Comment Elon Musk a changé X en un an – DW – 26/10/2023

Le 27 octobre 2022, l’homme le plus riche du monde, Elon Musk, a officiellement pris possession de Twitter Inc., en tweetant : « L’oiseau est libéré ». Peu de temps après, ont commencé le licenciement de hauts dirigeants, une série de licenciements controversés (environ la moitié de ses 7 500 employés) et le changement de marque de l’une des marques les plus connues au monde en « X ».

Lancé dans la Silicon Valley en 2006, Twitter était à l’origine une plateforme de microblogging permettant aux utilisateurs de partager des publications de 140 caractères, ou « tweets ». En décembre 2022, Twitter comptait plus de 368 millions d’utilisateurs actifs dans le monde, selon les données d’eMarketer/Insider Intelligence, et était reconnu pour avoir facilité les mouvements de protestation sociale depuis le Printemps arabe et Black Lives Matter jusqu’au mouvement #MeToo.

Twitter n’est en aucun cas la plus grande plate-forme de médias sociaux en termes de nombre d’utilisateurs actifs – il est de loin derrière Facebook, Instagram et autres de Meta – mais il a longtemps dépassé son poids en termes d’influence. Les dirigeants politiques, les entreprises, les médias, les journalistes et les célébrités ont tous utilisé la plateforme pour communiquer et développer leur marque au sein d’une communauté mondiale largement familiarisée avec les médias.

Avant de conclure son accord de 44 milliards de dollars (41,5 milliards d’euros) pour acheter Twitter, Musk a proclamé que la plateforme servait de « place publique de facto » et a remis en question son engagement en faveur de la liberté d’expression. “Ne pas respecter les principes de la liberté d’expression compromet fondamentalement la démocratie. Que faut-il faire ?” Musk a demandé à ses dizaines de millions de followers.

Extrémistes, discours de haine et poursuites judiciaires

Bien qu’il ait promis de ne pas transformer Twitter en un « paysage d’enfer », la réponse de Musk a été de licencier un grand nombre de modérateurs de contenu, de dissoudre son conseil de confiance et de sécurité et de rétablir les comptes des extrémistes de droite et des théoriciens du complot, y compris les nationalistes blancs. Nick Fuentes, négationniste de l’Holocauste, et Andrew Anglin, fondateur du site Web suprémaciste blanc The Daily Stormer. Son service de presse a été fermé en novembre 2022 et répond désormais à toutes les demandes de presse avec un emoji caca.

Dans les semaines qui ont suivi le rachat, une étude menée par des chercheurs de l’Université Tufts aux États-Unis a révélé que « après le rachat de Musk, la qualité des conversations s’est dégradée, avec davantage d’extrémistes et de fournisseurs de contenus haineux testant les limites de ce que Twitter pourrait autoriser. ” Aujourd’hui, un an plus tard, les critiques affirment que la soi-disant « place publique » est inondée de discours de haine et de désinformation.

Tout cela est important car « ce que nous trouvons sur les réseaux sociaux se traduit par des résultats concrets », explique Raphaela Andres, chercheuse au Centre Leibniz pour la recherche économique européenne à Mannheim (ZEW) et co-auteur d’une étude examinant l’impact de législation pour lutter contre les discours de haine sur Twitter.

Le Center for Countering Digital Hate affirme que la haine et la discrimination ont « monté en flèche » sur la plateforme sous Musk et fait désormais campagne pour que les grandes marques arrêtent de faire de la publicité sur le site. En réponse, Musk a intenté une action en justice accusant le CCDH de nuire à ses relations avec les annonceurs. Il a également menacé de poursuivre en justice l’Anti-Defamation League, un groupe de défense des droits civiques basé aux États-Unis, affirmant que l’ADL tentait de « tuer » la plateforme de médias sociaux en « l’accusant à tort, ainsi que moi-même, d’être antisémites ».

En mai 2023, les analystes de marché de Fidelity, un fonds de gestion d’actifs qui détient une participation dans X Holdings Corp., ont constaté que Twitter avait perdu environ un tiers de sa valeur d’achat depuis le rachat de Musk. En juillet, Musk a librement admis que l’entreprise avait perdu près de la moitié de ses revenus publicitaires depuis qu’il en avait pris la direction et le conseil en marketing.

