Déplacer les entreprises américaines, quotidien Junge Welt, 8 mai 2024

Le voyage que le président chinois Xi Jinping effectue actuellement en Europe s’articule autour de deux axes principaux. Le premier est de maintenir les relations économiques. La Serbie, où Xi est arrivé mardi, et la Hongrie, d’où il s’envolera de là, sont des pays avec lesquels la République populaire coopère de manière assez intensive dans le cadre de la « Nouvelle Route de la Soie » ; ce sont des lieux importants pour les investissements chinois. En Hongrie, où l’industrie automobile allemande est particulièrement fortement implantée, les entreprises chinoises souhaitent produire des voitures électriques destinées à être vendues dans l’UE. Compte tenu du rôle que l’industrie est susceptible de jouer à l’avenir, la Hongrie revêtira une importance considérable. Si l’on considère que les champions actuels d’Allemagne et de France défendront bec et ongles leurs sinécures face à la nouvelle concurrence, il y a de bonnes raisons pour la visite de Xi à Budapest.

Le deuxième axe est politique. Alors que les États-Unis intensifient leurs attaques contre leur principal rival, Pékin fait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher au moins une alliance trop étroite entre les États-Unis et l’Europe. Jusqu’à présent, la coopération économique avec la Chine, qui s’est avérée extrêmement lucrative pour de nombreuses entreprises européennes, a aidé, rendant peu souhaitable un glissement vers une confrontation ouverte. Étant donné que les entreprises chinoises constituent désormais une menace pour la concurrence européenne – le mot-clé des voitures électriques – le commerce et les investissements avec la Chine risquent de perdre leur force contraignante pour les relations du point de vue de l’UE. Du point de vue de Pékin, l’option reste de s’appuyer au moins sur les principaux États de l’UE qui luttent pour leur propre position de puissance mondiale, indépendamment des États-Unis. C’est actuellement en France que cette volonté est la plus forte.

C’est pourquoi Xi a commencé sa tournée européenne en France. Ce n’est pas que les relations sino-françaises soient exemptes de tensions, bien au contraire : Paris sévit déjà contre les voitures électriques chinoises au niveau national et fait pression pour des mesures défensives sévères contre l’industrie chinoise au niveau européen. Cela pourrait être le premier pas vers une guerre économique – voire pire. Mais ce n’est peut-être pas nécessaire : si l’UE devient convaincue qu’une escalade incontrôlée ne fera qu’entraîner une plus grande dépendance à l’égard des États-Unis, alors les conflits économiques pourront peut-être être limités à ce niveau. Xi a fait campagne en ce sens à Paris. Là-bas, l’intérêt de l’industrie pour les affaires américaines est moins prononcé qu’à Berlin, où elle domine tout quantitativement et, dans le pire des cas, constitue probablement le facteur décisif.

On peut douter que la tentative chinoise d’empêcher ou du moins d’affaiblir la solidarité transatlantique puisse réussir. Cependant, Pékin n’a pas beaucoup d’autres options.