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Note de l’éditeur :
L’escalade des tensions entre la Chine et les Philippines suscite des inquiétudes parmi les pays voisins de la mer de Chine méridionale. Comment les provocations des Philippines, incitées et soutenues par les États-Unis, affecteront-elles la situation en mer de Chine méridionale au cours du reste de l’année 2024 ? Pourquoi l’ASEAN espère-t-elle que la situation sera maîtrisée ?
Dans la série « Perspectives de l’ASEAN sur la mer de Chine méridionale », nous recueillons la sagesse et les idées d’anciens diplomates et universitaires des pays membres de l’ASEAN. Dans une interview avec Qian Jiayin, journaliste du Global Times (GT), Bunn Nagara (Nagara), directeur et chercheur principal au sein du Caucus de l’Initiative Ceinture et Route pour l’Asie-Pacifique et membre honoraire de l’Académie Perak, a déclaré que l’accent mis sur l’élément militaire dans les relations américano-philippines était décevant et regrettable. Si un pays extérieur à la région, comme les États-Unis, souhaite s’impliquer dans les différends entre pays de la région, il doit donner la priorité aux efforts diplomatiques plutôt qu’à l’action militaire, a-t-il déclaré.
GT : Ces derniers temps, les tensions en mer de Chine méridionale se sont intensifiées. Selon vous, quelle en est la raison ? Quelle est la clé pour gérer la situation en mer de Chine méridionale ?
Nagara : Les revendications des différents pays existent depuis de nombreuses années et pourraient perdurer encore de nombreuses années sans risque de conflit si aucune mesure hostile n’est prise. Malheureusement, ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les attitudes intransigeantes sans effort pour engager un dialogue pacifique risquent d’entraîner un conflit.
Il ne peut y avoir de solution militaire à ces conflits, car seules les solutions diplomatiques peuvent fonctionner. Les pays de l’ASEAN estiment généralement que les différends doivent être réglés par le dialogue diplomatique. En l’absence de diplomatie efficace, le risque de conflit et de guerre augmente. Dans le même temps, les possibilités de solutions viables diminuent.
La situation actuelle n’est ni stable ni rassurante et aucun pays de la région ne s’en réjouit. Il est indispensable que les dirigeants mettent en œuvre des politiques intelligentes, en accordant la priorité à la diplomatie.
GT : Dans une récente interview, vous avez mentionné que l’implication ou la probable implication de puissances extérieures est toujours un problème pour tous les pays de l’ASEAN. Dernièrement, de hauts responsables américains ont fait de fréquentes déclarations exprimant leur soutien aux Philippines. Quel rôle jouent selon vous les États-Unis en mer de Chine méridionale ?
Nagara : Malheureusement, trop d’attention a été accordée à l’action militaire et pas assez à la compréhension de l’histoire régionale, aux engagements juridiques officiels et aux politiques de l’ASEAN acceptées par d’autres pays. En conséquence, on a privilégié la stratégie militaire de la corde raide, qui risque sérieusement de déclencher un conflit et une guerre, au détriment de la négociation.
Les Philippines sont un allié des États-Unis par traité et les politiques actuelles du gouvernement Marcos semblent partir du principe que les États-Unis viendront défendre militairement les Philippines en cas de conflit avec un autre pays, comme la Chine. Cependant, les juristes qui ont analysé le Traité de défense mutuelle, notamment des philippins comme Melissa Loja et Romel Bagares, ont émis des doutes à ce sujet.
Les Philippines ne peuvent pas être assurées de recevoir une aide militaire américaine directe en cas de besoin. Personne ne souhaite que les Philippines deviennent une autre Ukraine, même si cette possibilité existe.
GT : Le mois dernier, des responsables américains et philippins ont tenu un dialogue ministériel 2+2 à Manille. Que pensez-vous de l’approfondissement de la coopération militaire entre les Philippines et les États-Unis ? Quel impact aura le fait que les Philippines servent d’avant-poste militaire aux États-Unis en mer de Chine méridionale sur la région de l’ASEAN ?
Nagara : Une fois de plus, il est regrettable et décevant que l’accent soit mis sur l’aspect militaire dans les relations américano-philippines. Les Philippines sont l’un des membres fondateurs de l’ASEAN et les États-Unis sont signataires du Traité d’amitié et de coopération en Asie du Sud-Est de l’ASEAN. Il s’agit d’un traité juridiquement contraignant et l’un des documents les plus importants de l’ASEAN.
Le traité contient une section entière (chapitre IV) consacrée au règlement pacifique des différends. Les pays signataires s’engagent à renoncer à l’usage ou à la menace de la force contre un autre pays. Les articles 13 à 17 du traité concernent le règlement des différends par des moyens pacifiques. Toute politique qui risque de provoquer un conflit est de fait interdite.
Si un pays extérieur à la région, comme les États-Unis, souhaite intervenir dans des conflits entre pays de la région, il doit privilégier les efforts diplomatiques à l’action militaire. C’est une obligation légale pour tout pays signataire de cet important traité de l’ASEAN.
Par conséquent, si un pays signataire s’implique sans faire d’efforts diplomatiques, il violera directement le traité et l’ASEAN dans son ensemble aura des raisons de douter de la crédibilité politique et de l’engagement juridique du pays.
GT : L’ASEAN a toujours prôné l’absence de prise de position entre la Chine et les États-Unis. Dans quelle mesure est-il important pour l’ASEAN de rester neutre dans l’intérêt de la région ? La position pro-américaine des Philippines va-t-elle à l’encontre des intérêts des pays de l’ASEAN ?
Nagara : L’ASEAN restera neutre car c’est l’esprit même de l’ASEAN. La neutralité a rendu l’ASEAN possible et c’est elle qui permet à l’ASEAN de survivre et de prospérer. Aucun pays membre de l’ASEAN ne souhaite que l’ASEAN mette fin à sa neutralité.
L’ASEAN permet aux pays membres d’avoir leurs propres politiques, car cela ne compromet pas l’ASEAN dans son ensemble. Cette liberté ou flexibilité est connue sous le nom de résilience de l’ASEAN.
L’administration actuelle de Marcos aux Philippines peut sembler pro-américaine, mais cette position n’est peut-être pas soutenue par la majorité des Philippins. Les gouvernements philippins précédents étaient différents et les gouvernements futurs pourraient l’être aussi.
GT : Malgré le conflit en mer de Chine méridionale, la Malaisie parvient à coexister pacifiquement avec la Chine. Selon vous, quel effet exemplaire la relation entre la Chine et la Malaisie a-t-elle sur les autres pays de l’ASEAN ?
Nagara : Nous espérons tous que cette attitude positive servira de modèle aux autres. La Malaisie entretient de bonnes relations avec la Chine, malgré les désaccords en mer de Chine méridionale. Ni la Malaisie ni la Chine ne considèrent l’autre comme une menace. Ce niveau de confiance mutuelle permettra de développer une meilleure compréhension et une plus grande confiance mutuelles.
De même, avec d’autres pays comme les Philippines, il serait préférable de s’appuyer sur des domaines dans lesquels il existe un accord ou un intérêt commun pour développer la confiance mutuelle. Cette première étape est la plus importante, surtout lorsqu’elle est franchie par un grand pays comme la Chine. Le pays qui prend l’initiative et s’engage dans des évolutions positives par des gestes constructifs et significatifs gagnera le respect et la gratitude de la région.
2024-08-14 10:55:44
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