Twitter est-il pire que les autres plateformes ?

Un autre grand changement sous Musk a été l’introduction de frais pour les fameux « chèques bleus » utilisés pour vérifier l’identité des utilisateurs. Soudainement, le chèque bleu était accessible à tous ceux qui étaient prêts à payer pour le payer, et ceux qui refusaient voyaient leur vérification supprimée.

Sacha Altay est un psychologue expérimental travaillant sur la désinformation et la (més)confiance à l’Université de Zurich. Il affirme que s’il est clair que la propagation des discours de haine et de la désinformation a augmenté sur Twitter, il existe très peu d’études comparant le phénomène sur différentes plateformes.

“[Musk] a fait beaucoup de choses qui, bien sûr, n’ont pas amélioré la qualité de la discussion, mais il est difficile de dire si c’est vraiment pire que sur d’autres plateformes”, a déclaré Altay à DW. “Est-ce pire que sur TikTok ? Peut-être, mais je ne pense pas que nous ayons de très bonnes données pour pouvoir en parler.”

Sur la question spécifique de la désinformation, Altay affirme qu’il s’agit d’un problème sur Twitter depuis le tout début et qu’elle est principalement propagée non pas par des robots mais par des personnes ayant un pouvoir et une influence réels. “Avant, avec le chèque bleu, c’était déjà mauvais, maintenant c’est encore pire. Beaucoup de désinformations provenaient déjà de ‘personnes à chèque bleu’ comme les politiciens”, dit Altay.

En réponse à l’introduction de la loi sur les services numériques (DSA) dans l’UE, qui établit des règles pour empêcher la diffusion de contenus préjudiciables, interdire ou limiter certaines pratiques de ciblage des utilisateurs et partager certaines données internes avec les régulateurs, des rumeurs ont circulé selon lesquelles Musk envisageait de supprimer le service d’Europe.

En septembre, Musk s’en est pris au gouvernement allemand. Il a partagé un appel à voter pour le parti populiste d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), suggérant que l’Europe est envahie par les réfugiés et que le gouvernement allemand est responsable, car il finance le sauvetage des migrants en mer Méditerranée.. “Le public allemand en est-il conscient ?” Musk a tweeté. À cela, le compte rendu officiel du ministère allemand des Affaires étrangères a répondu : « Oui, cela s’appelle sauver des vies ».

Il est temps de quitter la « place publique » ?

Alors que la « place publique » est de plus en plus inondée de discours de haine et de désinformation, la question se pose de savoir s’il est temps de faire ses valises et de partir – et si c’est le cas, alors où ?

Certains des hommes politiques allemands les plus en vue, comme le premier ministre de Basse-Saxe Stephan Weil ou la coprésidente des sociaux-démocrates de centre-gauche Saskia Esken. effacé leurs comptes privés. Mais la plupart des hommes politiques et des médias allemands continuent d’être présents sur la plateforme.

Une exception est la National Public Radio, ou NPR, à but non lucratif, aux États-Unis. Après que X l’ait qualifié de « média affilié à l’État américain » en avril 2023, NRP, qui comptait 8,7 millions de followers, a quitté Twitter. Six mois plus tard, la Fondation Nieman de Harvard a rendu compte d’une note distribuée au personnel de NPR indiquant que le trafic avait chuté d’un seul point de pourcentage suite au départ de la plateforme.

Dans un article récent du blog Medium, l’influent blogueur, journaliste et auteur canado-britannique Cory Doctorow a écrit : « Le problème avec Twitter n’est pas que cet important service est géré par le mauvais milliardaire mercuriel et médiocre : c’est que des centaines de millions de personnes sont à la merci de n’importe lequel chef d’entreprise insensé.

“Je ne pense pas [Twitter’s] Je ne pense pas qu’il mourra”, déclare Andres, chercheur au ZEW. “Je pense que différentes alternatives apparaîtront, comme Mastodon, Blue Sky. Je ne m’attends pas à ce qu’ils deviennent aussi grands que Twitter, je pense que nous n’aurons plus une seule plateforme globale. J’espère qu’à un moment donné, les gens pourront communiquer entre ces plateformes… et je pense que c’est la direction dans laquelle nous irons.”

Edité par : Rina Goldenberg