Drôle d’affaire : comment le nouveau propriétaire de Juste pour rire compte relancer un géant de l’humour

2024-07-14 03:39:56
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Sylvain Parent-Bédard, PDG de ComediHa!, le 26 juin. L’agence de divertissement de Parent-Bédard, ComediHa!, aide à garder le nom Juste pour rire vivant sous sa bannière. Evan Buhler/The Globe and Mail

Le Canada a un nouveau roi de l’humour, et il s’appelle Sylvain Parent-Bédard. Le quinquagénaire aux cheveux hérissés et au grand sourire contrôle le groupe de divertissement québécois ComediHa!, qui a racheté début juin plusieurs actifs importants de la société d’humour en faillite Juste pour rire. L’acquisition comprend sa marque éponyme et son équivalent francophone Juste pour rire, ainsi que Zoofest, ComedyPro, la série de caméras cachées Gags et l’ensemble de son catalogue audiovisuel.

Entrepreneur né et passionné de hockey (il a été invité au camp d’entraînement des Bruins de Boston lorsqu’il était plus jeune), M. Parent-Bédard a étudié en administration et en droit avant de trouver sa vocation dans le marketing et l’événementiel. Connu surtout pour ses festivals d’humour francophones au Québec (son entreprise a également acheté les droits d’adaptation québécoise de la série télévisée à succès Brooklyn Nine-Nine), il est aujourd’hui propriétaire de l’une des marques de divertissement les plus puissantes de la planète. En plus d’accueillir le plus important festival d’humour anglophone au monde, qui attire des humoristes comme Chris Rock, Jon Stewart et Jerry Seinfeld, Just For Laughs (JFL) organise également des spectacles et des festivals dans d’autres villes et produit des émissions de télévision et des émissions spéciales de stand-up. (Au dernier décompte, sa série Gags a été vue dans 135 pays et sur 95 lignes aériennes.)

M. Parent-Bédard veut retrouver la magie de la programmation, en commençant par le festival ComediHa! salue Montréal, qui s’ouvre le 18 juillet. Présenté comme la « première étape » vers la renaissance complète de JFL, il mettra en vedette les humoristes Dane Cook et Bobby Slayton. Mais le défi qui nous attend n’a rien de drôle. Voici ce que M. Parent-Bédard, qui a tenu à parler anglais, a à dire.

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Sylvain Parent-Bédard, PDG de ComediHa!, et Ariane Thibault, productrice exécutive de ComediHa! et de Juste pour rire, sont impatients de voir la saison estivale des festivals d’humour à Montréal, le 26 juin. Evan Buhler/The Globe and Mail

Quelle est la raison derrière cet achat ?

J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour Juste pour rire et Just For Laughs – ce qu’ils ont fait pour faire de Montréal le centre de l’humour [1] et de l’étendre à travers le monde. Ils ont ouvert de nombreuses voies en France, en Suisse, en Belgique, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie. Et c’était une sorte de modèle pour moi que j’ai essayé de reproduire avec ComediHa! [2] J’ai bien réussi dans la communauté francophone. Mais dans le monde de l’humour, le côté anglophone a une grande valeur et de grandes stars. Quand Just For Laughs a eu ses problèmes en 2017, 2018, nous avons voulu l’acheter, [3] Mais c’était impossible parce que les anciens propriétaires ne le voulaient pas. … Ce fut une grande surprise pour nous lorsque nous avons appris la faillite en mars. C’était une histoire triste parce que je pense que lorsqu’une grande marque tourne mal dans la comédie, ce n’est pas bon pour l’industrie. Mais c’est devenu une opportunité que nous devions saisir. Cela va nous aider à avancer, plus vite.

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Quelle est la situation générale ici ? Pourquoi pensez-vous que nous assistons à cette consolidation ?

