De parti marginal à force première en France

2024-07-07 11:41:41

ParisLe Regroupement national (RN) pourrait remporter ce dimanche les élections législatives pour la première fois de l’histoire et devenir la force dirigeante de l’Assemblée nationale française. Jamais un parti d’extrême droite n’avait eu un pouvoir aussi proche sous la Ve République. Un parti qui, il y a quelques décennies, était un parti marginal, composé de différents courants fascistes, antisémites et nostalgiques du régime de Vichy, est devenu une formation capable de gouverner la France et qui attire le vote de millions de Français.

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La transformation qui a fait du RN, héritier du Front national fondé par Jean-Marie Le Pen, un parti candidat au gouvernement est l’œuvre de Marine Le Pen, fille de son fondateur.

Après la révolution de mai 1968, les mouvements d’extrême droite se sont répandus en France. Le Front national (FN) est né en 1972 comme parti néofasciste qui veut rassembler tous les partis d’extrême droite du pays. Le parti est né à l’image du parti néo-fasciste Mouvement Social Italien (MSI), qui était à l’époque le plus important d’Europe, et a adopté comme logo une flamme tricolore copiée du MSI.

Aux côtés de Jean-Marie Le Pen, qui avait déjà été député, le parti compte des personnalités comme Pierre Bousquet, un Français qui avait rejoint les troupes nazies pendant la Seconde Guerre mondiale, ou encore François Brigneau, un collaborateur nazi de la milice française. “Malgré les efforts pour rassembler les fragments épars de l’extrême droite, le FN sombre dans la marginalité”, écrit l’historien Michel Winock dans son ouvrage. Histoire de l’extrême droite en France [Història de l’extrema dreta a França]. Aux élections législatives de 1978, le FN n’obtient que 0,29 % des suffrages.

Mais malgré le manque de succès et les luttes intestines qui ont divisé le parti, Le Pen ne démissionnera pas. En 1984, le parti obtient 2,2 millions de voix (près de 11% du total) aux élections européennes avec des slogans qui rappellent inévitablement ceux du parti actuel : « La France, pour les Français », « Un million de chômeurs, c’est un million ». trop d’immigrés » ou « Le Pen, le peuple ».

Durant les années 1990, le numéro deux de la formation d’extrême droite, Bruno Mégret, tente d’imposer une stratégie d’élargissement de la base électorale qui consiste à assouplir le discours, à le professionnaliser, à favoriser son implantation sur le territoire, à le sortir de la marginalité et à le transformer en en une formation gouvernementale. Mégret a défendu que c’était la seule formule pour rapprocher le Front national de l’Élysée ou de Matignon, siège du Premier ministre. Jean-Marie Le Pen rejette totalement cette stratégie et dénonce le coup d’État de Mégret pour prendre les rênes du parti. La crise a pris fin avec l’expulsion du numéro deux et d’autres postes de la formation.

Evolution du vote absolu au Front National et au Regroupement National aux élections législatives françaises

En millions de voix (le parti change de nom en 2018)

Evolution du vote obtenu par les partis d’extrême droite aux élections françaises depuis 2002

En pourcentage des voix obtenues au premier tour. Les partis d’extrême droite comprennent l’ancien Front national, le Reagrupament Nacional et une douzaine de formations plus petites.

Confrontation et xénophobie

Le père de l’actuel leader a maintenu la stratégie de confrontation et d’exposition de l’idéologie xénophobe et antisémite du parti, et a conservé le titre de « diable de la République ». Le Pen a clairement exprimé sa position : “Un Front National amical n’intéresse personne”. Marine Le Pen, déjà engagée dans le parti à l’époque, s’est rangée aux côtés de son père. En fait, il fut l’un des personnages qui rejetèrent le plus avec véhémence la proposition de Mégret.

Des années plus tard, ce serait Marine Le Pen elle-même qui reprendrait exactement la même stratégie proposée par Mégret et qui aurait placé le parti aux portes du pouvoir en 2024. La fille de Le Pen a assumé la présidence du parti en 2011 et, en ce faisant, il prend ses distances avec son père, qu’il finira par exclure du parti en 2015 après ses propos antisémites sur les chambres à gaz.

Jean-Marie Le Pen i Marine Le Pen en un acte electoral l’any 2017.

Marine Le Pen a clairement indiqué qu’elle devait effacer l’étiquette antisémite et nazie que portait le parti. Mais pas seulement. Le nouveau leader a lancé une opération de maquillage pour diaboliser le parti, modérer le discours – sans renoncer à son idéologie -, mettre les scandales de côté et s’implanter sur le territoire. Bref, il mettait en œuvre le plan de Bruno Mégret.

L’idée défendue par la fille de Le Pen est “non pas de se débarrasser de l’essentiel, notamment la préférence nationale et le discours anti-immigration, mais de transmettre ce message de manière polie et sereine. C’est un changement de forme, pas de fond”. », explique le journaliste Abel Mestre dans un article sur le RN paru dans Le Monde. Marine Le Pen elle-même, lorsqu’elle est devenue présidente du parti, a précisé que les formes changeaient mais pas l’idéologie : “J’assume toute l’histoire de mon parti. J’assume tout.”

