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Désactivation à distance des F-35 : possible aux États-Unis ?

by Nouvelles

Alors que l’élection de Donald Trump ébranle les équilibres géopolitiques mondiaux, le débat sur la dépendance militaire de l’Europe envers les États-Unis prend de l’ampleur. Washington pourrait-il clouer au sol les F-35 achetés par la Suisse, comme l’affirme un politicien français ? Même si cette crainte semble exagérée, le contrôle américain sur les technologies et les logiciels de défense pourrait présenter un risque en matière de sécurité.

« Si les États-Unis attaquaient le Groenland, aucun pays européen ne pourrait faire décoller ses F-35 pour le défendre, car ils ont un système de blocage si le plan de vol ne convient pas au Pentagone. »

Christophe Gomart, député français au parlement européen (Les Républicains, droite) et ancien directeur du renseignement militaire français

Cette mise en garde, relayée le mois dernier par plusieurs médias français, est l’œuvre de Christophe Gomart.

Alors que pas moins de 13 pays européens, dont la Suisse, ont opté pour l’avion de combat américain de cinquième génération, cette affirmation fait couler beaucoup d’encre. Elle s’inscrit dans un contexte géopolitique en complet bouleversement à la suite de l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche,marqué par la crise des relations entre alliés transatlantiques et le rapprochement américain avec la Russie.

Alors, mythe ou réalité ? Les États-Unis disposent-ils vraiment d’un bouton – un « kill switch » dans la langue de Shakespeare – qui leur permettrait, à distance, de limiter l’utilisation voire de clouer au sol le F-35 ? Cette hypothèse est mise en doute par les principaux analystes, comme le souligne Mauro Gilli, expert en stratégie militaire à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), interrogé par la radio-télévision de Suisse italienne RSI.

Ce n’est pas qu’une question d’avions

« Cependant, tous les systèmes d’armes dépendent d’une série de technologies et de logiciels dont les États-Unis ont le contrôle », ajoute Mauro Gilli, qui se fonde en particulier sur Justin Bronk, professeur et chercheur au Royal United Services Institute (RUSI) à Londres. La dépendance technologique ne concerne donc pas uniquement les F-35, mais aussi d’autres armements et les systèmes de communication.

C’est précisément sur les systèmes de communication que Mauro Gilli se concentre : « La guerre de précision repose sur la capacité à repérer des objectifs et à communiquer en temps réel leur géolocalisation à des plateformes qui effectuent l’attaque ». Il s’agit d’une architecture qui est principalement fournie aux pays européens par les États-Unis. Selon lui, c’est là que réside le principal problème.

Dans cette optique,il est extrêmement difficile d’être militairement indépendant. Même si, par exemple, un pays décidait de renoncer aux avions de combat F-35, d’autres éléments resteraient entre les mains américaines, souligne Mauro Gilli. « Pour faire une analogie : ce serait comme dire que nous arrêtons d’utiliser les iPhone, tout en continuant à utiliser des antennes 5G américaines », affirme l’expert de l’EPFZ.

>> Voir le sujet du 19h30 sur l’inquiétude des élus concernant le F-35 (05.03.2025) :
La dépendance, un risque pour la sécurité ?

Cette dépendance à l’égard de technologies et logiciels américains constitue-t-elle un risque pour la sécurité ? si on considère que la Russie représente une menace sérieuse pour l’Europe et que certains systèmes d’armes comme des chasseurs de cinquième génération sont nécessaires, il y a un risque, relève Mauro Gilli : « Actuellement, l’Europe n’a pas d’autre solution. Si les pays européens devaient décider de développer un avion de sixième génération, il faudrait quinze ans pour qu’il soit prêt. Et c’est un calcul très optimiste. »

En revanche, si la menace russe n’est pas considérée comme imminente et que l’on estime que les pays européens doivent se libérer de la dépendance américaine, « il est alors plus que légitime de penser à s’orienter dans cette direction » et de s’affranchir des systèmes américains. Mais chaque choix, souligne Mauro Gilli, « comporte des risques et des coûts ».

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