Don Quichotte et Pinocchio s’invitent dans Les inséparables

Après Histoire de jouet, dévoiler la vraie vie des jouets lorsque les humains ne sont plus là tient de la mission impossible. Voire suicidaire. Jérémie Degruson s’y attaque pourtant avec un certain bonheur en relatant les péripéties vécues par des marionnettes livrées à leur sort en plein cœur de New York depuis que leur animateur est décédé. Personne ne remarque la supercherie, mais tout n’y est pas rose pour autant. Don, grand gaffeur à l’imagination débordante, ne supporte plus de tenir éternellement le rôle du bouffon systématiquement entarté. Ni d’être moqué par toute la troupe, à l’exception de la jolie Dee. S’il ne peut devenir le héros sur scène, il le sera dans la vraie vie. L’aventure, il le sait, l’attend dehors. Devant ses yeux, un simple Loulou à sa mémère se transforme en féroce lion à combattre, une bouche d’égout en baleine vorace, un moulin à vent en terrible dragon à terrasser à tout prix, une serpillière en monstre effrayant, une canette en soldat tombé au champ d’honneur et un peu de boue en de terrifiants sables mouvants. Autant d’épreuves à surmonter pour que le monde reconnaisse enfin sa valeur.

Et pour narrer ses exploits, il peut compter sur DJ Doggy Dog, une peluche courte sur patte qui fait du rap toujours sur le même morceau et dont le courage ne constitue pas la plus grande qualité.

Très largement inspiré par Histoire de jouet, Don Quichotte et Pinocchio, Les inséparables passe magistralement de la 3D (pour l’action) à la 2D (pour les rêveries de Don), des références classiques aux musiques modernes, tout en transformant la banalité du quotidien en défis héroïques extraordinaires. Le tout, à un rythme soutenu et avec un humour tantôt délicieusement absurde, tantôt pragmatiquement enfantin. Durant cette épopée, soutenue par des chorégraphies de Chris Marques, les adultes se délecteront des références à John Lennon (”Un rêve qu’on vit seul ne reste qu’un rêve, un rêve qu’on vit à plusieurs devient la réalité”) ou Cyrano de Bergerac (des tirades et un nez péninsulesque), tandis que les enfants s’amuseront des facéties des ratons laveurs, des raps de DJ Doggy Dog, des délires de Don ou des références à Jack et le haricot magique.

Le résultat se révèle divertissant, haletant, plein de gentillesse et même parfois un peu philosophique (”C’est au changement qu’on voit le parcours du héros”), tout en démolissant joyeusement les préjugés sur les personnes qu’on ne connaît pas. Une belle ode à l’imagination, qui fait honneur au cinéma belge et tombe vraiment à pic pour les fêtes de fin d’année.

Chasse gardée : une comédie banale à visionner les neurones assoupis devant sa télévision plutôt qu’en salle

Y a-t-il encore des scénaristes dans le cinéma français ? Avec Chasse gardée, on se croirait retourné une soixantaine d’années en arrière, quand se tournaient à la pelle des comédies d’une affligeante indigence que devaient tenter de sauver quelques spécialistes de l’exercice. Aujourd’hui, Jean Lefebvre, Michel Galabru, Paul Préboist ou Henri Guybet sont replacés par Didier Bourdon, Thierry Lhermitte et Chantal Ladesou, obligés d’en faire des tonnes pour tenter d’arracher quelques rires.

Le scénario, il est vrai, ne les aide pas. Pour permettre à leurs turbulents enfants de se défouler dans un jardin, un couple de Parisiens (Camille Lou et Hakim Jemili) achète une magnifique maison à la campagne pour un prix défiant toute concurrence. Seule contrainte : il y a une “petite servitude” sur le bois de la propriété. En réalité, un terrain de chasse pour tout le village, qui tire à vue sur tout ce qui bouge. Entre les nouveaux venus et les locaux, la guerre va rapidement se déclarer. Avec un gros problème : la survie de l’école du village dépend de la présence des enfants du couple.

Même sans avoir étudié l’intégrale de Mon curé chez les nudistesla suite n’est pas trop compliquée à deviner. Aucune surprise n’est à attendre. Même pas du côté des dialogues, désespérément plats. On en vient presque à avoir de la peine pour les interprètes complètement livrés à eux-mêmes. Presque…

Comme la plupart des comédies franchouillardes, Chasse gardée peut donc être réservée pour une vision les neurones assoupis un vendredi soir devant sa télévision.