Nous sommes propriétaires depuis le 7 juin seulement. Nous avons donc un plan à très court terme, qui était d’organiser le festival. Ensuite, nous aimerions relancer les tournées avec de grandes stars. Et le plan à moyen et long terme est de ramener Juste pour rire et Juste pour rire comme ils étaient avant la pandémie. Il faut que ce soit un centre pour l’industrie, où nous pouvons être une excellente plateforme de lancement pour de nouveaux visages [4] et aussi un centre pour faire de superbes émissions de télévision avec de grandes stars du monde entier. [5]

Quel est l’avenir des marques JFL et ComediHa! ? Pensez-vous qu’elles vont se séparer ?

Je pense que la marque JFL est excellente [6] et le meilleur pour les humoristes. Donc, en ce moment, on pense vraiment que l’année prochaine, on va revenir à Montréal avec les marques Juste pour rire et Just pour rire comme festival. Pour ce qui est de ComediHa!, il faut y penser. En ce moment, la position – et ça pourrait changer – serait que les spectacles d’humour en anglais et en français soient sous Juste pour rire et Just pour rire. Quand on fait des comédies musicales, du théâtre, de la télévision, des spectacles scénarisés – ça serait sous ComediaHa! On a acheté ces actifs, pas pour les ranger dans un tiroir. On les a achetés pour les ramener comme ils étaient avant. Et on croit que toute l’industrie – agences, agents, artistes partout dans le monde – même si ce n’est que depuis quelques semaines, ils y croient tous.

Combien avez-vous payé pour les actifs ?

Nous avons fixé différents prix pour ces différents actifs, mais ils se situaient entre 20 et 25 millions de dollars. [7]

Et à quoi ressemblent vos revenus maintenant ?

L’ensemble du groupe ComediHa! devrait atteindre entre 75 et 80 millions de dollars cette année. Et nous avons pour objectif d’atteindre, dans les trois prochaines années, environ 120 millions de dollars. C’est pourquoi nous prenons notre temps. Beaucoup de gens veulent que nous soyons pressés, mais ce n’est pas le cas. Nous voulons prendre le temps de faire un plan – un bon plan -, d’analyser tout, de faire de bons choix.

La procédure de faillite a duré environ six semaines, n’est-ce pas ? Normalement, ce genre de chose dure plus d’un an. Pouvez-vous nous donner une idée de l’intensité des négociations ?

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Cela a été difficile. En général, il s’agit d’une vérification diligente qui dure de six mois à un an. On rencontre tout le monde, tous les employés. C’était un processus plutôt obscur, il était difficile d’y voir clair. Je pense qu’à un niveau élevé, le problème de l’ancienne entreprise n’était pas un problème de revenus, mais peut-être plutôt un problème de dépenses. Cela a donc été très difficile, très exigeant, avec un niveau de risque élevé. [8]

Pourquoi pensez-vous que les anciens propriétaires [9] Tu n’as pas réussi à faire fonctionner les choses ? Et qu’est-ce qui te fait penser que tu y parviendras ?

Je ne sais pas avec certitude, car je n’étais pas là. Et c’était un contexte particulier avec la pandémie et l’après-pandémie. Je ne suis pas là pour juger ce que les anciens propriétaires et l’équipe de direction ont fait, mais c’est sûr que ce n’était pas une bonne recette. Et on ne fera pas la même recette. Depuis 25 ans, nos valeurs et notre culture sont très importantes chez ComediHa! On a une grande tolérance au risque, et on est des entrepreneurs. C’est une entreprise familiale, mais j’en suis le propriétaire. C’est moi qui prend le contrôle sur tout. J’assume mes décisions. Mais on est agile. C’est facile de prendre des décisions. Ce n’est plus une entreprise corporative. [10] Nous nous réunissons le lundi matin à 9 heures. Et à 9 heures 30, si j’ai toutes les informations, la décision est prise. Nous n’avons pas besoin de passer par un grand comité de direction de haut niveau et des réunions du conseil d’administration. Donc cela va aider.

