«Dans mon film la dure vie d’un cavalier africain à Paris»

L’acteur débutant Abou Sangaré dans une scène du film “L’Histoire de Souleymane” de Boris Lojkine – –

Parcourez les rues de Paris à vélo pour découvrir un monde invisible, fait de luttes quotidiennes pour la survie. Le nouveau film du réalisateur français Boris Lojkine arrive en salles jeudi prochain avec Academy Two. L’histoire de Souleymaneprésenté dans la section « Un certain regard » du dernier Festival de Cannes, où il a remporté le Prix du Jury et celui de l’interprétation du débutant non professionnel Abou Sangaré. Dans le film, le jeune acteur guinéen est un livreur qui livre de la nourriture à domicile avec son vélo. Demandeur d’asile en France, Souleymane n’a que deux jours pour préparer l’entretien et raconter une histoire qui lui permettra de rester à Paris en tant que réfugié. Une histoire de persécution politique et religieuse qu’il a soigneusement conçue pour être convaincante. Mais le jour de l’entretien, quelque chose d’inattendu se produit.

Le projet de film est né il y a quelques années et Lojkine rappelle que son premier film, Espoir, c’était déjà une histoire de migrants africains qui se rencontraient sur le chemin de l’Europe. «Je m’intéresse à ce thème depuis longtemps – dit-il – et mes œuvres précédentes ont toutes été tournées dans des lieux lointains, afin de comprendre d’autres vies, pays, cultures. Paris nous fait penser à des gens riches assis dans un café et discutant de problèmes amoureux, mais ce n’est pas le genre de film que j’ai envie de faire. Il m’a fallu du temps pour réaliser que je pouvais plutôt observer Paris d’un point de vue différent, encadrant non pas ma ville, mais celle de Souleymane. Pendant le confinement dans les rues vides, on ne voyait que des livreurs et il était tout de suite clair que ce serait le sujet de mon film. C’est ainsi qu’en juin 2020 les premières recherches ont commencé. J’ai fait de longs entretiens avec une quinzaine d’entre eux, qui m’ont raconté de nombreuses anecdotes sur le métier de livraison à domicile, sur la possibilité de louer le compte d’autrui, sur leur quotidien.”

Le film se déroule dans les 48 heures précédant la conversation cruciale du protagoniste, un choix narratif qui donne à l’histoire un rythme rapide, plein de suspense et de tension. «Il fallait que le film aille aussi vite que Souleymane sur son vélo».

Plonger dans les replis du quotidien du jeune Guinéen, c’est nécessairement s’interroger sur le parcours bureaucratique auquel sont contraints d’affronter les demandeurs d’asile. Un chemin qui force souvent au mensonge. Souleymane a mémorisé une histoire, mais quelque chose d’encore plus horrible s’est produit dans sa vie. «Les histoires de vie émouvantes inspirent de bons films, mais elles ne sont pas utiles pour obtenir le statut de réfugié. L’histoire vraie de Souleymane est très touchante, personne ne vient en Europe sans une bonne raison, mais l’autorisation de séjourner dans un pays ne se fonde pas sur l’émotion. En fait, la question est la suivante : que faire de ceux qui n’obtiennent pas l’asile, mais qui, par désespoir, ont quitté leur pays ?”

La très longue séquence d’interview est le véritable cœur du film, capable de laisser longtemps le spectateur en haleine. « Une séquence divisée en deux parties qui a nécessité un type de travail différent. J’ai écouté les témoignages de nombreux Guinéens et j’ai obtenu l’autorisation d’assister aux véritables entretiens avec l’actrice qui incarnerait l’officiel. Il a ensuite fallu trois jours pour créer la séquence : le premier pour ce qui se passe à l’extérieur de la pièce ; la seconde pour la partie concernant l’histoire minutieusement préparée par Souleymane, longuement écrite et répétée par l’acteur, qui a relevé le défi de réciter au moins vingt pages de dialogues ; le troisième pour la partie où émerge une autre histoire. Cette fois, je ne voulais pas qu’Abou Sangaré récite les phrases que j’avais écrites par cœur, je voulais seulement qu’une véritable émotion émerge. Et c’est ce qui s’est passé. Lorsque Souleymane commence à parler de sa mère, l’histoire du personnage et celle de l’acteur se mélangent et les traumatismes passés refont surface de manière encore très douloureuse. » Trouver le bon interprète n’a pas été simple : « Je cherchais un jeune homme de La Guinée, une des deux communautés les plus importantes et récentes dans ce métier avec la Côte d’Ivoire, grâce à certaines associations j’en ai rencontré plusieurs dans le nord de la France et Abou Sangaré en faisait partie.”

La pensée du spectateur se tournera facilement vers les deux protagonistes sénégalais de je suis capitaineSeudou Sarr et Mustapha Fall, mais ça ne s’est pas très bien passé pour Sangare. «Abou attend toujours ses papiers. Il est arrivé en France en 2017, n’a jamais demandé l’asile, mais seulement la reconnaissance de son appartenance à une minorité. Il a étudié un peu, a obtenu un diplôme de mécanicien, mais pour travailler dans un garage, il a besoin de papiers. Quand je l’ai rencontré, il essayait de les obtenir pour la première fois, mais pendant la phase de montage du film, la réponse a été négative. A Cannes, Abou a remporté un prix, mais à cause des élections locales, tout a été bloqué. Il y a trois semaines, l’administration a pris en charge son dossier et lui a proposé de déposer une nouvelle demande. Ce sera peut-être le bon moment, mais avec ce gouvernement de droite, je ne le jurerais pas. Je sens que ses documents relèvent désormais de ma responsabilité personnelle, il a beaucoup donné au film et nous lui sommes redevables.”

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