Le ministre de la Mobilité, Georges Gilkinet (Ecolo), a mis à jour plusieurs dispositions du Code de la route, notamment celles concernant les véhicules prioritaires. À partir du 1er février, les camionnettes de police, les ambulances, les camions de pompiers et les autres véhicules prioritaires devront toujours activer leurs gyrophares et leur sirène en cas d’urgence. Actuellement, ils ne doivent enclencher leur sirène que lorsqu’ils franchissent un feu rouge ou pour garantir que les autres usagers de la route leur cèdent le passage. Dans d’autres situations, telles que le dépassement de la vitesse autorisée ou le franchissement de la ligne blanche, seuls les gyrophares bleus sont obligatoires.
Cette mesure a suscité la polémique. L’obligation de faire retentir les sirènes continuellement la nuit inquiète la population. Sur le plan de la faisabilité, la mise en œuvre de cette mesure soulève de nombreux doutes. Elle a suscité un certain mécontentement parmi les services concernés et dans les communes. Certains soulignent le cas d’une ambulance devant pénétrer dans un quartier résidentiel à trois heures du matin avec la sirène hurlante en cas d’urgence, ou encore le risque que des délinquants prennent la fuite en entendant l’approche de la sirène.
Cette modification du Code de la route ne fait pas l’unanimité. Bart De Wever a déclaré : “Révoquez cette folie avant le 1er février”. Le bourgmestre de Namur, Maxime Prévot, président de “Les Engagés”, a été très critique : “Il semble que l’on consacre du temps à résoudre des problèmes qui n’en sont pas réellement ! Imaginez l’horreur que vivraient les habitants d’un hôpital, d’un commissariat ou d’une caserne de pompiers s’ils étaient contraints d’activer leurs sirènes à tout moment de la nuit lorsqu’ils interviennent ! Au-delà des riverains, tous les habitants auraient des nuits perturbées chaque fois qu’un véhicule de secours passerait dans leur rue au milieu de la nuit. Ce serait un cauchemar. Cela n’est pas non plus nécessaire. Laissons les professionnels des secours activer la sirène lorsqu’ils jugent cela nécessaire, comme c’est le cas actuellement, mais ne créons pas d’obligation potentiellement absurde et dommageable”.
Les zones de police interrogées partagent un avis similaire. Le chef de corps de la police de Liège, Jean-Marc Demelenne, a déclaré : “Le code actuel est suffisant. Il ne pose pas de problème. Il n’est pas nécessaire de perturber davantage la population la nuit. Nous recevons déjà énormément de plaintes à ce sujet. Utiliser une bande d’arrêt d’urgence la nuit ? Les bus ne circulent pas à ce moment-là. La sirène n’est pas indispensable. Les accidents en intervention sont très rares. Imaginons qu’un agent doive intervenir lors d’un braquage en cours, il ne mettra pas la sirène. Il y a de nombreux scénarios où cela serait inapplicable. Cette modification est ingérable”.
La police de Charleroi exprime également sa préoccupation : “Nous effectuons en moyenne deux cents interventions par nuit. Imaginez la pollution sonore que cela entraînerait en ville ?”, explique le porte-parole David Queneau. “Les policiers en intervention sont presque toujours en excès de vitesse. Devraient-ils donc activer la sirène à chaque fois ? En centre-ville, la limite de vitesse est de 30 km/h”.
Du côté des pompiers, le colonel Marc Gilbert, de la zone de secours Val de Sambre, adopte une position plus nuancée. Il déclare : “J’ai été confronté à une situation où, la nuit, nos hommes se rendaient sur les lieux d’un accident de camion. Un motard est arrivé sur notre droite et a percuté l’un de nos véhicules. Le motard est décédé. La sirène n’était pas utilisée. Le pompier conducteur a été condamné. On sent que le ministre Gilkinet cherche à consolider ce qui existait déjà dans le code. En réalité, comme la notion d’urgence n’est pas clairement établie actuellement, elle est laissée à l’appréciation d’un juge si nécessaire. Si le ministre Gilkinet souhaite, par ailleurs, avec sa nouvelle disposition, protéger les intervenants en matière de responsabilité, c’est une bonne intention”.
Il ajoute : “De mon côté, je demande à mes hommes, par principe, d’utiliser les feux et la sirène, même la nuit. Si les deux ne sont pas utilisés, je considère que tout n’est pas mis en place pour que nos véhicules soient perçus comme prioritaires par les autres usagers de la route. Cela dit, oui, ils éteignent les feux et la sirène à proximité d’un hôpital ou dans un quartier résidentiel à condition que le risque évalué par le conducteur soit nul, par exemple s’il n’y a aucun autre véhicule sur la voie. Nous laissons une marge d’appréciation. J’ai déjà vécu une situation où, en cours de route vers un incendie, la sirène s’est arrêtée en raison d’un problème technique. Théoriquement, nous avons ainsi perdu notre statut de véhicule prioritaire. Désolés, mais nous avons continué ainsi. Notre mission est de sauver des vies”.
Le cabinet de la ministre Verlinden a transmis les plaintes de la police et des services d’urgence au cabinet Gilkinet. Il a été convenu de suspendre ces dispositions le temps qu’elles soient réexaminées.
Mis à jour: 15.02.2022