Critique cinématographique : “La zone d’intérêt” de Jonathan Glazer – Un regard troublant sur la vie quotidienne d’un commandant d’Auschwitz

Critique cinématographique : “La zone d’intérêt” de Jonathan Glazer – Un regard troublant sur la vie quotidienne d’un commandant d’Auschwitz

Il y a des films qui marquent longtemps. C’est le cas de La zone d’intérêtremarquable film de Jonathan Glazer, soumis par la Grande-Bretagne aux Oscars et qui montre la vie quotidienne de Rudolf Höss (Christian Friedel), le commandant du camp d’extermination d’Auschwitz, de sa femme Hedwig (Sandra Hüller) et de leurs enfants.

Il n’y a pas d’image d’ouverture, l’écran est noir. La musique composée par Mica Levi évoque la présence d’âmes torturées, hantées, de fantômes voulant raconter leur histoire. Puis, les couleurs éclairent la salle de cinéma. Un pique-nique au bord d’une rivière, des enfants, les parents. Des rires et des chansons, puis le retour à la maison. La maison est entourée d’un mur qui cache l’autre côté.

Car l’autre côté, c’est le camp d’extermination d’Auschwitz, où pas moins de 1,1 million de personnes ont été tuées par les nazis, en majorité des Juifs d’Europe de l’Est. De l’autre côté, on ne voit que les toits des baraquements, les cheminées des fours crématoires et leur lumière menaçante la nuit. On n’entend que leur bruit, ce grondement d’un monstre jamais rassasié. Les détonations des armes à feu claquent régulièrement au milieu de l’arrivée des trains, des aboiements et des cris. Les cris étouffés que n’entendent ni Rudolf Höss (Christian Friedel), ni son épouse Hedwig (Sandra Hüller), ni leurs quatre enfants, l’aîné étant occupé à examiner des dentiers et des dents à la loupe, avant de s’endormir.

La vie suit son cours quotidien. Hedwig reçoit des amies, essaye un somptueux manteau de fourrure, y trouve un bâton de rouge à lèvres oublié dans une poche par l’ancienne propriétaire dont on imagine le sort, sans voir les détenus qui viennent cirer les bottes du commandant ou livrer à la maisonnée les fruits de la spoliation de millions de Juifs. Elle plante des fleurs et des légumes, tandis que Rudolf admire la piscine dans laquelle les enfants s’ébattent l’été. Car il fait beau à Auschwitz, même si les hivers sont rudes, comme le souligne Hedwig. Le jardin est sa passion, et cette maison est un royaume qu’elle a construit et dont elle est l’unique maîtresse.

Mais Rudolf reçoit un ordre de Berlin, il va être muté. Promu. Et Hedwig se met en colère, exige que son mari obtienne qu’elle demeure chez elle avec les enfants. À Auschwitz. Dans cette vie qu’elle qualifie de parfaite. Dans l’ombre du camp.

Jonathan Glazer, qui nous avait livré, il y a 10 ans, le troublant Sous la peau avec Scarlett Johansson, a choisi de ne rien montrer des atrocités qui se déroulent de l’autre côté du mur, dans le camp devenu musée et mémorial et dont on verra quelques images à la fin de La zone d’intérêt. On ne peut que deviner, trembler en entendant les claquements des pistolets et les aboiements des gardes et de leurs chiens. En écho aux images percutantes du long métrage – que le cinéaste coupe d’un écran rouge et d’une scène en négatif –, on pense à la formule d’Hannah Arendt sur «la banalité du mal». On se remémore les détails de L’album d’Auschwitz sur l’efficacité de Rudolf Höss, sur l’organisation industrielle du camp de la mort.

On perd tout repère, toute notion d’humanité. On ne sait plus si la notion de «crime contre l’humanité» créée en 1945 par le tribunal de Nuremberg est suffisante, si elle parvient à décrire l’horreur. Et on se demande s’il est possible d’expier ou de réparer un tel crime. Pour ne plus jamais le reproduire.

Note: 4,5 sur 5

La zone d’intérêtGrand Prix au Festival de Cannes, prend l’affiche dès le 19 janvier.

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