« Nous sommes plus préoccupés par nos difficultés budgétaires que par le vote sur le soutien à l’Ukraine. » Tel était, en cette fin de semaine, l’état d’esprit de ce cadre de la majorité présidentielle. Pourtant, le débat programmé, mardi, à l’Assemblée sur l’accord de sécurité bilatéral signé, le 26 février, entre Paris et Kiev promet d’être animé. En particulier, parce que les oppositions, qu’Emmanuel Macron a reçues à ce sujet jeudi, ne vont pas manquer de dénoncer, une nouvelle fois, ses propos sur la possibilité d’engager des troupes au sol en Ukraine. Un sujet que le chef de l’État ne veut pas « exclure ». Or, même dans son camp, cette petite phrase a été mal vécue : « L’ambiguïté stratégique, c’est de parler peu, pas de dévoiler ses intentions », regrette ce député Renaissance.
Il n’empêche. Si cet accord de sécurité, qui prévoit de fournir, en 2024, « jusqu’à 3 milliards d’euros » d’aide militaire supplémentaire à l’Ukraine, devrait voir la température monter dans l’hémicycle, avec à la clé un vote incertain – un de plus… – , un autre nuage s’est invité dans le ciel des macronistes. En l’occurrence, la dégradation des finances publiques liée au ralentissement de la croissance.
« C’est une option »
Alors que le budget 2024 – voté en 2023 – a déjà acté 16 milliards d’euros d’économies, mi-février, le gouvernement a acté un coup de rabot supplémentaire de 10 milliards. Mais il ne s’agirait que d’une étape. « En réunion de groupe la semaine dernière, Bruno Le Maire nous a annoncé qu’il prévoyait un projet de loi de finances rectificatif dans quelques mois », raconte un participant à cet échange. Depuis, le locataire de Bercy a quelque peu modéré son annonce, la doublant d’un grand « si ». « Il n’y a rien de décidé, tempère-t-on au sein du gouvernement. C’est une option. Tout dépendra de l’évolution de la situation. » À commencer par celle de la croissance. Mais qu’elle reste autour de 1 % et les rentrées fiscales continueront d’être moins porteuses.
« La mascarade budgétaire de M. Le Maire a assez duré »
Une certitude, jeudi, à l’Assemblée nationale, Thomas Cazenave, le ministre du Budget, a indiqué qu’en 2025, il faudra continuer dans cette trajectoire et réaliser au moins 20 milliards d’euros d’économies. Preuve que l’heure n’est guère à l’optimisme. Mais, à ce stade, c’est surtout la perspective de ce projet de loi de finances rectificatif qui donne des sueurs froides aux députés macronistes. « Si on s’engage dans cette voie, on prend un grand risque », observe ce parlementaire Renaissance. « D’abord, poursuit-il, parce que le 49.3 sera obligatoire ; ensuite, parce que rien ne dit que LR ne déposera pas une motion de censure qui pourrait passer. »
Sincérité ?
Alors que la maîtrise des finances publiques est l’un des mantras de la droite, elle attaquerait sur l’insincérité du budget. Ce que Max Brisson, le sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques, confirme : « Ce budget a été voté en décembre et déjà, on renonce à 10 milliards d’euros de crédit puis, on nous annonce un projet de loi de finances rectificatif, ça veut dire que ce budget a été construit sur des bases qui n’étaient pas sincères. Or, nous avons alerté le gouvernement, nous lui avons dit que ses prévisions de croissance n’étaient pas bonnes, nous avons fait des propositions d’économies. Mais nous n’avons eu, comme réponse, que son mépris. » Dès lors, la droite peut-elle s’engouffrer dans une motion de censure ? « Ce sera à nos collègues députés d’en décider dans la mesure où cette possibilité n’existe pas au Sénat. Mais nous avons beaucoup de raisons d’exprimer notre mécontentement. » Et d’enfoncer le clou : « La mascarade budgétaire de M. Le Maire a assez duré. »
Autre difficulté pour le gouvernement : si ce projet de loi de finances rectificatif devait s’imposer, à quel moment le dégainer ? Sachant que les européennes auront lieu le 9 juin et que les Jeux olympiques débuteront le 26 juillet, la fenêtre de tir est réduite. Du côté du gouvernement, pas question de fragiliser les JO. Quant à ouvrir une telle séquence lors des élections européennes, là encore, ce serait jouer avec le feu. Surtout, comme le rappelle ce parlementaire Renaissance, que « les électeurs du RN et de LFI votent pour des raisons nationales, pas européennes. »
Si dans la majorité présidentielle chacun s’accorde à reconnaître que les prochains textes financiers « seront durs », on conteste néanmoins tout virage vers l’austérité. « Les pays qui l’ont pratiqué ont baissé les pensions, les salaires et fermé des services publics, nous n’en sommes pas là », explique-t-on au sein du gouvernement où on plaide le « sérieux budgétaire ». Une expression qui a de beaux jours devant elle…
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