Créatrice de mode afghane à Kaboul : rencontre avec Katayon Husseini

Au marché Kampani, une enclave conservatrice à l’ouest de Kaboul, l’échoppe dans laquelle se fournit régulièrement Katayon Husseini paraît similaire à toutes les autres. Les murs sont encombrés de lourds tissus aux couleurs si vives qu’elles font presque mal aux yeux, de robes traditionnelles en velours aux broderies dorées, d’imposants sacs multicolores qui renferment encore d’autres trésors. Sur le sol, de nombreux tapis, desquels se détachent les silhouettes sombres et graciles de la jeune femme et du vendeur. «C’est l’endroit le plus cool de Kaboul», souffle Katayon, les yeux émerveillés, à la recherche d’une étoffe violette. Pendant une heure, elle observe avec la plus grande attention différents morceaux tous identiques pour un œil non avisé. Son choix fait, elle se dirige, guillerette, vers une autre boutique. Entre-temps, le sac contenant la précieuse pièce a disparu. Impossible de mettre la main dessus, quand tous les vendeurs tentent de le retrouver. Avec flegme, la jeune femme recommence ses achats de zéro. Elle doit confectionner un manteau pour une cliente, et n’a que deux jours pour coudre et l’envoyer.

Katayon Husseini est née en 1996, l’année où les talibans se sont emparés du pouvoir pour la première fois en Afghanistan. De cette période, elle n’a évidemment aucun souvenir. Lorsqu’ils ont pris Kaboul une seconde fois, le 15 août 2021, «un jour de grande souffrance collective», elle devenait créatrice de mode et lançait sa marque, Zewar Design. Des vêtements largement inspirés du vestiaire traditionnel afghan, avec de multiples références à ces riches matériaux, brodés, ornés de bijoux massifs. La plupart de ses modèles sont adaptés à des standards occidentaux, même si certaines coupes demeurent plus longues qu’en Europe. Pas question, toutefois, de se plier aux règles de pudeur imposées par le nouveau gouvernement. Katayon ne propose ni abaya ni hijab.