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Des matériaux vivants pour des vêtements révolutionnaires : l’innovation de Noémie-Manuelle Dorval Courchesne

by Nouvelles
Des matériaux vivants pour des vêtements révolutionnaires : l’innovation de Noémie-Manuelle Dorval Courchesne

Bientôt à vendre : un legging de yoga capable à la fois de se réparer par lui-même si vous exagérez les postures du guerrier, d’émettre de la lumière selon votre état de santé et de se dégrader dans la nature lorsque vous vous en débarrasserez. Trop beau pour être vrai ? La professeure du Département de génie chimique de l’Université McGill Noémie-Manuelle Dorval Courchesne s’emploie pourtant à faire de ce scénario de science-fiction une réalité. Son but : concevoir des matériaux… vivants !

« La plupart des matériaux que nous produisons sont dérivés de bactéries, tout particulièrement d’une version inoffensive d’E. coli. Elles produisent des protéines qui ont entre autres la capacité de s’autoassembler », explique la titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les matériaux d’origine biologique. Une fois ces protéines modifiées génétiquement – en étant rendues photosensibles, par exemple –, elles forment un biofilm, c’est-à-dire un gel fonctionnel à appliquer à la surface de tissus.

Ces travaux se situent à l’intersection de la science des matériaux, du génie chimique, de la biologie synthétique et de la nanotechnologie. « J’aime beaucoup l’aspect créatif de la multi­disciplinarité », affirme la lauréate d’un Johnson & Johnson WiSTEM2D Scholars Award en 2022. Ces prix prestigieux – les candidatures se comptent par centaines – sont remis à six chercheuses de renommée mondiale en science, technologie, génie, mathématiques, fabrication et conception.

Dans son coffre à outils

Pour réaliser ses bricolages de haute voltige, Noémie-Manuelle Dorval Courchesne recourt à toutes sortes de méthodes de génie génétique. Parmi elles, il y a le clonage par assemblage de brins Gibson, du nom de son créateur, Daniel G. Gibson, cofondateur d’une société californienne de biologie synthétique. « Cela consiste à couper un plasmide [une unité d’ADN indépendante] à certains endroits pour y substituer un morceau de gène qui coderait pour une protéine d’intérêt », c’est-à-dire un morceau détenant le message génétique correspondant à cette protéine, explique la chercheuse.

L’évolution dirigée, soit l’introduction de mutations génétiques au hasard de manière à obtenir une grande diversité de protéines, fait aussi partie de son coffre à outils. Le but : retenir les protéines qui présentent des séquences d’acides aminés – donc des propriétés fonctionnelles – jugées intéressantes. « Nous parvenons ainsi à améliorer l’affinité d’une protéine avec une surface. Après plusieurs cycles d’évolution dirigée, nous sommes littéralement en présence d’une protéine unique en son genre », indique-t-elle.

Ces recherches de pointe attirent l’attention du secteur privé. Au fil des années, Noémie-Manuelle Dorval Courchesne a noué des partenariats industriels, y compris avec la compagnie de vêtements sportifs Lululemon. C’est pourtant sur le front de l’environnement que ces biomatériaux pourraient avoir la plus grande importance. « La conception de matériaux dérivés de la biologie a le potentiel de régler des problèmes de durabilité au début et à la fin du cycle de vie de nombreux produits », croit la professeure.

Pour les bonnes raisons

Il reste cependant bien du chemin à parcourir avant d’en arriver là. Dans les mois et années à venir, Noémie-Manuelle Dorval Courchesne compte par exemple intensifier ses travaux sur l’évolution dirigée, mais cette fois-ci pour des applications électroniques. C’est d’ailleurs le financement de Johnson & Johnson – 150 000 dollars américains (environ 200 000 dollars canadiens) et trois ans de mentorat – qui lui permet de creuser cet axe de recherche. « Nos résultats sont prometteurs », révèle la principale intéressée.

Si le passé est garant de l’avenir, elle est appelée à poursuivre sa trajectoire d’excellence, estime Viviane Yargeau, doyenne de la Faculté de génie de l’Université McGill. « À moyen et long terme, Noémie fera certainement changer les choses, tant en recherche ou en enseignement que pour la société », prédit celle qui dirigeait auparavant le Département de génie chimique de l’Université. « Elle est là pour les bonnes raisons, pas pour sa petite gloire personnelle. »
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