Une masse salariale qui flambe et qui enverrait Bagnolet (Seine-Saint-Denis) vers la faillite ? Premier adjoint au maire, en charge des finances, Olivier Taravella a démissionné de ses fonctions lundi 12 mars. Dans un courrier dont nous avons pu prendre connaissance envoyé au maire Tony Di Martino (PS) et à l’ensemble de la majorité, l’élu motive sa décision par des désaccords sur la stratégie financière dans cette ville connue pour être une des plus endettées de France.
Il y rappelle être arrivé aux manettes alors que la situation « était catastrophique avec plus de 17 millions d’euros de factures impayées, 12 millions d’euros de recettes insincères et une trésorerie négative ». « L’audit présenté en septembre 2014 prévoyait que la ville serait en cessation de paiements d’ici à l’exercice 2016 », ajoute-t-il en guise de contexte.
Dans sa missive, Olivier Taravella raconte comment il s’est battu pour redresser les finances, avec notamment la renégociation en 2015 de 21 millions d’euros d’emprunts toxiques. Et dit avoir été missionné depuis pour dégager de nouvelles marges. Problème : l’ex-premier adjoint considère que, pour y arriver, « il était impératif d’intervenir résolument sur les dépenses de personnel, particulièrement élevées ».
Des projets scolaires « infinançables en l’état »
C’est sur ce point que les divergences avec le maire se seraient accentuées. « Dès 2017, j’avais fait la proposition de fixer comme objectif un plafond à 40 millions d’euros de masse salariale », écrit-il. Proposition écartée. Pour l’année 2023, l’élu démissionnaire dit ne pas croire au niveau de dépenses retenu par la Ville, qui s’établit à 47 millions d’euros. L’ambition supposerait, selon lui, « une vraie politique de réduction des contrats surnuméraires ou de postes dont le besoin n’est pas démontré ».
Olivier Taravella estime donc que « le risque que nous soyons dès 2024 face à un mur s’accroît fortement ». Avec des conséquences concrètes : « Les projets d’écoles en centre-ville ou de reconstruction du groupe scolaire Langevin (sont) infinançables en l’état. L’école Ferry ne verra probablement aucun commencement avant la décennie 2030 ».
Il rappelle aussi que d’importantes augmentations des impôts ont été votées en 2017 et 2022. « Mais (elles) étaient assorties d’un contrat moral avec les (habitants). Celui de réduire nos dépenses de fonctionnement (…) Or l’essentiel des marges a été absorbé par la masse salariale. »
« Une crise politique majeure qui abîme une fois de plus notre ville »
Le conseil municipal de Bagnolet se réunit ce jeudi 16 mars. Il ne devrait pas élire son remplaçant, la préfecture de Seine-Saint-Denis n’ayant pas encore entériné la démission. Le vote devrait donc intervenir en avril.
Mais la décision a déjà fait réagir dans les rangs de l’opposition : « Quand le premier adjoint évoque des dérives sur la masse salariale, est-ce qu’il ne dénoncerait pas ici une forme de clientélisme ? », interroge Solène Le Bourhis (PCF). Accusé d’avoir recruté une chargée de mission au service urbanisme dans le but d’« acheter la paix sociale », Tony Di Martino avait été relaxé par la justice cet automne.
Dans un communiqué, la section locale du Parti communiste évoque « un acte politique significatif et inédit », qui plonge la majorité « dans une crise politique majeure qui abîme une fois de plus notre ville ». Cette démission « met évidence une gestion que nous dénoncions depuis des années : services de la Ville désorganisés – comme en témoigne le récent scandale de la restauration collective —, personnel en souffrance, perspectives bouchées par manque d’anticipation et de vision, incohérence des décisions… »
Joint par téléphone, Olivier Taravella n’a pas souhaité s’exprimer davantage. Il assure toutefois que sa décision n’a « rien de personnelle » à l’encontre de Tony Di Martino. Ce dernier lui a répondu, également à l’écrit, prenant acte de sa décision.
« La mise sous tutelle, on nous la promet depuis 2012 », relativise le maire
« C’est regrettable mais nous avons des désaccords budgétaires et surtout politiques, répond-il ce jeudi. Cela arrive, c’est la vie. Sa position, pour faire des économies, c’était de privatiser un certain nombre de services, comme l’entretien dans les écoles, de vendre nos centres de vacances et j’y suis opposé. »
Concernant la masse salariale, le maire de Bagnolet dit « faire des efforts tous les ans » : « D’ailleurs, c’est plutôt ce que me reprochent l’opposition et les syndicats : d’en faire trop, de lisser les recrutements, de ne pas remplacer les départs à la retraite… »
Tony Di Martino assure par ailleurs que la municipalité n’est pas au bord de la faillite. « La mise sous tutelle, on nous la promet depuis 2012, ironise-t-il. Bien sûr qu’il faut lisser les investissements, mais on se démène tous les jours pour aller chercher des subventions. Il n’y a rien de nouveau. »
À l’exception du contexte inflationniste qui pénaliserait fortement les finances. « La revalorisation du point d’indice pour les fonctionnaires et de certaines catégories B et C, sur une année pleine, c’est 2 millions d’euros, observe-t-il. C’étaient des mesures nécessaires, mais on les subit car l’État ne compense pas. Et la crise énergétique entre 2021 et 2023, elle nous coûte 2,9 millions d’euros. »
2023-03-16 10:00:00
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