Devoirs pour les vacances | Dernier banc par Alessandro D’Avenia

Devoirs pour les vacances |  Dernier banc par Alessandro D’Avenia

2023-06-26 10:41:59

Vivre, espérer naître tout entier, c’est ce qui se dessine en chacun de nous et demande un plein épanouissement : pour cela nous utilisons la métaphore de l’appel ou de la vocation, la vie nous interpelle, pour répondre à notre tâche. Mais qu’est-ce que la vie nous demande exactement ? Alors qu’animal guidé par son instinct, boussole infaillible pour venir au monde, chez l’homme l’instinct est pauvre : pour venir au monde il faut acquérir de l’expérience. Mais aujourd’hui, le monde nous vient à travers des écrans, et donc l’exploration et l’expérience sont en quelque sorte représentées plutôt que présentes. Cette perte de réalité, qui a ses extrêmes dans les faits divers de ces derniers temps, n’est pas sans douleur : si je ne touche pas le monde et que je ne suis pas touché par lui, mais que je me divertis avec ses images, je ne me sentirai pas appelé par n’importe quoi et restera sans destin, la voie d’accès au monde unique et originel de chacun. C’est pourquoi, pour les vacances, nous, éducateurs, pourrions inventer quelque exercice du destin, un entraînement à venir au monde, c’est-à-dire permettre à la vie de nous appeler à naître davantage. C’est à ça que servent les vacances, à affiner le travail que l’on fait à la maison et à l’école, et à trouver une réponse à la question : Pourquoi es-tu venu au monde ?. Toute incarnation ultérieure possible dépend alors de la réponse : existentielle, relationnelle, professionnelle. Les soi-disant devoirs de vacances doivent être des moyens de faciliter la rencontre entre nous et le monde. Comme, comment?

Le temps est la chair dont nous disposons pour naître complètement, pour compléter ce que nous pouvons être et ne faire que nous, et l’été nous offre beaucoup. Estate vient d’une racine qui indique la brûlure, que je voudrais traduire ici en termes d’ardeur intérieure : se concentrer et trouver du courage. Par exemple, il ne suffit pas de donner des livres à lire, en effet la lecture telle qu’elle est vécue aujourd’hui, aussi grande soit-elle de livres canoniques, ne conduit pas à l’assimilation au livre (devenir semblable à ce que l’on lit), mais à assimiler le livre (en le rapprochant de : l’expression je l’ai dévoré trahit cette relation consumériste. Pour devenir une expérience du monde (venir au monde, le rencontrer en risquant) la lecture requiert un autre rapport à la page, non seulement passif mais actif et créatif. Il ne s’agit pas d’assigner la revue fatidique à présenter en début d’année, mais par exemple de demander à lire avec un crayon à la main pour souligner tout ce qui frappe et de le recopier dans un journal, en ajoutant à ces mots la raison pour laquelle ils nous ont touchés et que grâce à eux est né en nous. Vivre le monde à travers un livre, ne pas le dévorer, mais répondre activement à ses appels, se laisser mordre par lui, sentir sa blessure. Pour cette raison, au début de la période estivale, je demande toujours à mes élèves de se procurer un journal de poche, dans lequel enregistrer (le téléphone portable n’est pas valide) chaque rencontre avec la réalité qu’ils auront, douloureuse ou joyeuse, c’est-à-dire chaque fois qu’ils se sentent appelés, pour arrêter ce soupçon de destin sur la page. Le monde ne change jamais, au cas où c’est nous qui sommes sourds et en fait l’adjectif absurde vient de sourd, ce que devient la vie quand elle manque de sens, et donc de naissance : le mot mort ne s’oppose pas à la vie, mais à la naissance, en Pour ne pas mourir, il faut continuer à naître. L’écriture appelle un moyen de se faire jour. Un autre exercice du destin que je propose (via des livres adaptés) méditationune pratique millénaire qui a nourri le meilleur de toutes les cultures du monde et nous permet de puiser aux deux sources dont dépend notre destin : le souffle et le désir. Le premier, le principe d’animation, permet à l’inspiration de se produire, un don que la vie donne continuellement si nous nous entraînons à recevoir : celui qui a inspiré animé (du grec anémos, vente, souffler). Le deuxième principe d’action que le monde païen appelait le destin et la vocation chrétienne, l’élan créateur (projets) et érotique (bonnes relations) dont chacun de nous est le gardien. Méditez chaque jour pendant au moins dix minutes (qu’on enlèvera jamais à un réseau social ?), la meilleure façon de permettre à l’inspiration et à la vocation de se produire, sources premières de cette joie qui vous repose vraiment. Ne rien faire est beaucoup plus fatigant, car ce qui repose, c’est le sens des choses : plus elles ont, plus on se repose, même si elles sont exigeantes. Quand nous manquons de souffle ou de désir, nous respirons et désirons la seconde main, nous perdons la joie et allons la chercher là où elle n’est pas. La méditation, qui pour certains prie immédiatement (Augustin disait en effet que prier forme le désir), nous permet la présence du présent, le véritable repos de l’esprit et du corps, la plénitude débordante de l’instant. Une grande partie de notre malheur provient d’une incapacité à être dans le présent. Il a été calculé que nous passons près de la moitié de notre temps à penser à ce qui ne se passe pas, avec un coût très élevé en termes d’anxiété et de confusion : au lieu de vivre le monde, nous nous battons avec des fantômes. Le manque de présence de et dans le présent empêche la rencontre entre ce qui m’est donné et ce que je peux recevoirc’est l’hospitalité du quotidien, sans laquelle on se sent toujours dépaysé, en exil. L’immobilier pas le temps des livres, de la mer, des montagnes, mais le temps d’acquérir de l’expérience à travers les livres, la mer, la montagne : une mêlée qui devient une rencontre et un appel. Si les garçons reviennent de vacances avec deux ou trois questions profondément ancrées dans leur chair et un indice de réponse sur leur venue au monde, alors ils se seront reposés, sinon ils seront morts de fatigue, car ne rien faire (de sens) ne rien assimiler . La poète Wislawa Szymborska demande pardon pour la sienne Inattention un jour ordinaire : j’étais comme un clou enfoncé trop loin/ surface dans le mur/… qui dura bien 24 heures./ 1440 minutes d’opportunités./ 86 400 secondes de vision./ Savoir-vivre cosmique,/ bien que silencieux de nous ,/ pourtant il exige quelque chose de notre part :/ un peu d’attention. Juste un jour, sans parler de tout un été.

26 juin 2023, 06:42 – édité 26 juin 2023 | 06:42



#Devoirs #pour #les #vacances #Dernier #banc #par #Alessandro #DAvenia
1687836332

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.