Changement de nom

Dans cette diabolisation et blanchiment de l’extrême droite, Le Pen a changé le nom du parti en Réunification nationale. “Cette stratégie consistant à dire que c’est un parti comme les autres, sérieux et qui peut gouverner, lui donne des résultats. Le brouillage fonctionne à merveille, notamment pour attirer le vote de la population qui ne comprend pas très bien les différences entre droite et extrême droite. , et qui ne connaît pas l’histoire du parti”, souligne le politologue et chercheur à l’Université de Newcastle Víctor Hugo Ramírez.

Après la victoire aux élections européennes du 9 juin, avec 33 % des voix, le leader du RN a également exigé l’arrêt de la formation d’extrême droite. “L’équivalent du RN aux Etats-Unis, c’est le centre-droit voire le centre-gauche”, s’est-il défendu. Les experts contestent cette affirmation : “Le programme du parti reste un projet discriminatoire, hostile aux étrangers, aux musulmans et potentiellement aussi aux juifs. Et il défend toujours la préférence nationale”, estime Victor Delage, politologue à l’Institut Terram.

Les moments clés du match

1972 : Naissance du Front National

Le Front national est créé, présidé par Jean-Marie Le Pen. A ses débuts c’est un parti néofasciste qui tente de rassembler tous les mouvements d’extrême droite en France.

2002 : Le Pen se faufile au second tour

Le leader du Front national, parti marginal pendant de nombreuses années, accède pour la première fois au second tour de l’élection présidentielle. Il affronte Jacques Chirac et perd avec 17% des voix

2011 : Changement de présidence

La fille du fondateur, Marine Le Pen, assume la présidence du parti. Le nouveau leader favorisera un processus de diabolisation, adoucissant le discours et masquant l’extrémisme.

2015 : Jean-Marie Le Pen expulsé

Marine Le Pen prend ses distances avec son père, qui torpille sa stratégie pour afficher un parti plus modéré. Cela l’expulse de la formation.

2017 : Le Pen accède au second tour

Le leader de la Réunification nationale accède pour la première fois au second tour de l’élection présidentielle aux côtés d’Emmanuel Macron, qui remporte Le Pen avec 66% des voix.

2018 : Le parti change de nom

Dans sa stratégie visant à laisser derrière elle l’image plus extrémiste de la formation, Le Pen change le nom du parti en Réunification Nationale. Le FN, c’est de l’histoire ancienne.

Le Pen n’a pas accédé au pouvoir uniquement grâce à ses stratégies. Le RN a profité de la crise des partis traditionnels, de l’érosion du président Macron à l’Élysée et a su capitaliser mieux que tout autre parti de tout le mécontentement généré par les crises qu’a connu le pays ces dernières années, de la mobilisation de gilets jaunes au plus récent des agriculteurs. “Macron a commis de nombreuses erreurs qui ont favorisé Le Pen. L’extrême droite en a profité à 100%”, affirme Víctor Hugo Ramírez. Un autre élément clé est qu’il a pu élargir le profil de l’électeur. “Il a gagné des voix dans des groupes historiquement peu habitués à voter pour le RN : les retraités, les professionnels diplômés et les femmes”, précise Delage.

Matches de soutien par niveau de revenu

En pourcentage

Soutien aux partis par profession

En pourcentage

Prise en charge des matchs par tranche d’âge

En pourcentage

En début d’année, le leader du RN affirmait que 2024 serait l’année de “la confirmation de l’importance de nos idées”. Les Français votent ce dimanche au second tour des élections législatives pour décider s’ils veulent ou non que l’extrême droite gouverne. Si Le Pen gagne, ce serait l’aboutissement de la stratégie qu’elle tente de mettre en œuvre depuis des années.

Bardella, candidat de Le Pen au poste de Premier ministre

Si l’extrême droite de Marine Le Pen obtient ce dimanche une solide majorité à l’Assemblée nationale, le futur Premier ministre sera son numéro deux, Jordan Bardella. Si le président Macron le nomme, Bardella sera le plus jeune Premier ministre français de la Ve République. Il n’a que 28 ans, n’a pas terminé ses études universitaires et sa seule expérience professionnelle a été dans les rangs du Regroupement National. Le bras droit de Le Pen a gagné en popularité ces derniers mois, notamment auprès de l’électorat plus jeune, qu’il a courtisé grâce aux réseaux sociaux. Bien qu’il télécharge des vidéos avec peu de grâce, il compte 1,4 million de followers sur Tiktok. Selon des spécialistes cités par la presse française, certains de ces followers seraient des robots. Bardella est issu d’une famille d’origine italienne, mais il est né en France, à Darcy, une des communes de la banlieue de Paris.



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