Les mathématiques fragiles qui sous-tendent les arts au Canada sont-elles brisées? Les organismes ont surmonté la crise de la COVID-19 avec des coûts qui explosent, des publics qui diminuent et des sources de financement plus fragiles que jamais. Qu’en pensez-vous?

Même avant la pandémie, les médias étaient sous pression et beaucoup de problèmes venaient des géants de la technologie. Il y a une fuite des revenus publicitaires hors du Canada. Et ces plateformes technologiques n’investissent pas vraiment dans le contenu canadien. Même chose pour l’argent privé provenant des commandites depuis la pandémie. Nous avons eu des tournées au Québec et au Canada qui étaient commanditées par de gros commanditaires avec des centaines de milliers de dollars, presque des millions de dollars. Et nous avons dû les annuler une fois, deux fois, trois fois, quatre fois. Les commanditaires ont donc perdu un peu confiance dans ce qui se passe dans les tournées de spectacles en direct et les événements en direct comme les festivals d’humour et de musique. Même aussi dans le théâtre. Alors oui, nous sommes confrontés à de grands défis. Mais je crois que nous allons pouvoir nous adapter. Et nous avons vraiment besoin que le gouvernement joue un rôle, qu’il croie en notre culture – la culture canadienne, la culture canadienne-française, la culture canadienne-anglaise. Nous avons besoin qu’ils nous soutiennent, car les revenus ont fondu. [11]

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Comment pensez-vous que cela va évoluer au cours des prochaines années ?

Le monde a changé. [12] Nous devons gérer, planifier notre budget, nos tournées et notre marketing d’une manière différente. Mais je pense que même si le comportement du consommateur a changé, il y a une sorte d’équilibre au fil des ans. En ce moment, c’est étrange, mais les gens reviennent un peu aux chaînes de télévision traditionnelles. Et je pense que ce sera la même chose avec les spectacles en direct : les gens reviendront. J’espère. J’espère.

[1] Le festival JFL/JPR est considéré comme l’un des trois principaux événements en direct de Montréal (avec le Grand Prix de Formule 1 et le Festival de Jazz). Impact total estimé sur le PIB : 34 millions de dollars par an.

[2] ComediHa! revendique un milliard de vues sur YouTube, 3 500 émissions, plus de 750 000 spectateurs annuels et 1 000 épisodes télévisés.

[3] Gilbert Rozon, fondateur et unique actionnaire de JFL, a vendu l’entreprise après avoir été accusé d’inconduite sexuelle. Il a ensuite été inculpé et déclaré non coupable.

[4] Kevin Hart, Dave Chappelle, Amy Schumer et bien d’autres ont tous fait leurs débuts à Juste pour rire.

[5] Il existe cependant un concurrent clé dans le domaine de la télévision et de la vidéo : Netflix, qui propose ses propres festivals et son propre contenu vidéo.

[6] La mascotte à cornes rouges de JFL s’appelle Victor. Son slogan : « Maman, c’est fini ! »

[7] La dernière fois que JFL a été vendu, le prix était estimé à 65 millions de dollars, selon la Gazette de Montréal.

[8] « Il y a 6 000 documents dans la salle de données liés à la vente que nous devons examiner. Et nous n’avons pas tout examiné. »

[9] Les anciens propriétaires étaient l’agence artistique ICM Partners, Bell Média et le Groupe CH de la famille Molson.

[10] ComediHa!’s current owners are Groupe Lapointe-Parent-Bédard et associés, Fonds de solidarité FTQ, FICC (Sodec) and Quebecor.

[11] Le chiffre d’affaires est en baisse de 30 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie, dit-il.

[12] Le public a également changé. Autrefois, les spectacles de ComediHa! se vendaient à guichets fermés en quelques semaines. Aujourd’hui, il n’est pas rare que les salles ne soient qu’à moitié pleines un ou deux jours avant le début du spectacle. Au moment du spectacle, la capacité est généralement de 80 %. Pourtant, « 80 ne signifie pas 100. Et quand on est à 24 heures du spectacle, le niveau de risque est élevé. »

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