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En Seine-Saint-Denis, les épiceries solidaires arrivent en force

En Seine-Saint-Denis, les épiceries solidaires arrivent en force

Au premier confinement, toute une jeunesse s’est levée en Seine-Saint-Denis. « Il fallait répondre à l’urgence alimentaire et on s’est lancé à l’échelle du quartier. » Mounir Mehloul, de l’association Dessine-moi Pleyel, à Saint-Denis raconte ces semaines aussi fortes qu’effrayantes où l’énergie et le cœur ont parlé, où des habitants parfois très jeunes se sont mués en bénévoles accomplis pour contrer la violence des conséquences économiques de la pandémie du Covid-19.

« Avec cette crise sanitaire et sociale, l’idée nous est venue de créer une épicerie solidaire alors ce n’était pas du tout notre champ d’action, plutôt axé sur le sport, poursuit Mounir Mehloul. Notre modèle de fonctionnement sera atypique parce que le magasin sera ouvert à tous les clients, pour ne pas pointer du doigt les plus pauvres. »

La différence se fera au passage en caisse, où les personnes en grande difficulté ne paieront que 10 % de la valeur des produits dans les rayons, grâce à une petite carte.

12 nouvelles épiceries vont être créées

Jusqu’à présent, quatorze épiceries solidaires étaient recensées en Seine-Saint-Denis mais ce nombre va quasiment doubler dans les mois qui viennent. Douze nouvelles boutiques sont en cours de création. Six sont soutenues financièrement par le département par des sommes allant de 15 000 à 40 000€. Les six autres font l’objet d’un appel à candidatures du réseau national Andes (groupe SOS) qui en rassemble 400 en France et qui a reçu une subvention de 32 000 € de la Seine-Saint-Denis.

Approvisionnements auprès de plates-formes logistiques spécialisées comme celles de la banque alimentaire ou d’Andes, partenariats avec de grandes enseignes, prix de vente des denrées de 70 à 90 % en-dessous du marché, aide limitée entre 3 et 9 mois, ateliers et liens personnalisés… Qu’elles soient l’émanation d’associations ou de centres communaux d’action sociale, indépendantes ou dans un réseau, les épiceries solidaires fonctionnent toutes sur des bases assez similaires.

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Le Bourget, le 3 décembre. Marino Goncalves (à gauche) et Mehdi Alsoune préparent l’ouverture de l’épicerie solidaire Episol, en janvier. DR LP/H.H.

« Elles ressemblent à des magasins ordinaires en libre-service mais elles sont destinées aux personnes sous conditions de ressources, avec un critère qui est le reste à vivre. Payer les produits est pour les bénéficiaires important car cela respecte leur dignité et ils gardent la main sur ce qu’ils prennent », explique Christelle Perrin, du réseau Andes, désormais le cinquième acteur de l’aide alimentaire en France.

Premiers clients en janvier au Bourget

Au Bourget, la petite boutique Episol que monte Marino Goncalves accueillera ses premiers clients en janvier. « Je participais à des maraudes auprès de sans-abri depuis plusieurs années et je me suis rendu compte qu’il y avait de plus en plus de gens en grande précarité », explique ce jeune cadre de 24 ans, dans la grande distribution. « J’ai visité plusieurs épiceries solidaires pour pouvoir m’en inspirer. » Episol ouvrira dans l’ancienne loge de gardien d’un bâtiment que la ville du Bourget met à disposition des bénévoles.

La demande est très forte comme le constate Souad Omane, coprésidente de l’Epicerie du cœur qu’elle a lancée en 2016 avec sa sœur, à Rosny-sous-Bois. « On reçoit quatre nouvelles familles par semaine, précise-t-elle. On en suit entre cent et deux cents. Ce sont des personnes non imposables, aux minima sociaux ou qui ont constitué un dossier de surendettement. Les profils peuvent être aiguillés par le 115 aussi. J’ai même eu l’appel d’une assistante sociale de la Sécu, pour l’un de ses employés. »

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« Complémentaires» aux grandes associations critatives

« En pleine pandémie, au printemps, nous avions la queue à l’extérieur, confie Clara Robin-Horn qui a fondé il y a trois ans l’épicerie Wicasaya, à Bobigny. Actuellement, nous aidons 400 familles, ce qui représente 800 personnes. »

Le besoin est prégnant et l’essor soudain de ces boutiques solidaires ressemble à un rattrapage dans un département où, avant la crise de 2020, 27,9 % des habitants vivaient déjà en dessous du seuil de pauvreté (1 041 € par mois pour une personne seule), ce qui est le taux le plus élevé en France métropole selon l’Insee.

L’émergence d’initiatives alternatives correspond aussi à de nouvelles formes d’engagement. « Pendant le premier confinement, les grandes structures classiques ont fermé lorsque leurs bénévoles souvent âgés ont dû rester chez eux pour se protéger eux-mêmes de la pandémie, analyse Stéphane Troussel, président socialiste de la Seine-Saint-Denis. Immédiatement, des petits groupes, souvent des jeunes dans les quartiers, ont pris le relais. Il s’agissait d’initiatives pas toujours très organisées et nous nous sommes dit que c’était l’occasion de donner de la force à cette nouvelle filière de solidarité, en choisissant d’aider au démarrage de certains projets. »

Ces nouvelles énergies bousculent effectivement le modèle des associations caritatives bien implantées dans le département. « On est complémentaires, juge Philippe Portmann, secrétaire général du Secours populaire de Seine-Saint-Denis. On mutualise même nos moyens dans certains cas, comme l’achat d’un camion frigorifique que le département nous finance et qu’on mettra à disposition 40 % du temps aux épiceries solidaires. »

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Dans le 93, le Secours populaire, qui compte 1 800 bénévoles et six salariés, a constaté avec la crise une augmentation de 75 % des demandeurs. « On fait de l’accueil inconditionnel et surtout, on va au-delà de l’aide alimentaire en accompagnant sur le plan de la santé ou culturel par exemple », rappelle Philippe Portmann.

« Certaines pleurent en évoquant leurs difficultés »

Les épiceries solidaires misent quant à elles sur le lien de proximité et la rencontre, en développant par exemple des ateliers de cuisine diététique mais aussi des sorties en petits groupes.

« On a proposé de la sophrologie, on va lancer un atelier tricot pour décorer le mobilier urbain, cite Clara Robin-Horn. On a aussi des temps de parole. Les femmes peuvent venir prendre un café, se confier, certaines pleurent en évoquant leurs difficultés et quand elles repartent, elles me disent se sentir mieux. »

« L’aide alimentaire ne sera qu’une passerelle, on veut aussi lutter contre la fracture numérique ou apprendre aux bénéficiaires à bien manger », confirme Mounir Mehloul. Le projet à Pleyel qui grandit doucement devrait franchir une première étape l’an prochain, avec l’achat d’un camion frigorifique et la quête d’un tiers lieu.

« On fait de l’accompagnement complet, en regardant avec les personnes comment elles peuvent utiliser l’argent économisé grâce à l’épicerie solidaire, appuie Christelle Perrin, du réseau Andes. Ce qu’elles n’ont pas eu à dépenser pourra servir à réparer la voiture ou rembourser une dette. »

«On ne se sent pas au bas de l’échelle »

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