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Comment l’Europe et le reste du monde vont-ils gérer le protectionnisme extrême de Trump ?

by Nouvelles

Le combat inutile du protectionnisme ?

Le protectionnisme au cœur de Trumponomie

Trump a bâti sa campagne sur un programme économique radical, centré sur trois piliers : des réductions d’impôts massives, une déréglementation généralisée et des droits de douane importants. Parmi les mesures les plus notables : une taxe de 10 à 20 % sur toutes les importations, portée à 60 à 100 % pour les produits chinois. Dans un geste rhétorique qui a frappé les esprits, le président américain a même qualifié les droits de douane de « le plus beau mot du dictionnaire ». Cette vision révèle une stratégie claire : celle de transformer les relations commerciales en outil de domination.

Ce patriotisme économique trouve aussi un écho dans l’histoire. Inspiré par la politique de William McKinley, président des États-Unis à la fin du XIXe siècle, Trump fait revivre l’identité américaine et promet une période où le protectionnisme sera une réponse efficace à de nombreux maux. Mais promesses peuvent parfois être synonymes de désillusion. Les politiques fiscales et tarifaires présentent un coût faramineux. Selon le Bureau du budget du Congrès (CBO), ils pourraient coûter jusqu’à 4 600 milliards de dollars supplémentaires au cours des dix prochaines années et augmenter la dette du pays de plus de 7 750 milliards de dollars. Ces chiffres vertigineux soulèvent une question clé : dans quelle mesure l’économie américaine peut-elle supporter un tel fardeau ? Une telle aggravation de la dette, déjà à plus de 120 % du PIB, risque de conduire à une impasse avec la Réserve fédérale américaine et le Congrès sur le relèvement du plafond de la dette.

L’impact mondial de la politique économique américaine

Au-delà des frontières américaines, les défis de Trumponomie prendre une dimension plus inquiétante. En imposant des droits de douane massifs sur les exportations chinoises, Trump prend le risque de relancer une guerre commerciale avec la deuxième puissance mondiale. La Chine a cependant retenu les leçons de 2017. Avec une croissance attendue de 5%, soutenue par des mesures de relance et une réforme de son marché immobilier, elle a les atouts pour résister. Le gouvernement de Xi Jinping entend exercer des pressions de diverses manières, notamment par une dévaluation du yuan pour affaiblir l’industrie américaine.

Cette guerre commerciale pourrait également intensifier la fragmentation des chaînes d’approvisionnement mondiales. Les impacts seront probablement graves pour les économies en développement, qui sont fortement intégrées à ces réseaux. De nombreux pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique, qui dépendent de leurs exportations vers les États-Unis ou la Chine, voient leur croissance menacée. Les droits de douane élevés sur les produits chinois affectent par exemple indirectement des économies comme le Vietnam, le Cambodge ou le Bangladesh, qui fournissent des matières premières ou des pièces détachées. Selon plusieurs analyses, ces politiques pourraient ralentir considérablement la croissance mondiale, réduisant le PIB mondial d’environ un point d’ici 2026.

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De plus, cette nouvelle realpolitik risque de renforcer le dollar américain à court terme. Alimenté par la politique monétaire restrictive de la Réserve fédérale américaine et par les attentes des marchés face au protectionnisme de Trump, le dollar est déjà en hausse depuis l’élection du nouveau président. Cette poussée risque d’exercer une forte pression sur les marchés émergents. Le renforcement du dollar royal affaiblit les monnaies locales, notamment dans la région ASEAN et en Afrique dont de nombreux pays sont dépendants. En conséquence, les importations deviennent plus chères et la dette extérieure, souvent libellée en dollars (plus de 60 % de la dette mondiale est libellée en monnaie américaine), augmente.

Cette situation encouragera davantage de pays émergents à rechercher des alternatives pour réduire leur dépendance au dollar. On observe déjà un intérêt croissant pour les mécanismes d’échange en monnaies locales, alors que la Nouvelle Banque de Développement prévoit d’atteindre 30 % de ses projets en monnaies locales d’ici 2026. Par ailleurs, les politiques pro-américaines vont renforcer la fragmentation des relations économiques mondiales. L’élargissement des BRICS et le développement des institutions financières non occidentales témoignent de cette dynamique.

Vers une Europe plus fragile ?

L’Union européenne, de son côté, risque de se retrouver dans une position délicate. Les politiques tarifaires américaines pourraient alimenter l’inflation sur le continent, tout en obligeant la Banque centrale européenne (BCE) à réduire les taux d’intérêt pour en atténuer les impacts. Cette stratégie pourrait creuser l’écart de compétitivité entre les États-Unis et l’Europe, tout autant que leurs divisions. En déclarant que l’Union européenne devra « payer un prix élevé » pour son déséquilibre commercial avec les États-Unis, Trump cherche à affirmer une suprématie économique qui ne peut s’exercer qu’aux dépens des autres. Cependant, l’Union européenne, bien qu’historiquement résiliente face aux crises, se trouve dans une position vulnérable. Les États-Unis représentent 20 % des exportations totales de l’UE, soit 502 milliards d’euros en 2023. Cet excédent commercial, reflet d’une dépendance asymétrique, expose fortement les pays européens et notamment son moteur historique, l’Allemagne. L’industrie automobile notamment, pilier de son économie et en grande difficulté, sera soumise à de fortes pressions.

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Mais au-delà des impacts sectoriels, cette élection révèle les limites de la gouvernance européenne. L’absence d’une structure politique suffisamment solide, capable de rivaliser avec les grandes puissances, handicape l’Union face aux règles commerciales mondiales actuelles. Plus largement, toutes les failles du projet européen vont devenir plus apparentes. L’Union européenne, en tant que projet emblématique de la mondialisation, subit de plein fouet les conséquences de ce monde en mutation. Le manque d’harmonisation fiscale et budgétaire au sein des États membres limite la capacité de l’UE à réagir de manière coordonnée, et cette fragmentation rendra le Vieux Continent moins agile face aux politiques protectionnistes américaines. Cela risque également d’accroître les divisions internes, notamment entre les pays du Nord et du Sud, et d’accentuer les forces populistes.

Cette dynamique met donc en lumière un paradoxe plus profond. La quête actuelle de souveraineté, également synonyme de repli, intervient à l’heure où les défis sont globaux – changement climatique, pandémies, régulation des nouvelles technologies. Cependant, dans ce nouveau paysage, l’Europe, comme le reste du monde, ne doit pas choisir entre souveraineté et mondialisation, mais réinventer un modèle capable de concilier ces deux aspirations. Ce n’est qu’à cette condition que les tensions actuelles pourront laisser place à un nouvel équilibre mondial, à la fois plus juste et plus durable.

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