Crise humanitaire à Montréal : les loyers exorbitants et la consommation de drogue en plein essor chez les sans-abri

Crise humanitaire à Montréal : les loyers exorbitants et la consommation de drogue en plein essor chez les sans-abri

Cette femme, qui a trouvé refuge près de l’église de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, exprime sa frustration face aux loyers exorbitants dans le quartier, qui varient entre 1000 et 2000 $ par mois. De plus, elle souligne que plusieurs personnes hébergées consomment de la drogue, ce qui peut entraîner des crises. Elle affirme que ces personnes ne reçoivent pas l’aide nécessaire et sont laissées à la rue faute de ressources. Cette femme, enceinte et désespérée de retrouver un toit, illustre la crise humanitaire qui sévit dans la métropole. Les organismes communautaires luttent pour faire face à cette situation catastrophique.

Selon Annie Aubertin, directrice générale de Spectre de rue, un organisme de Ville-Marie qui propose un site d’injection supervisé, un des facteurs qui aggrave cette crise est la baisse de qualité des drogues vendues dans la rue. En raison de la coupure de la drogue avec d’autres substances, y compris du Fentanyl, le nombre de surdoses a considérablement augmenté. On est passé d’une surdose toutes les semaines, voire deux semaines, à une par jour en moyenne cet été, parfois même deux. Mme Aubertin précise toutefois que grâce à la disponibilité de la naloxone, aucun décès n’a été enregistré dans les locaux de son organisation. Leur objectif est de rétablir les personnes dans leur vie et de les aider à se rétablir, souligne-t-elle dans une entrevue pour Radio-Canada.

Alicia Morales, collègue de Mme Aubertin, affirme qu’il y a cinq fois plus de surdoses qu’en 2019. Elle explique que de plus en plus de personnes se rendent dans les locaux de Spectre de rue parce qu’elles ont pris conscience des dangers de l’injection de drogue et qu’il est donc préférable de le faire dans un endroit supervisé. Cependant, malgré tous les efforts de l’organisation, des tensions peuvent exister avec le voisinage. Il y a cinq ans, lorsque le site a ouvert ses portes, les choses étaient difficiles, mais depuis, ça s’est amélioré, même si nous restons vigilants, confie Mme Aubertin.

La hausse de l’achalandage pose un problème financier, car le poste de travailleur de rue, chargé notamment de rencontrer les commerçants du quartier, a été supprimé faute d’argent. Selon Mme Aubertin, les organismes communautaires ont besoin d’un financement plus stable pour pouvoir offrir leurs services de manière continue. Elle souligne que sur un budget de 2,3 millions de dollars, seul un financement de base de 193 000$ est garanti, tandis que le reste est renouvelable sur une période d’un à trois ans. Alicia Morales critique les institutions et affirme que les organismes communautaires ne peuvent pas se débrouiller seuls.

Cette cohabitation difficile entre les personnes sans-abri, les toxicomanes et les résidents du centre-ville et des quartiers avoisinants est symptomatique d’une transformation selon Annie Aubertin. Elle estime que les plaintes témoignent d’un manque de connaissance de la part des résidents et reflètent le phénomène de gentrification du quartier. Les gens s’installent après l’arrivée des organisations comme Spectre de rue et s’attendraient à ce qu’elles disparaissent, souligne-t-elle.

Michelle Patenaude, directrice générale du CAP St-Barnabé, un organisme de lutte contre la pauvreté dans Hochelaga-Maisonneuve, partage cette perception d’une crise catastrophique. Son organisation offre un hébergement temporaire à 350 personnes itinérantes, mais des frictions avec les habitants de quartier ont émergé et la recherche d’un nouveau bâtiment pour loger ces personnes sans-abri se poursuit. Le problème du logement alimente également la crise de l’itinérance, explique-t-elle. Pour Mme Patenaude, ce n’est pas seulement aux organisations communautaires de trouver des solutions, mais à tous les niveaux de gouvernement. Elle insiste sur la nécessité de se concentrer sur des programmes de prévention, même si les résultats peuvent prendre du temps à se manifester. Selon elle, un gouvernement qui se lancerait immédiatement dans un tel plan après son élection n’aurait probablement pas d’impact concret avant la fin de son mandat.

Jean-Sébastien Fallu, professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal, affirme que la crise des surdoses, qui est selon lui la plus importante crise de santé publique depuis des décennies, est en partie due à l’aspect illégal des substances. Il estime que si ce n’était pas un problème de drogues illicites, des ressources seraient mobilisées et la science et les politiques de santé publique seraient mises à contribution, comme cela a été le cas pour la COVID-19. Toutefois, ces mesures ne sont pas prises en raison de la stigmatisation entourant les drogues et d’autres raisons. Selon lui, cela conduit à des décès évitables. Il blâme la prohibition pour la mauvaise qualité des drogues sur le marché montréalais, affirmant que plus on interdit des substances, plus de substances inconnues et toxiques apparaissent.

La situation décrite par ces professionnels reflète une crise humanitaire dans la métropole, où les organismes communautaires luttent pour répondre aux besoins croissants de la population sans-abri et toxicomane. Il est urgent de trouver des solutions durables et de garantir un financement adéquat pour ces organismes afin de faire face à cette crise qui affecte de manière alarmante la santé et le bien-être de nombreuses personnes.

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