que mon attirance pour les hommes relevait non seulement d’un tabou, mais aussi d’une interdiction très forte. Il ne fallait pas prononcer le mot homosexualité, aucune relation entre hommes ne devait être connue, l’amour entre deux hommes était absolument banni. Nous n’étions même pas encore dans les années 80. J’avais la vingtaine quand j’ai eu ma première histoire avec un homme, dans la discrétion la plus totale. C’était une vie clandestine, il ne fallait surtout pas se montrer. En parallèle, j’ai aussi eu des relations avec des femmes. Je suis devenu père une première fois, puis j’ai eu une autre compagne avec laquelle je me suis marié et eu des enfants. Pendant vingt ans, je me suis conformé à la norme. Un bon petit père de famille, avec un travail qui me demandait énormément de temps et des engagements associatifs qui m’occupaient beaucoup. J’ai vécu “comme tout le monde” sans rencontrer d’hommes.

À la quarantaine, je me suis retrouvé au chômage. Le temps retrouvé m’a permis de me remettre en question et de ressentir un manque dans ma vie. Mon travail suivant, qui impliquait de me déplacer souvent, a permis au naturel de revenir au galop : j’ai retrouvé ma liberté de voir des hommes. À cette époque, le minitel aidait beaucoup aux rencontres. J’ai hésité à divorcer, mais mes enfants étaient encore jeunes. Le dernier avait 7 ans et je me suis beaucoup interrogé. Fallait-il rester, ou partir ? Je ne voulais pas m’éloigner de mes enfants, alors je suis resté. Une vie à se cacher, jusqu’à la retraite.

La frustration de vivre une vie qui ne me correspondait pas est devenue forte et j’ai commencé à boire pour tenir. De petites doses au début, je suis tombé dans un engrenage qui a duré une dizaine d’années, jusqu’à ce que je doive aller en cure de désintoxication pour m’en sortir. Au centre, on essayait d’identifier le mal-être qui m’amenait à boire et je répétais que je savais très bien d’où il venait : je ne pouvais pas vivre la vie que je souhaitais. Au sortir de cette cure, j’ai changé de voie professionnelle et je me suis enfoui sous le travail. Mon cerveau était pris, mon temps aussi et j’ai tenu ainsi jusqu’au moment bien mérité de la retraite. À nouveau, j’ai retrouvé le temps de la liberté et j’ai eu de nouvelles aventures masculines. À ce stade de notre vie commune, ma femme savait que j’aimais les hommes. Nous avions prévu de divorcer, mais les choses se sont compliquées quand elle a été diagnostiquée d’un cancer incurable. Après trente ans ensemble, je n’ai pas voulu la quitter et je lui ai juré de l’accompagner jusqu’au bout, ce que j’ai fait. Étrangement, c’est dans ce contexte difficile que j’ai rencontré quelqu’un. Lui aussi était père de famille, divorcé mais très proche de son ex-femme, et il vivait des moments similaires.

Le coup de foudre, puis le bonheur à 65 ans

À 65 ans, j’ai eu mon premier coup de foudre et nous sommes tombés amoureux. La remise en question du modèle dans lequel nous avions vécu nos vies bien installées n’a pas été facile, mais j’ai décidé qu’il était temps d’arrêter de vivre caché et de briser la coque dans laquelle je m’étais enfermé toute ma vie. Porté par notre amour, j’ai dépassé les appréhensions liées au regard des autres et j’ai fait mon coming out. À ma famille, à mes amis, à mes enfants désormais adultes… 99 % des personnes à qui je l’ai dit ont été heureuses pour moi et ne souhaitaient que mon bonheur. Certains m’ont même surpris par leur enthousiasme, me disant “Qu’est-ce que je suis heureux pour toi !” Pour ceux qui ne l’acceptent pas, je me suis dit “tant pis, on avance”.

Aujourd’hui, mon conjoint et moi vivons ensemble un bonheur que nous ne pensions jamais vivre. Après une vie à se cacher dans un monde formaté, nous avons découvert à la soixantaine que nous pouvions vivre notre homosexualité comme on le voulait. Vivre ensemble, se sentir en sécurité avec quelqu’un d’autre, se dire “je t’aime” et le ressentir aussi fort, c’est incroyable et plein d’espoir. Nous avons des projets ensemble, des investissements, des voyages. Il y a quelques semaines, nous sommes allés en Espagne et nous avons pu nous tenir la main dans la rue, libres. Nous ne pensions pas être un jour aussi heureux.

Aujourd’hui, on parle beaucoup des jeunes homosexuels. On parle moins des anciens, qui ont vécu dans un monde différent. C’est à eux que j’aimerais donner de l’espoir : je sais que nombreux sont celles et ceux qui se disent “Je ne peux pas, je ne suis pas normal”. Celles et ceux qui croient, comme je le croyais, qu’ils ne sont pas faits pour le bonheur. Mais je tiens à leur dire c’est possible et encore mieux que ce qu’on peut imaginer ! Nous vivons aujourd’hui ensemble dans une maison très sympathique et moi qui détestais les chats, j’ai fini par aimer les siens. J’ai fini par comprendre que comme tout être, j’avais le droit d’aimer et d’être aimé, et que c’était ça le bonheur. Souvent, je me dis que s’il m’arrive quoi que ce soit demain, j’aurais au moins connu cet amour pas possible dans ma vie. Et dire que j’aurais pu passer à côté par angoisse ou par lâcheté ! Bien sûr, tout n’est pas parfait. L’homophobie existe encore, et nous la ressentons parfois. Mais j’aimerais tellement pouvoir donner de la force à celles et ceux qui ont besoin d’avoir un déclic. Vous verrez : il y a bien plus de côtés positifs que de négatifs. Vivre caché, c’est se priver d’un bonheur qui est là, qui existe, et qu’on peut attraper.

Ce témoignage a été recueilli et édité par Aïda Djoupa. Vous aussi, vous avez une histoire à partager avec Le HuffPost ? Écrivez-nous à l’adresse temoignage@huffingtonpost.fr

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